samedi 30 juillet 2016

"Suis-je snob ?"


On veut, toutes, se croire uniques, irrésistibles.

Absolument différentes, surtout, de toutes les godiches que l'on côtoie.

Je n'ai vraiment rien à voir avec toutes ces idiotes habillées comme des paysannes ou des sacs. Ça m'énerve beaucoup, par exemple, si l'on me dit que je ressemble à une autre fille. C'est impossible: plus originale, plus raffinée que moi, il n'y a pas !


Mais j'ai, aussi, des moments de doute: j'aime bien jouer la Slave inaccessible mais je sais, également, que c'est du toc; je ne suis, peut-être, pas si originale que ça.

En fait, je le sais bien, je suis très snob. C'est arrogant et inavouable ! Mon problème, ce n'est pas d'être désirable, c'est d'être plus désirable que les autres. Mes copines, je les aime bien tant qu'elles ne me font pas ombrage. Tout ça, c'est l'horreur de la séduction et de la distinction!


Je voudrais être distinguée, élégante, mais je n'y arrive pas. Mais qui peut y arriver ? C'est le cercle vicieux des signes. Je me conforme à de simples prescriptions de conduite et je mime des codes sans les subvertir. Finalement, je le reconnais, je suis assez formatée et routinière.

C'est vrai d'abord, même si ce sont, peut-être, des trucs de nanas, que je me définis, beaucoup, par rapport à des objets et des lieux d'élection. J'ai tendance à croire que c'est ce qui fait ma singularité.


J'attache ainsi de l'importance à :

- mes fringues Alaïa ou Aurelia Stouls;
- mes sacs Delphine Delafon;
- mes bijoux Anna Rivka;
- mon parfum Mitsouko;
- mes montres Péquignet et MeisterSinger;
- mes appareils photo Sigma DP (les mêmes que ceux de Michel Houellebecq, je viens de découvrir ça),
- mon grand coupé BMW des années 80. J'emprunte aussi, quelquefois, une Citroën SM; les magnifiques bagnoles, c'est essentiel quand on s'appelle Carmilla.

Et je n'évoque pas mes pompes, mes bas ou mes culottes (là aussi, je suis top!) pour continuer à entretenir le rêve chez les messieurs. Mais, évidemment, Chanel, Vuitton, Louboutin, Rolex, Hermès,  etc..., c'est ultra-plouc pour moi ! Les marques, quelle rigolade, mais j'aime, finalement..., d'autres marques....


Et puis, je fréquente des lieux distingués: je ne parle même pas de l'endroit où j'habite, les abords du Parc Monceau; je sais que ça me catalogue tout de suite.

L'un de mes grands plaisirs, c'est le marché des Ternes où tout le monde me connaît et surtout la poissonnerie Daguerre que je pille tous les samedis. Il y a aussi  la brasserie "La Lorraine", place des Ternes, un sommet de l'Art Déco, où j'ai table ouverte. Et enfin, le café "Courcelles" où j'aime rêvasser certains matins. A proximité, je m'achète des fleurs chez Pascal Mutel (rue de Courcelles) et, beaucoup plus loin, je vais acheter des gâteaux chez Pierre Hermé (son sublime "Ispahan") ou au Café Pouchkine (le Napoléon).

Enfin, je n'évoque pas mes loisirs (les cinémas U.G.C. Forum des Halles et Louxor) et mes voyages (priorité à nulle part).


Dernier point: je parle le français d'une manière ultra-bizarre. Je n'ai pas d'accent et ne fais pas de fautes, me dit-on. Mais, mais.... personne ne parle comme moi ! Ça se veut trop bien, on se croirait à l'école et ça fait marrer ! Ça apparaît, finalement, très prétentieux.

Vraiment rien pour me racheter, j'ai, effectivement, tout pour être odieuse, infecte, haïssable, surtout en France où l'on a tellement la passion de l'égalité.

J'imagine d'ailleurs qu'après m'avoir lue, vous me considérez, maintenant, comme une super-crétine, une affreuse pétasse.

Mais comment se débarrasser du snobisme ? La fille "nature", "directe", "simple" et "sympa", ça n'est pas non plus mon registre. On ne se refait pas et on est toujours construites. A nous de l'assumer sans culpabilité !


Couvertures vintage des années 50/60 de la revue américaine Harper's Bazaar. Ce qui me pose problème, c'est que les couvertures actuelles m'apparaissent nulles par rapport à ça.

