samedi 27 janvier 2018

De la maîtrise


La vie, la vie personnelle, elle a vite fait de partir en sucette.


On se met à glandouiller, à rêvasser, on erre, on procrastine.


C'est la déprime assurée et on se met, éventuellement, à picoler ou à fumer.


Je crois que c'est un gouffre qui nous hante tous. On sait qu'il est facile de s'y précipiter.


Ça m'angoisse, me terrorise. Alors, pour conjurer ça, j'ai tendance à être un peu obsessionnelle. Tant pis si je n'apparais pas très drôle.

















Pour ne pas sombrer, je m'impose une discipline très rigide.











Je me lève aux aurores, je fais beaucoup de sport, je fais attention à ce que je mange (pratiquement que du poisson), je ne fume pas et j'ai même renoncé à la bière depuis quelques mois.


Ça me rassure de constater que je demeure mince et élancée. Je prends d'autant plus de plaisir à m'habiller avec attention, à oser être séductrice.


Bien sûr, c'est une attitude névrotique, un rituel magique, propitiatoire.


Mais je crois fermement que pour vivre, survivre, en ce monde, il faut avoir le sentiment que les choses ne vous échappent pas, qu'on les maîtrise. Pour ça, on a besoin de quelque chose qui vous anime, d'un moteur qui vous donne le sentiment de dépasser votre humaine condition, vos inclinations naturelles.

















Tableaux de Max KLINGER (1857-1920), peintre symboliste allemand.

dimanche 21 janvier 2018

Des nationalismes


On parle beaucoup de la Catalogne en ce moment. Ce qui m'étonne, c'est qu'on est presque unanimes, en Europe de l'Ouest, à condamner la volonté d'indépendance de la région. Ce serait une catastrophe épouvantable, nous dit-on, et ça pourrait préfigurer un éclatement général de l'Europe.



Je ne connais rien au sujet, j'ai à peine visité l'Espagne et je n'ai jamais mis les pieds à Barcelone. Et puis, je n'aime pas du tout les nationalismes.



Mais l'inquiétude et la réprobation exprimées m'apparaissent aujourd'hui bien suspectes. D'abord, il faut rappeler qu'une large partie de l'Europe (en particulier l'Europe Centrale) a été remodelée, au lendemain des deux guerres, sur la base du principe des Etats-Nations. On ne voulait plus d'Empires, on les a détruits (l'Autriche-Hongrie). Place aux peuples, aux nations.


Et puis, je me souviens qu'il n'y a pas si longtemps, on avait accueilli avec plein d'enthousiasme et on avait favorisé la dislocation de la Yougoslavie. Ça ne posait vraiment aucun problème l'indépendance de tous ces charmants pays: la Slovénie, la Croatie,  la Bosnie, la Macédoine, le Kosovo.


On peut être prompts, en fait, à soutenir les nationalismes. On est tous convaincus, par exemple, qu'il existe une entité palestinienne incontestable. Ou bien, pour s'en tenir simplement à la France, est-ce qu'on ne soutiendrait pas sans condition un projet d'indépendance du Québec ou une sécession de la Wallonie ?


En fait, on a une politique étrangère à géométrie variable, guidée par nos seuls intérêts propres.


On se donne ainsi bonne conscience en condamnant lourdement les pays d'Europe Centrale (Pologne, Hongrie, Slovaquie) qui ne veulent pas accueillir de migrants. Quels ingrats, quels égoïstes, même pas reconnaissants de l'aide et des subventions qu'on leur accorde !


Je ne veux, bien sûr, pas défendre ces pays mais l'indignation européenne m'apparaît d'une totale hypocrisie.


Là encore, il faut rappeler que ces pays se sont vidés de leur population depuis près de trente ans : la Pologne et la Roumanie ont, chacune, perdu plus de 2 millions d'habitants, la Bulgarie près de 1 million. Et c'est évidemment la population la plus diplômée et la plus dynamique qui est partie à l'Ouest. Alors remplacer ces départs par des migrants apparaît, aux habitants d'Europe Centrale, un véritable jeu de dupes. Cela suscite une angoisse identitaire et ils ont l'impression qu'on se moque d'eux. Ils n'arrivent pas à croire qu'ils pourront être gagnants avec l'immigration


Surtout, l'Europe de l'Ouest accuse sans cesse ces pays de concurrence économique déloyale et  s'efforce de mettre en place des barrières et des mesures protectrices. On rabâche ainsi aux Français que si leurs usines et entreprises partent en Pologne, c'est parce que l'on pratique là-bas un dumping social avec de bas salaires. C'est sans doute une explication consolante mais elle n'est plus vraie. Il y a aussi de bonnes raisons objectives, beaucoup moins glorieuses, pour l'économie française.


