vendredi 23 décembre 2016

9 ans


Carmilla a 9 ans: c'est, pour moi, incroyable, presque ridicule ! Quand j'avais débuté, je m'étais fixé l'objectif de tenir un an tout au plus.

Et puis, il s'est trouvé que j'ai enchaîné, imperturbablement, à raison d'un post par semaine.

La première explication, c'est que ça ne m'a jamais pesé de rédiger mes posts, que je n'ai jamais eu de difficultés pour les écrire (toujours très vite) et que je ne me suis jamais demandé qu'est-ce que j'allais bien pouvoir raconter cette semaine. Alors que je suis très réservée en public, écrire ne me pose, en revanche, pas de problèmes.

Mon blog, il m' a, en fait, toujours amusée, divertie. Je crois qu'on rêve tous d'une autre vie !


Mais un blog, ça se construit, surtout, par rapport à des lecteurs. C'est devenu très difficile de conquérir un petit public, ça m'a pris un temps fou mais c'est une récompense. C'est, avant tout, une découverte, un échange avec d'autres personnes que je n'aurais jamais pu rencontrer.

C'est aussi une interrogation. Qu'est-ce qui vous conduit à me lire régulièrement, qu'y trouvez-vous ? Quelles affinités nous lient ?

C'est également, parfois, un étonnement. J'ai l'impression, à certaines remarques, que l'on me comprend mal ou plutôt qu'on me prend absolument au sérieux, au pied de la lettre. Pourtant, toute écriture, même modeste, est toujours création, reconstruction, de soi. En d'autres termes, Carmilla, bien sûr que c'est moi mais pas complètement non plus. Je force toujours un peu le trait et je provoque, j'aime bien renverser les tables. Rien de plus déprimant que la tiédeur et la banalité. Mais dans la vraie vie, j'espère bien ne pas être aussi arrogante que l'image que je brandis.

Ça ne veut pas dire non plus que je ne crois pas en ce que j'écris: la séduction, l'interdit, la culpabilité, la différence des sexes, les jeux de pouvoir, on a tendance à évacuer tout ça aujourd'hui pour promouvoir une vie sans aucune aspérité, parfaitement transparente et égalitaire. C'est aussi la vie tétanisée, vitrifiée, de citoyens écolo-responsables parfaitement domestiqués et c'est ce que je combats.

Quoiqu'il en soit, je vous aime tous, chers lecteurs, d'un bel amour vampirique et j'espère continuer à vous séduire l'an prochain.

Belles et bonnes fêtes à vous tous !


Photographies de Sylvia Bataille (1908-1993) prises, en 1934, par Denise Bellon. Après avoir été l'épouse de Georges Bataille, Sylvia allait devenir l'épouse de Jacques Lacan.

La dernière image est une affiche, que j'ai maladroitement retravaillée, du Viennois Teo MATEJKO.

dimanche 18 décembre 2016

Déceptions sentimentales


Ma copine Daria, elle me dit qu'une honnête femme, aujourd'hui, doit avoir connu au moins 100 hommes pour prétendre savoir un peu ce qu'est la vie. 


Dans l'absolu, je lui dis que je suis d'accord et, d'ailleurs, ça n'est pas si difficile que ça. Elle et moi, il suffit qu'on s'assoient à la terrasse d'un café ou sur le banc d'un parc pour avoir, tout de suite, du moins en France, 2 ou 3 prétendants.


Il est vrai que notre apparence n'est pas vraiment dans les "codes". Cette attention, ça nous plaît, bien sûr, mais ça nous fait peur également. C'est peut-être le charme slave: ça ne nous arrive pas à Moscou ou à Kiev.  Mais qu'est-ce que ça veut dire ici, à Paris? Peut-être que les hommes, en Europe de l'Ouest comme ailleurs, sont malheureux !

Et puis..qu'est-ce que ça nous apporte ? Est-ce que chaque relation nous permet, vraiment, de mieux connaître la vie ?  Est-ce qu'on ne perd pas souvent son temps ?


En fait, ça n'est pas toujours rigolo: le plus souvent, on est confrontées à de drôles de zèbres:

- des avares: du genre à faire 50 kms pour payer moins cher 1 litre d'essence ou un yaourt. Mon antidote: leur demander de m'accompagner à mon marché favori, celui des Ternes ou leur proposer un voyage pour Tokyo avec vol direct.



- des écolos: c'est à peu près la même chose que les avares, avec plein d'obsessions en plus. Mon antidote: je ne prends pas de douches mais plutôt les bains. Quant à ma voiture, elle consomme 15 litres aux 100kms. Et puis, j'aime bien éclairer à plein mon appartement ou avoir très chaud en hiver (ce sont des souvenirs d'enfance).


- des politicards:  des types pleins de rancœur et de de haine, qui pensent "à la hache", sûrs qu'ils détiennent la vérité! Mon antidote : les ringards, les ignares, c'est Mélenchon et Montebourg. Les révolutionnaires, c'est Macron et Fillon. Tant pis si vous me crachez  à la gueule parce que j'ai écrit ça.

