samedi 22 avril 2017

Les métamorphoses de la sensibilité


Chez un bouquiniste, j'ai découvert un vieux livre consacré à Léonor Fini. Elle était, paraît-il, très célèbre et très cotée dans les années 70 et puis elle est tombée dans l'oubli. Elle recommence seulement à susciter un peu d'intérêt mais on la la juge, généralement, kitsch, d'un érotisme sulfureux narcissique et daté. 


Moi j'aime bien Leonor Fini, j'ai même adoré, mais c'est sûr qu'elle appartient à une époque révolue.On a tendance à penser qu'avant, c'est-à-dire les précédentes décennies, c'était à peu près comme aujourd'hui mais, en fait, il n'en est rien. Les hommes, les femmes, leurs relations, aujourd'hui, hier, ça n'a plus rien à voir. La modernité, c'est bien Jeff KOONS et Damien HIRST et c'est ça qu'il faut penser aujourd'hui même si ça ne nous fait pas vibrer de prime abord.


Les années 70, même si c'est encore proche, j'ai l'impression que les mentalités étaient très différentes, à des années-lumière.


Je me suis penchée un peu là-dessus et j'ai le sentiment de me retrouver, largement, dans les années 70. J'ai glané, ci-dessous, quelques idées qui m'apparaissent importantes mais j'admets aussi que je raconte, peut-être, d'énormes bêtises.


C'était d'abord une explosion de couleurs. On aimait les couleurs pas possibles: les voitures, l'habillement, la décoration de son appartement; on aimait les couleurs flashy, agressives: jaune citron/tournesol, vert pomme/absinthe, orange/mandarine. On adorait Vasarely, histoire de se désorienter, se tourner la tête. C'est, paraît-il, la seule décennie du 20ème siècle durant la quelle on ait aimé la couleur. On trouve ça affreux aujourd'hui, de mauvais goût, et on s'est empressés de revenir au noir, au gris, au blanc. La petite robe noire, c'est devenu le summum du chic. On n'aime plus les couleurs et on pense être plus raffinés.


C'était, surtout, l'esprit aventure, routard, le trip vers l'Inde ou le Népal. J'ai moi-même adhéré à ça , évidemment avec retard: je n'ai fait qu'un bout de la route des Indes (d'Istanbul à Kerman) mais mon ambition, ça demeure de la faire en totalité.

La mondialisation, dans les années 70, on y aspirait et ce qui attirait, fascinait, c'était l'Orient. On louait l'extraordinaire qualité d'accueil que l'on rencontrait dans les pays musulmans. Les pays dont on rêvait: la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan, le Pakistan.


On est évidemment extraordinairement loin de ça aujourd'hui; on devient crispés, apeurés, repliés, nationalistes. Mais il est important de rappeler que l'Orient et l'Islam ont longtemps fasciné les Européens et cela jusqu'à une époque très récente. Il y a sans doute des responsabilités partagées dans le rejet réciproque et l'antagonisme en cours.


Les années 70, c'était aussi l'apogée de la philosophie et de la psychanalyse en France. Une génération exceptionnelle : Lacan, Foucault, Deleuze, Levi-Strauss et de multiples épigones.


Une question centrale était soulevée: celle de la sexualité humaine, la relation du désir à l'interdit.

Il y avait quelques auteurs fétiches: Georges Bataille, Antonin Artaud, le Marquis de Sade, Antony Duvert, Monique Wittig. On aimait aussi la peinture surréaliste.


Que reste-t-il de cette effervescence intellectuelle ? Plus grand chose. D'abord, il me semble qu'il n'existe plus aucun "penseur" français susceptible de passer à la postérité. Et puis, il y a un désintérêt accru pour la psychanalyse et le déchiffrement de la sexualité humaine. Bien des livres publiés dans les années 70 ne trouveraient pas, aujourd'hui, éditeurs. On devient même carrément puritains tellement on est hantés par les harceleurs, violeurs, pédophiles, pervers manipulateurs qui nous menaceraient sans cesse. Les rapports entre les hommes et les femmes ne sont plus les mêmes, à la fois plus égalitaires et plus distants. On n'ose plus rentrer dans le jeu de la séduction.


C'est pour ça, me semble-t-il, qu'un peintre comme Leonor Fini apparaît aujourd'hui totalement décalée. Les fleurs vénéneuses, on n'aime plus. La transgression, ça fait rigoler. On est devenus plus abstraits, plus "intellectuels". Ce n'est plus l'objet qui attire, son évidence immédiate, c'est sa forme, ses connexions, son insertion dans une multiplicité.


Tableaux de Leonor FINI (1907-1996). Elle ne s'est jamais réclamée du surréalisme même si elle l'a côtoyé de près.

Enfin, même si mon blog se veut en dehors de l'actualité (et de la politique en particulier), j'appelle mes lecteurs à voter Emmanuel Macron. Pour l'intelligence, la Liberté ! Pour un Président jeune, cultivé, philosophe (depuis Marc Aurèle, ça n'a jamais existé), financier (le seul, avec Fillon, à ne pas raconter n'importe quoi en économie) ! Et surtout aussi, pour barrer la route aux deux effrayants démagogues et populistes, ignares et grossiers, Mélenchon et Le Pen (dont les programmes se rejoignent, d'ailleurs, sur bien des points). La France Mélenchon/Le Pen, ce n'est pas celle que j'ai choisie.

2 commentaires:

KOGAN a dit…

Bonjour CARMILLA

Merci pour votre appel au peuple CARMILLA, mais ce sera pour ma part FILLON au premier tour et pour votre "ami" au second tour si ce jeune homme est qualifié demain? et malgré qu'il soit le cheval de TROIE de HOLLANDE...

Ce qui me gêne un peu pour les 5 ans à venir et sa gouvernance pour réformer sans majorité au parlement...

Il risque d'y avoir à cet effet, de sérieux grincements de dents...chez nous les latins.

Bien à vous.
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Soit,

Mais voter Fillon, c'est prendre le risque de faire élire Mélenchon !

Et puis Fillon s'est tellement discrédité, ces derniers mois, qu'il ne pourrait pas, lui non plus, gouverner.

Je ne suis pas sûre que Macron soit Hollande bis et je suis convaincue qu'il arrivera à composer une majorité.

Bon vote,

Carmilla