samedi 24 septembre 2016

Des aïeux


L'identité, c'est devenu un grand questionnement. On voudrait savoir qui l'on est vraiment. Ça rejoint la grande idéologie contemporaine de la transparence.


Pour ça, on se met en quête de ses origines, de ses racines. On scrute sa généalogie, on recompose la vie de ses ancêtres, de ses parents, on débusque les "secrets de famille". Bien sûr, on se découvre presque toujours des ascendants prestigieux mais aussi quelques histoires sombres, transmises de génération en génération, qui expliqueraient notre malaise actuel. "Aïe, mes aïeux !", c'est le titre du livre à succès d'Anne Ancelin Schützenberg.


Les secrets de famille, ça plaît beaucoup aujourd'hui et on adore, de plus en plus, s'épancher sur la vie de ses parents et de ses proches. Parce que, bien sûr, c'est ça qui rendrait compte de votre personnalité.


C'est une attitude à la quelle je me sens, personnellement, complètement étrangère. Je ne me suis jamais intéressée à mes ancêtres, probablement de pauvres gens mais avec les quels je pense avoir bien peu d'affinités, tellement le temps, l'histoire, ont fait leur oeuvre.Quant à la vie personnelle de mes parents, je n'en sais rien et n'en veux rien savoir. Je me sentirais d'ailleurs bien incapable d'exprimer un jugement sur leurs actes, leurs lâchetés, leurs trahisons, leur manque de compassion. Je crois qu'ils ont été plutôt meilleurs que d'autres mais je n'ai pas, non plus, eu une enfance heureuse, sans que ce soit, forcément, de leur faute. La violence, je l'ai plutôt perçue du côté des institutions: l'école et tous les suppôts de la société disciplinaire, petits boutiquiers, forces de police et employés de l'administration.


Il y a, pour moi, une affreuse obscénité dans la quête effrénée des origines. Et puis reporter le poids de la faute sur les autres, c'est vraiment s'exonérer à bon compte. Et je ne pense pas, non plus, que l'on reproduise, forcément, la vie de ses parents ou de ses ancêtres.


Surtout, ça m'apparaît complètement régressif. Essayer de se construire par rapport au passé, c'est se condamner à tourner en rond, à ruminer à l'infini. Ce n'est pas comme ça qu'on va se débarrasser de ses problèmes. Ce qui est important, c'est l'avenir et c'est nous seuls qui en détenons les clés.



Il n'est pas vrai que l'on soit mécaniquement déterminé par les événements de la vie. Bien sûr, il y a les traumatismes, la souffrance. Mais on n'est pas, non plus, toujours complètement passifs.


Plus importante, apparaît la résistance, la rébellion que l'on sait opposer. Le traumatisme ne vous détruit pas automatiquement. On n'est pas les simples réceptacles du chagrin, on se construit surtout dans la lutte et l'affrontement. Etre heureux ou malheureux, ça dépend beaucoup moins de ses ancêtres que de sa capacité de révolte.


Tableaux de Paul JENKINS (1923-2012), peintre abstractionniste américain. Il était, notamment, grand ami de Paul Veyne.

samedi 17 septembre 2016

"Les âmes baltes"



La Lettonie, mes photos, vous devez en avoir marre. Je termine, donc, aujourd'hui.


En fait, je me suis beaucoup baladée dans la campagne, les petites villes. Ça n'est pas très beau, mais il y a une atmosphère, une ambiance, comme on dit.


La coexistence d'une église catholique et protestante.

Cette région de l'Europe, c'est pour moi une énigme. Sur un tout petit territoire englobant, aujourd'hui, plusieurs pays (la Lettonie, la Lituanie, la Prusse-Orientale, la Biélorussie), sont nés et ont vécu dans leur enfance, à peu près en même temps, quelques-uns des plus grands penseurs et artistes du 20 ème siècle: Eisenstein (père et fils), Konstantin Ciurlonis, Mark Rothtko, Chaïm Soutine, Marc Chagall, Jacques Lipchitz, Emmanuel Levinas, Hannah Arendt, Romain Gary. Ils auraient pu se connaître, se rencontrer, tellement ils étaient proches, mais ça n'a, bien sûr, pas été le cas.


La coexistence d'une magnifique synagogue et d'une église catholique

Comment comprendre ça ? Sauf Vilnius et Riga, rien que des bleds d'une désolante platitude. Rien de beau, de stimulant. Sinistre de chez sinistre: ça peut donner matière à disserter, à l'infini, sur les liens entre le génie et son environnement. Aujourd'hui encore, ça apparaît complètement perdu. Comment devenir Rothko quand on est né à Daugavpils ?


J'ai une seule explication: la multiplicité ! 


La multiplicité des langues: tout le monde parlait russe, polonais, yiddish, allemand et, éventuellement, lituanien ou letton. 

La multiplicité, aussi, des religions: orthodoxe, protestante, catholique, juive. 

La multiplicité, ça vous rend moins bête, plus critique.