- des puritains: des types qui n'aiment pas la façon dont je m'habille, me maquille, mes jupes, mes high heels. Mon antidote: je leur demande de m'offrir un ensemble Chantal Thomas ou Victoria's Secret, en rouge évidemment.


- des mythomanes: pleins de types auraient eu des carrières professionnelles extraordinaires,  malheureusement contrariées. Mon antidote: leur soumettre 2 ou 3 problèmes techniques.

- des artistes, des rêveurs, des intermittents du spectacles qui ne parlent que d'eux. Mon antidote: leur demander de me payer un simple café.



- des violents qui, au nom de la la libéralisation des mœurs, se croient tout autorisé.  Qui nous massacrent au point qu'on ne peut plus marcher pendant plusieurs jours. Mon antidote: leur proposer un même traitement, la prochaine fois, avec un godemichet. 

- des addictos. Je suis tolérante avec ceux qui fument, boivent et même se droguent. Ça répond aussi à une logique, une rationalité. Ce qui me gêne, c'est que leur vie toute entière s'organise autour de ça. Et puis là, je n'ai pas d'antidote.


C'est pour ça que je ne suis pas mariée et que je préfère, généralement, qu'on me foute la paix. 

Le grand malentendu,dans une relation, c'est que chacun voudrait être aimé absolument. C'est que chacun croit qu'il est, par lui-même, par sa seule présence, absolument désirable.

Je n'ai pas cette prétention et je ne veux pas, surtout pas, que l'on m'aime. Simplement que l'on me parle.


Tableaux de Hope GANGLOFF, jeune artiste new-yorkaise. Elle est assez connue aux Etats-Unis. Elle cherche à traduire "l'agonie de l'éros".

samedi 10 décembre 2016

La disparition de l'amour




On s'applique, aujourd'hui, à classer à peu près tout au patrimoine mondial de l'humanité, même la cuisine et l'art des jardins.

Il manque quand même, pour moi, une dimension essentielle: le sentiment amoureux. Faut-il le rappeler, le souligner? L'horizon premier de la culture européenne et occidentale, ça a été, longtemps, l'amour, la passion amoureuse ? Le désir amoureux comme moteur et destin de l'Occident ! La littérature ne parle que de ça et l'histoire politique elle-même (Napoléon, Louis XIV etc...) n'a longtemps reposé que là-dessus. L'amour, vérité de l'Occident !


On s'interroge beaucoup, aujourd'hui, sur l'identité européenne mais on est trop timorés pour avancer un trait remarquable. J'oserais, quand même, affirmer que l'amour, la culture amoureuse,  a été, pendant des siècles, l'enchantement de l'Europe et de l'Occident, son destin ! C'est bien différent des terres d'Islam, de la Chine, de l'Inde où les techniques sexuelles étaient, éventuellement, plus sophistiquées mais séparées de la relation sentimentale. Le génie du christianisme, ça a été de fusionner le sexe et le sentiment pour en faire l'amour.


Mais l'amour en Occident, ça n'a jamais été la vertu, la tempérance, le respect de l'ordre social. Ça a toujours été, au contraire, l'amour qui renversait les barrières, l'"Amok", la brûlante folie qui me saisissait, tout à coup, qui transformait ma vie à la suite, simplement, d'un regard échangé, d'une silhouette perçue au-milieu de la foule, d'un éclair fulgurant."Et toi que j'eusse aimée, et toi qui le savais" écrivait Baudelaire.


Cet instant extraordinaire où tout son passé, tout ce que l'on a fait, tout ce que l'on possède, ne compte plus pour rien en regard de celui/celle que l'on vient de découvrir. Cet instant où l'évidence de l'amour va transformer une vie. 



Tout ce qui nous constituait, autrefois, devient insignifiant, il n'y a plus qu'une vérité ultime: ce désir, cette passion qui me poussent vers l'autre, combattent l'isolement, déjouent toutes les frontières. Qu'importe tout le reste pourvu que je puisse continuer de trembler, de palpiter, pourvu qu'au moment de se donner, de se promettre, l'élu/l'élue conservent leur caractère magique. On bazarde tout, immédiatement et sans hésitation, pourvu qu'on puisse sortir de la grisaille quotidienne, pourvu que la rue, le quartier, sinistres dans lesquels je vis soient tout à coup transfigurés. L'amour, révolution ! L'amour, histoire !


Tout ça, ça a été, pendant quelques siècles, la merveilleuse folie de l'amour en Occident, sa vérité, son destin. Par amour, on a renversé les tables, fait l'histoire, transformé le monde.


Mais de cette vérité ultime, ne faut-il pas parler, aujourd'hui, au passé ? La passion amoureuse disparaît, progressivement, de la conscience occidentale. On ne s'en rend pas tellement compte parce qu'on est, dans le même temps, inondés d'images et de scénarios érotico-pornos.


Mais qui, aujourd'hui, est encore amoureux ? Qui est prêt à tout par amour ? Mourir d'amour, se tuer par amour, c'est devenu ridicule, risible. Plus de nuits blanches, plus d'angoisses, plus de tremblements, plus de courses-poursuites de l'amant/amante. Un ascenseur, un escalier, ça n'est plus que pour me rendre chez moi.