Le titre de mon post est, évidemment, celui d'un livre de VirginiaWoolf. (que je n'ai, à vrai dire, lu que très vaguement).

samedi 23 juillet 2016

A lire !



Petite mise à jour de mes lectures. Voilà ce que j'ai aimé ces dernières semaines. Un point commun à la plupart de ces livres. Ils traitent de sujets souvent graves mais sont, aussi, empreints d'humour, autodérision.

Vladimir VERTLIB: "L'étrange mémoire de Rosa Masur". Un chef-d'oeuvre. L'histoire d'une famille juive de Biélorussie durant tout le 20 ème siècle; Leningrad; l'Allemagne. Un livre qui évoque le grand romancier Isaac Bashevis Singer. Le livre est, curieusement, écrit en allemand mais son auteur est bien né en Russie.


Velibor Colic: "Manuel d'exil - Comment réussir son exil en 35 leçons". Un autre grand bouquin écrit en français par un Bosniaque. Un sujet d'actualité brûlante traité avec un humour ravageur. Dans ma liste, c'est peut-être le bouquin que je recommanderai en premier lieu: vous le lirez d'un trait.


Stephan ORTH: "Derrière les portes closes Mes aventures en Iran". Les livres sur l'Iran sont généralement encombrés d'une érudition historique et culturelle qui les rend abstraits et ennuyeux. Rien de tel dans ce bouquin qui constitue, pour moi, la meilleure introduction à l'Iran moderne. L'auteur visite le pays en pratiquant le "couchsurfing". C'est très drôle, plein de rencontres étonnantes et révélatrices.


Marina DE VAN: "Rose Minuit". Je suis grande admiratrice de la cinéaste Marina De Van ("Dans ma peau", "Ne te retourne pas") mais je ne suis pas sûre qu'on la comprenne bien. Elle est aussi écrivain. J'avais adoré son dernier livre: "Stéréoscopie".  Celui-ci décrit le relation d'un père et de sa fille; il est également fascinant de noirceur.


Marie DARRIEUSECQ: "Etre ici est une splendeur - Vie de Paula-Modersohn Becker". Un très beau livre consacré à une peintre méconnue en France mais très célèbre en Allemagne. Elle a connu Rilke, a vécu à Paris et s'est inspirée de Gauguin, Cézanne. Elle aurait initié l'expressionisme et surtout aurait été la première femme à peindre des nus féminins.


Katia ASTAFIEFF: "Comment voyager seule quand on est petite, blonde et aventureuse". Comment voyager dans le delta du Mékong sans être Duras ? Comment se faire des copines qui aiment Poutine ? Comment se débarasser d'un Indien plus collant qu'un naan au fromage ? Comment passer pour une fille volcanique dans un cratère panaméen ? Comment être invitée à une boum dans les steppes de Mongolie ? Comment dormir sur le canapé d'une Chinoise acariâtre à Singapour ? Comment dormir dans une résidence universitaire de la banlieue russe ? 
J'ai trouvé ça drolatique et ça exprime une revendication essentielle (surtout pour une femme), à laquelle je souscris entièrement: l'importance et l'intérêt de pouvoir voyager seule. Il y a là-dessus un sacré tabou dont je reparlerai probablement.


Sophie CHAUVEAU: "La fabrique des pervers". Un témoignage ahurissant sur l'inceste. D'ordinaire, ce genre de bouquin me hérisse tant il s'inscrit dans la victimologie contemporaine. Celui-ci est d'abord bien écrit et, surtout, il décrit, de manière très convaincante, une grande famille qui, sur plusieurs générations, développe et reproduit des comportements incestueux entre tous ses membres. Troublant parce que c'est vrai que l'idéologie familialiste actuelle et l'effacement des générations font que les familles sont de plus en plus incestueuses, si ce n'est physiquement du moins psychiquement.


Nellie BLY: "Le Tour du Monde en 72 jours". En novembre 1889, Nellie Bly entreprend un Tour du Monde avec l'appui du journal "New York World". L'objectif: faire mieux que Phileas Fogg, le héros du roman de Jules Verne. Elle part seule, chargée d'un unique sac à main. C'est, pour nous, une découverte du monde à la fin du 19 ème siècle et ça en apprend aussi beaucoup sur la condition de la femme au 19ème siècle. Une étonnante rencontre avec Jules Verne en personne. C'est aussi plein d'humour et d'autodérision.