Enfin... pour ce qui me concerne, je voulais surtout voir la ville de Marc Rothko: Daugavpils (Dvinsk ou Dünaburg). 

Rothko, j'adore ! Mais je n'ai jamais compris qu'on le présente, presque partout, comme un peintre américain. Rothko, pourtant, c'est l'Europe Centrale.


Daugavpils, j'imagine que ça ne fait rêver pas grand monde. Mais j'ai adoré ! J'y ai vécu des soirées extraordinaires: des boîtes, des restaurants fabuleux.


Surtout, il y a, à Daugavpils, une extraordinaire Fondation Marc Rothko.  C'est un endroit magique où vous pouvez même séjourner, trouver un hôtel, une chambre. C'est ce que j'ai fait !




La Fondation Marc ROTHKO. Ma chambre, extraordinaire, était sur la gauche.







Il y a aussi, en Lettonie, des châteaux extraordinaires. Pas seulement ceux des barons baltes.Surtout les palais de Rastrelli, l'architecte de l'Ermitage à Saint-Petersburg. 

Rastrelli, tout le monde le connaît en Russie. En Lettonie, il a construit Rundale et Mittau, des palais de rêve qui surgissent, tout à coup, en pleine nature. 

Sait-on, en France, que Louis XVIII a vécu, de longues années, à Mittau, ancienne capitale de la Courlande (photo ci-dessus) ?


Mais, mais ... Je suis, aussi, allée en Lettonie pour aller, bêtement, à la plage. En général, je déteste ça (la promiscuité, la saleté) sauf dans les pays Baltes.


Les plages baltes, c'est mon proche passé, mais c'est quand même un peu bizarre. C'est ultra-propre avec un sable ultra-fin. Et puis, on a de la place, beaucoup de place.


Mais c'est étrange! C'est d'un calme impressionnant. Personne ne bouge, tout le monde se contente de regarder la mer, sagement assis. Et même, personne ne se baigne ou ne nage (sauf moi).


Je n'ai jamais trouvé d'explication à ça. Mais tant pis ! J'ai adoré mon séjour à la mer à Jumala tout près de Riga.


Mon verre de bière au bord de la mer à Jurmala.




Photos de Carmilla Le Golem en Lettonie. Images principalement prises à Daugavpils, Rezekne, Rundale, Jelgava (Mittau) et Jurmala.

Si vous vous intéressez aux Pays Baltes et à la Lettonie, je vous conseille: Jan BROKKEN: "Les âmes baltes"; Jean-Paul KAUFFMANN:"Courlande"; Marguerite YOURCENAR : "Le coup de grâce". Il faut aussi lire l'oeuvre d'Eduard Von KEYSERLING, baron balte du début du 20 ème siècle. C'est excellent.

Enfin le grand écrivain letton est le poète Janis Rainis 1865-1929) qui a beaucoup contribué à la première indépendance de la Lettonie. Un grand peintre aussi : Janis ROZENTALS (1866-1916) (photographie ci-dessus).

Voilà, c'est fini ! Je ne vous parlerai plus de la Lettonie avant longtemps.

dimanche 11 septembre 2016

RIGA


Voici quelques unes de mes petites photos de Riga où j'ai séjourné 3/4 jours.


Riga, c'est d'abord la capitale de l'Art Nouveau ! Impossible de ne pas y aller si on s'y intéresse. C'est mieux que Prague ou Bruxelles.





L'Art Nouveau à Riga, c'est d'abord Eisenstein, le père, l'architecte, un grand bourgeois richissime. Le fils, le cinéaste, détestait ce que faisait son père. Difficile de trancher, il faut aller voir sur place  On peut trouver qu'Eisenstein, c'est kitsch mais je défie quiconque de ne pas être ému par ses immeubles à Riga. 

Eisenstein est bien sûr très décrié aujourd'hui. C'est évidemment à mille lieux de Le Corbusier mais qui remarque vraiment une réalisation de Le Corbusier et s'en souvient parce qu'il a été bouleversé ?


Sinon, la Lettonie, c'est un pays vraiment bizarre. Je ne sais pas pourquoi, quand j'y étais allée il y a un an et demi, j'avais eu l'impression qu'on commençait à parler letton. Cette année, je me suis dit qu'en fait tout le monde parlait russe et, très accessoirement, letton. Le russe demeure la langue dominante, c'est un immense problème !

Mais ce n'est pas non plus la Russie. Aucune exubérance slave. Tout apparaît très, très calme.


Cela étant, j'y ai très bien mangé (selon mes critères) et m'y suis reposée.















Photos de Carmilla le Golem à Riga. En prime, à l'attention de mes admirateurs, j'apparais sur une des photos (en rouge et noir bien sûr).

Au cinéma, je recommande tout particulièrement "Toni Erdmann" de Maren ADE malgré ses près de 3 heures. Les Allemands peuvent avoir de l'humour ! Et aussi, "Nocturama" de Bertand Bonello pour sa beauté esthétique (le fond est plus problématique).