Images de François SCHUITEN (né en 1956), le célèbre dessinateur belge de bande dessinée. Je trouve ça remarquable sur le plan pictural.

samedi 13 janvier 2018

Le temps de lire

Les gros livres (plus de 400 pages), d'habitude ça m'effraie et je renonce: j'aime changer, passer à autre chose et je n'ai pas envie d'être coincée dans un même univers pendant plus d'une semaine. Mais j'ai dérogé à cette règle pendant ces dernières semaines : j'avais un peu plus de temps disponible et j'ai donc ingurgité quelques pavés:

- Juli ZEH: "Brandebourg" (516 pages exactement). Juli ZEH est une figure majeure de la littérature contemporaine allemande. J'aime beaucoup ! Son dernier bouquin se passe dans un petit village de l'ancienne R.D.A. peu à peu envahi par des "bobos". C'est l'affrontement entre l'Est et l'Ouest, la ville et la campagne. C'est aussi un thriller entretenu  par la rumeur et la manipulation généralisée. C'est enfin une critique féroce de toutes les idées en cours, l'écologie en particulier.
   

Philippe JAENADA: "La serpe" (634 pages). Commençons par une petite déception: c'est quand même moins bien que "La petite femelle" paru il y a deux ans.  Et c'est vraiment trop long avec des digressions, marque de fabrique de Jaenada, qui sont vraiment trop nombreuses. Mais l'histoire est tout de même fascinante et nous plonge, avec beaucoup de véracité, dans la France des années 40-50.


Pierre LAMALATTIE: "L'art des interstices" (542 pages). On le compare souvent à Michel Houellebecq: même âge, même formation (ils se sont connus à l'INA), même regard désabusé sur le monde. Ce qui le différencie peut-être, cest son humour et son empathie. Son dernier bouquin est, principalement, une critique hilarante de l'art dit moderne.


Oleg KHLEVNIUK: "Staline" (559 pages). Un ouvrage majeur basé sur l'ensemble des archives soviétiques qui viennent d'être déclassifiées. Un livre  glaçant qui impute à Staline la pleine et entière responsabilité de la Terreur et des crimes.


Alexandre JEVAKHOFF: "La guerre civile russe - 1917-1922". (643 pages). Une période effroyable de l'histoire (10 millions de morts) sur la quelle a régné, pendant 70 ans, un silence presque absolu. On commence seulement à découvrir et à raconter cet événement dantesque. 


Du moins copieux, maintenant:

Hervé LE TELLIER: "Toutes les familles heureuses- J'ai toujours su que ma mère était folle". Une étrange famille, celle de l'auteur, au sein de la quelle l'amour ne va pas de soi.


Julie WOLKENSTEIN: "Les vacances". Si vous aimez la Normandie et la Comtesse de Ségur,  ce livre est fait pour vous. Très original, léger, plein d'humour.



Dominique SCHNEIDRE: "Trois verres de vodka". La rencontre avec le génial et contesté cinéaste polonais, Andrzej ZULAWSKI. Un livre très intelligent: "ce que vous appelez excès, c'est la vie même".


Nathalie COURTET: "A pied dans le Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie)". Si vous ne savez pas où passer vos prochaines vacances, je vous conseille vivement le Caucase. Le livre de Nathalie Courtet (qui a déjà publié une trilogie sur un voyage en Asie à vélo) vous convaincra sûrement. J'ai bien aimé ce livre qui n'hésite pas à parler d'histoire, de géographie, de politique mais je ne suis pas disposée à faire le voyage dans les mêmes conditions que l'auteur.


A nouveau, quelques-unes de mes petites photos prises durant la période des fêtes à Paris.

dimanche 7 janvier 2018

Le sexe de la langue


On me dit, quelquefois, que je ne fais pas beaucoup de fautes d'orthographe en français. Tant mieux même si je n'y accorde qu'une importance relative: ce qui compte, ce n'est pas la correction orthographique mais c'est la correction syntaxique. Les défenseurs acharnés de l'orthographe française me font bien rire. Il y a dans leur crispation un côté vraiment trop guindé, duchesse ou petit marquis.