Claire BEREST: "Bellevue". L'extraordinaire pétage de plombs d'une jeune femme qui vient d'avoir 30 ans. Une errance hallucinée, délirante, dans Paris. Malgré tout, c'est très gai et on éprouve un extraordinaire sentiment de liberté en lisant ce livre étonnant. Un livre nomade qui pourrait être une illustration des bouquins de Gilles Deleuze. J'ai adoré !


Michel LARIVIERE: "Femmes d'homosexuels célèbres". Elsa Triolet, Marie Bonaparte,  l'épouse de Lord Mountbatten, l'épouse de Gide, de Goethe, de Jouhandeau, d'Oscar Wilde, de Verlaine, de Jules Verne. 16 portraits de femmes ayant épousé un homosexuel. Un livre intéressant et politiquement incorrect à une époque où l'on a tendance à célébrer la félicité d'être homosexuel. C'est beaucoup plus compliqué que ça et c'est fait, aussi, de beaucoup de souffrances.


Tableaux de Paula MORDERSOHN-BECKER (1876-1907). Une vie trop brève ! De son vivant, elle n'a quasiment vendu aucun tableau et son mari, et même Rilke, trouvaient sa peinture affreuse. Il y a, en ce moment, à Paris, une exposition qui lui est consacrée, jusqu'à fin août, au Musée d'Art Moderne (avenue du Président Wilson). Je vous invite, bien sûr, à vous y rendre. Ou mieux: allez jusqu'en Allemagne dans les villages de Worpswede et Fischerhude ainsi que dans la ville de Bremen (où un musée est consacré à Paula Becker). Vous ne regretterez pas ce voyage.

Et puis, puisque l'ambiance est estivale, je vous incite à vous reporter, sur You Tube, au clip du groupe PAPOOZ (il y a aussi un CD): "Anna Wants to dance". Je n'arrête pas de danser là-dessus. C'est bête mais c'est comme ça. Ça vous donnera une idée de mon humeur actuelle !

Enfin, si vous voulez aller au cinéma, je vous conseille: "Une nouvelle année" de Oksanna Bychkova. C'est très différent des films russes habituels (métaphysiques et barbants) mais il est vrai que la réalisatrice est ukrainienne. On découvre, surtout, un Moscou moderne et concret. Je signale, aussi, que ce film est, actuellement, projeté au Louxor, le plus beau cinéma de Paris et, probablement, du monde. Il faut, absolument, l'avoir visité.

samedi 16 juillet 2016

Du nationalisme


Les nationalismes et les populismes semblent avoir de beaux jours devant eux. Dans quelques mois, on comptera, peut-être, parmi les principaux dirigeants de la planète: Donald Trump aux Etats-Unis, Vladimir Poutine en Russie, Andrzej Duda-Kaczynski en Pologne, Viktor Orban en Hongrie, Norbert Hofer en Autriche, Marine Le Pen (ou Mélenchon ou Montebourg) en France. Beaucoup sont d'ailleurs, déjà, solidement en place et on vient, tout juste, d'échapper à Boris Johnson en Grande-Bretagne. Bref, on vivra, peut être, prochainement, dans un monde dans lequel on ne se reconnaîtra plus du tout !


En France, même si j'aime le sport, j'ai détesté la propagande d'abrutissement médiatique sur l'Euro 2016:  l'Euro devait réconcilier les Français avec eux-mêmes,  les rendre plus optimistes, leur redonner fierté et confiance.

C'est vrai que c'est ambigu: moi-même, j'ai été contente que la France batte l'Allemagne (parce que je ne pourrai jamais me réjouir d'une victoire de l'Allemagne), ça m'a fait plaisir, aussi, que la Russie ait été ridicule et j'ai, enfin, été désolée que l'Ukraine, la Pologne et la Belgique aient été, prématurément, éliminées. C'est bête mais j'ai, quand même, éprouvé ça !

Mais c'est sûr que si la France  n'a plus d'autre modèle unificateur à fournir que son équipe de football, on peut se dire que tout est foutu ! Donc Griezmann Président et tout le monde sera content !


L'inconcevable d'il y a 1 an, peut devenir, dans quelques mois, une sinistre réalité.


C'est assez curieux parce que l'émergence des nationalismes, c'est finalement très récent. Ça ne date que du début du 19 ème siècle. On ne s'en rend pas trop compte en France où l'Etat, la nation et le territoire se sont toujours plus ou moins confondus. Mais je considère, personnellement, que le démembrement de l'Autriche-Hongrie à la fin de la 1ère guerre mondiale a été un grand malheur: la fin d'un Etat multi-national et multi-culturel au sein du quel de nombreuses communautés arrivaient, malgré tout, à vivre ensemble.