On est devenus des experts. Des techniques sexuelles, on n'ignore plus rien. Il n'y a plus que quelques filles hyper-coincées pour ne pas déclarer qu'elles adorent la sodomie, la fellation, le cunilingus, les sex-toys. On est prêtes à tout, à se faire défoncer de partout, on est modernes !


On n'est plus des "possédés". La passion s'est assagie, raisonnée. On est devenus de simples gestionnaires, des comptables, du désir. Le désir d'amour, le désir d'être hors de soi, ne nous habite plus. On se contente de se mettre en ménage, de partager un loyer et des factures. On a peur de l'inconnu, du bouleversement.



Et puis, on vit aux temps de l'égalité démocratique, du partage fifty-fifty et de la transparence. L'amour, aujourd'hui, ce serait l'entente, l'accord, l'harmonie, la sincérité. Un contrat en bonne et due forme entre individus responsables.

Ce serait la recette du bonheur: pas de bouleversement, pas de désordre. Sauf que l'amour, la passion, n'ont rien à faire de l'égalité, du contrat. L'amour, c'est la dissonance, la dissymétrie.


Il faut oser l'affirmer : il n'y a pas d'égalité sexuelle et il ne saurait y en avoir. L'homme et la femme ne sont pas dans une relation d'équilibre, donnant-donnant. Il y a toujours un mouvement de bascule, une inégalité, un rapport de domination. La domination, c'est l'étincelle, le coup de silex, qui provoquent la déflagration du désir, l'émergence de la passion. Je sais bien que ces propos peuvent faire hurler mais de toute manière, l'inégalité, la domination, quoi qu'en pensent les féministes, c'est toujours réversible, éminemment réversible.


Tableaux de Max ERNST (1891-1976). Un peintre majeur, pour moi.

Ce post m'a été inspiré, pour partie, par le livre récent de Hervé JUVIN: "Le gouvernement du désir".

dimanche 4 décembre 2016

De la manipulation


La manipulation, ça devient la grille d'analyse, simple et universelle, de la vie sociale et politique. 


Ce serait, d'abord, le moteur de la société de consommation et de l'infâme capitalisme. On jouerait sur nos désirs non formulés, on induirait des besoins inutiles. Surtout, on dissimulerait que ce qu'on vous vend est de la camelote ou est même carrément dangereux pour notre santé. Le pire, ce seraient les marchés financiers continuellement manipulés par quelques spéculateurs ("les gnomes de Zürich") œuvrant à l'asservissement, l'appauvrissement, des peuples.


Ça s'étend, bien sûr, à la sphère politique avec toutes les thèses complotistes. Ce sont généralement les Etats-Unis et la finance mondiale (sous entendu "les Juifs") qui, dans leur volonté de puissance inassouvissable, tireraient les ficelles d'à peu près tout. Plus c'est gros, mieux ça passe: les Twin Towers, la conquête de la lune, l'Ukraine et même Daech, tout ça, c'est du bidon, du "fake", c'est les Etats-Unis qui sont derrière. Les peuples, les "justes", seraient, évidemment, sans défense face à ces offensives dictatoriales.


Enfin, ce sont les relations personnelles, interindividuelles. Dès qu'une relation amoureuse ou professionnelle se passe mal, on a vite fait de qualifier l'autre de pervers narcissique. Psychiatriser (normaliser) la vie, on aime bien ça. Ça permet d'objectiver l'autre, ce qui est, bizarrement, aussi, une attitude perverse. Ça permet aussi, bien sûr, de se libérer de toute culpabilité, responsabilité.


La théorie de la manipulation, c'est, finalement, formidable. Ça permet de briller en société, de sembler intelligent, d'avoir l'impression d'expliquer, avec une clé très simple, des choses très complexes. La manipulation, c'est la psychologie pour les nuls.


Surtout, ça permet d'être reconnu socialement car pour être reconnu, aujourd'hui, il faut être une victime !


Mais la manipulation, je ne vais quand même pas la nier ! C'est, effectivement, l'un des jeux importants de la vie. Simplement, la manipulation, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'on en est, quelquefois, non seulement les complices mais souvent, aussi, les acteurs.

Il y a, en effet, un "bénéfice" de la souffrance qui vous exonère de toute responsabilité et puis, il y a aussi, sur un autre versant, un intérêt objectif à manipuler les autres: simplement pour pacifier les relations, pour éviter la guerre!


Moi, je le sais bien, je suis une terrible manipulatrice ! Moins naturelle, plus construite que moi, il n'y a pas ! Toujours polie, élégante, kantienne, c'est mon idéal. Mais je suis, peut-être, d'autant plus redoutable. Je ne jette jamais un amant en lui disant qu'il est nul ! Quant à mon blog, je vous manipule évidemment, chers lecteurs ! Du moins, j'en ai conscience mais suis-je, pour autant, une incarnation du Mal ?


Tableaux de Valerio ADAMI, né à Bologne en 1935. Très fort !