Du reste, je bénéficierais d'un avantage: je n'ai qu'un rapport instrumental au français tandis que les Français "de souche" sont submergés, perturbés, par leur lien affectif à la langue maternelle. Leurs fautes sont une traduction de leurs relations d'amour/haine. C'est peut-être de la psychanalyse de bistrot mais ça ne m'apparaît pas trop idiot. A l'inverse, je suis assez insensible à ce qui touche à l'affectivité: la poésie, la chanson, les gros mots, les injures.


Ce qui m'amuse beaucoup, en ce moment en France, c'est le débat sur le caractère sexiste de la langue avec la prédominance du masculin sur le féminin. Pour y remédier, on préconise l'écriture inclusive (comme dans "les député.e.s") et l'accord de proximité (comme dans les hommes et les femmes sont belles).


Ça peut être troublant, voire dérangeant au début. Mais au fond, pourquoi pas ? Le propre d'une langue est bien d'être en perpétuelle évolution et personne ne peut s'opposer à ça. 


Mais la vraie question, c'est de savoir si l'égalité des sexes passe bien par la grammaire et si une intervention sur la langue est susceptible d'améliorer les relations entre les sexes.


Je n'ai pas d'opinion tranchée sur la question mais j'ai quand même quelques connaissances linguistiques. Il y a comme ça de nombreuses langues qui, curieusement, ignorent la distinction du masculin et du féminin (et donc la suprématie d'un genre sur l'autre): le persan, le japonais, le chinois et aussi, paraît-il, le kurde, l'arménien, le géorgien. Ça n'est vraiment pas concluant parce qu'on ne peut vraiment pas dire que le féminisme soit triomphant en Iran et au Japon.

Les langues slaves, c'est exactement l'inverse. Ce sont des langues hyper-sexualisées avec une distinction continuelle du masculin et du féminin. Même les noms de famille sont distingués suivant le genre (ça pourrait être marrant d'introduire ça en France). Ça explique peut-être qu'il n'y a pas d'hostilité entre les sexes mais qu'ils sont aussi, assez fortement séparés.

Le français, lui, ne m'apparaît que modérément sexualisé (juste un peu plus que l'anglais) et même le masculin s'apparente davantage pour moi à un neutre qu'à un véritable masculin.


Tout ce détour pour dire, en conclusion, que je n'ai vraiment pas l'impression qu'une langue puisse être, par elle-même, sexiste. On a tous un rapport universel au langage et pas un rapport de dominant ou de dominé. Ce sont les hommes, leurs comportements qui sont sexistes. Ce ne sont donc pas des bricolages linguistiques, plus ou moins ubuesques, mais c'est l'évolution sociale et politique qui est seule susceptible de transformer les comportements, de promouvoir l'égalité des sexes.


Francine Van HOVE, peintre (comment on peut dire peintre au féminin: peintresse, peintrice, peinteuse ?) française née en 1942

lundi 1 janvier 2018

Temps nouveaux


Coucou ! Me revoilou ... !


J'avais un peu disparu ces derniers temps, je me sentais loin de Paris mais j'ai quand même noté que mon blog, Carmilla, avait fêté, la semaine dernière, ses dix ans. Ça m'effraie moi-même ! Mais méditer là-dessus n'a pas grand intérêt.

Foin des états d'âme, je vais sûrement poursuivre cette année encore mais je vais essayer de parler davantage voyages, découvertes.


Ma persévérance, c'est d'abord à vous, chers lecteurs, que j'en suis redevable. Votre assiduité, votre gentillesse, ça me flatte, bien sûr, mais ça me terrorise aussi un peu. Je vous aime mais je préfère ne pas trop penser à vous: j'ai peur de me mettre à écrire, un jour, par rapport à vous, de chercher à vous plaire et ce sera alors fichu.

Demeurer autonome, tracer tout seul son chemin, ça peut être le souhait que je formulerai pour cette nouvelle année. Se déprendre, un peu, de son époque. Ne pas se croire obligés de répondre, systématiquement, à l'actualité, à ce que montrent les medias, d'avoir un avis sur tout. On vit désormais dans la sollicitation, l'injonction permanentes. C'est la culture "à réaction", celle de l'émotion, de l'instantanéité, mais aussi du conformisme, des diktats et des bienséances.

Un seul remède à cette servitude volontaire: essayer de chercher par soi-même, un peu tout seul. Ça réclame une petite dose d'indifférence à l'opinion publique.