On parle aujourd'hui, à la suite du Brexit, de refonder l'Europe. Il faudrait peut-être pour ça d'abord se débarrasser de cette idée obsolète et pernicieuse des nations.


Les nations, elles vivent dans la crispation, la nostalgie : la passion du passé, d'un ordre ancien et d'une prospérité mythique. Contre toute évidence, on a le sentiment d'un déclin et d'un appauvrissement et on rêve, notamment en France, d'un retour aux Trente Glorieuses. Mon principal sujet d'engueulade avec les Français, c'est quand je leur affirme qu'eux-mêmes vivent mieux que leurs parents et qu'ils ont, aussi, davantage de perspectives d'avenir. Mais l'Esprit des Lumières, c'est vraiment, partout, en régression !


Il est vrai toutefois que les institutions actuelles apparaissent dépassées par rapport aux évolutions technologiques et économiques. Et puis le clivage gauche/droite n'existe presque plus. D'où la revendication autoritaire et la pensée malthusienne.


Alors que faire ? "Nos pensées restent ancrées dans les divisions en Etats. Le concept selon lequel l'Etat est le plus important est dépassé: l'Allemagne, la Pologne, c'est fini. L'Europe, c'est la plus grande valeur" (Lech Walesa).


Tableaux de Giacomo BALLA (1871-1958) représentant éminent du futurisme italien. J'aime beaucoup le futurisme italien; mais il y a aussi son énigme: ses liens ambivalents avec le fascisme mussolinien.

Enfin, si vous allez au cinéma, je vous conseille, absolument, "Irréprochable" de Sébastien MARNIER. Très, très fort!

dimanche 10 juillet 2016

"L'instant présent"


Les dieux sont morts, on le sait.
Mais depuis, il faut bien reconnaître qu'on n'a pas trop su par quoi les remplacer.


Que faire, en effet, dans un monde borné à son propre horizon ?

L'effacement des grandes religions monothéistes débouche aussi sur une autre perception du temps. C'est l'instant, et non plus la vie toute entière, qui devient l'aune du jugement. Aujourd'hui, la grande idéologie contemporaine c'est de jouir du temps présent. Cueillir simplement chaque jour. L'injonction est particulièrement forte durant l'été, cette période de loisirs durant la quelle on échapperait au tumulte du monde et on serait donc appelés à "se retrouver" soi-mêmes. Et être soi-même, ça consisterait, simplement, à s'accorder de petites jouissances, de petits plaisirs.


Il faudrait "savourer" l'instant. Ce slogan sans cesse ressassé, ça m'énerve beaucoup tellement je trouve ça misérable et désespérant. D'abord, je ne sais pas ce que ça veut dire, cet hédonisme à deux balles, cette petite masturbation narcissique. Ça évoque irrésistiblement, pour moi, la passivité complète: des ahuris béats ou bien qui sirotent leur pastis en contemplant la grande bleue ou bien qui s'éclatent dans une rave ou bien qui s'adonnent à une méditation mystico-fumeuse, ou bien qui vivent dans une espèce de sensualité écolo, de symbiose corps/mer/nature/soleil. Des gens qui ont fait le vide, quoi !


Ce n'est vraiment pas comme ça que je conçois le plaisir, l'intensité.

D'abord, le présent, il me déçoit toujours. Il n'est jamais conforme à mes attentes, toujours en décalage avec mes projets, plus gris que je ne l'imaginais, empêtré dans les multiples contrariétés de la vie quotidienne (cet horrible bouton que j'ai sur le visage, mon affreuse envie de faire pipi, ces chaussures qui me torturent).


Et puis, je ne suis pas capable de me concentrer sur le seul présent, de faire le vide. Jamais je ne peux être calme, je continue d'être, sans cesse, assaillie de préoccupations externes, boulot, sentiments amoureux, gênes corporelles.

Surtout, le présent, l'instant, ça n'existe pas ou si peu. La caractéristique première du présent, en effet, c'est qu'il s'évanouit immédiatement et qu'il appartient tout de suite au passé, chassé par l'instant suivant. Rien de plus insaisissable.


Cette exaltation de l'instant, de l'immédiateté, ça ne me convient donc pas du tout. L'instant, il ne m'apprend à peu près rien et il me frustre. On voudrait, aujourd'hui, expurger la vie de tout ce qui gêne, de tout ce qui est intolérable: l'angoisse, la mort.


La vie, il faut peut-être la replonger dans l'histoire, notre histoire, ce passé et surtout cet avenir qui nous façonnent, tout ce qui fait que nous avons un destin au quel nous nous abandonnons ou résistons.

Le plaisir, la jouissance, je ne les vois pas dans l'instant, la contemplation passive, mais dans l'affrontement, la lutte à mort. Ce qui me rend heureuse, ma jouissance, ce n'est pas la soirée d'où je serais rentrée ivre morte, c'est d'avoir affronté et vaincu l'adversité.


Un ensemble d'images qui synthétisent mes hallucinations d'Europe Centrale: Caspar David FRIEDRICH (1774-1840),  Hermann-Max PECHSTEIN (1881-1955), Emil NOLDE (1867-1956), Edvard MUNCH (1863-1944), Constantin CIURLONIS (1875-1911), Wojciech WEISS (1875-1950).

Je renvoie par ailleurs au très bon numéro de cet été de la revue "Philosophie Magazine".

dimanche 3 juillet 2016

Des chiffres


Les chiffres, c'est mon métier. Je vis chiffres, je pense chiffres. Chaque jour, j'en brasse des centaines, des milliers, je me promène dans des bilans, des comptes de résultats, des tableaux de financement, des comptes analytiques, je diffuse, à partir de ça, des notes de stratégie. 


Il est bien difficile de faire comprendre mon boulot à mes amis, mon entourage. Je me rends compte qu'on semble me plaindre, qu'on estime que ça doit être follement ennuyeux (toujours à vérifier que les comptes sont "justes") et qu'il faut, sans doute même, être un bourrin pour faire ça. Le plus rigolo pour moi, c'est quand j'atterris, inopinément, dans un milieu "intellectuel" parisien. On est condescendant, on semble s'étonner que je lise autre chose que "Les Echos".


Passer pour nulle, ça ne me gêne pas trop. Je sais bien qu'on déteste "la Finance" même si on n'a aucune idée de ce que c'est. Et puis je me console en sachant bien que ceux qui me "toisent" n'ont pas ma paie.


J'avoue que mon boulot est particulier mais il ne m'ennuie pas du tout. J'ai, depuis toujours, un rapport particulier avec les chiffres. J'éprouve un sombre plaisir à les manipuler, à jouer avec eux. J'en retire presque un sentiment de toute-puissance. Ma mère était une championne en calcul mental. Je ne crois pas à l'hérédité mais je suis, quand même, un peu comme ça. Je suis "aérienne",  j''utilise le moins possible Excel et les machines à calculer. Là-dessus, je suis très vieux jeu. Ce que je veux, c'est aller vite et être synthétique et, pour ça, j'ai l'impression de ne pas avoir besoin de béquilles. L'informatique, ça tue, aussi, les capacités d'analyse.


En fait, ce qui m'étonne un peu, c'est que ma passion pour les chiffres, elle n'est pas du tout partagée. J'ai lu comme ça, sur Internet, une interview de Carla Bruni-Sarkozy (c'est d'ailleurs  l'origine de ce post). Elle avouait qu'elle ne savait faire ni une division ni une multiplication. Les commentaires étaient évidemment odieux (quelle crétine !) mais j'ai beaucoup aimé sa sincérité et, finalement, son intelligence.



C'est vrai! la plupart des gens sont complètement brouillés avec les chiffres. Ça les effraie, les terrorise. Je comprends tout à fait ça. Il y a effectivement, aujourd'hui, un véritable terrorisme de la culture mathématique. Et je comprends qu'on résiste à ça. Etre jugé, définitivement, sur sa capacité à résoudre deux ou trois équations débiles, c'est affreux! D'ailleurs, si je suis forte en chiffres, je ne suis pas une grande mathématicienne.Ce sont des choses différentes même si ça peut sembler bizarre.


Simplement, les chiffres sont pour moi une langue supplémentaire, un moyen privilégié de comprendre le monde, de toucher à l'essentiel. Le réel est mathématique, dit-on, j'en suis personnellement convaincue.


Tableaux de Joël KERMARREC (1939).

Si vous allez au cinéma, je vous conseille: "Tout de suite, maintenant" de Pascal Bonitzer, "Love and friendship" de Whit STILLMAN et "L'effet aquatique" de Solveig ANSPACH.