samedi 23 avril 2016

MARS


C'est le Printemps..., une saison qui m'angoisse: juste avant l'horreur de l'été mais l'été, on a, au moins, le plaisir d'assister à son déclin inexorable. Tandis que le Printemps, c'est un "progrès" continu, toujours plus de chaleur et de lumière.


Vue de la chambre de mon hôtel

Mais ça m'a quand même incitée à me secouer un peu les puces et à sortir de ma tanière pendant le week-end de Pâques. 

Il est rare, en fait, que je me déplace. Paresse, fatigue, je préfère, généralement, rester à Paris, c'est pour ça que je connais si mal la France.

Couloir de mon hôtel

Un café à "Ault".



Ça, c'est chez moi: 2 images vues depuis la fenêtre de ma cuisine (de l'extérieur puis de l'intérieur) à Paris, aujourd'hui même. J'ai la chance de ne pas vivre dans le béton et de pouvoir contempler, ainsi, l'évolution des saisons.


Mes rares excursions, je les consacre, généralement, à une région mal aimée: la Picardie. Dans l'imaginaire français, c'est peut-être encore pire que le Nord-Pas-de-Calais. Moi, j'aime bien d'abord parce que ce n'est pas du tout touristique et que j'ai donc l'impression de découvrir quelque chose. Ensuite, les villes me rappellent souvent l'Europe Centrale. Dans des bleds comme Chauny, Hirson, La Fère, je me sens quasiment comme en Pologne ou en Ukraine. Et des villes comme Laon, Saint-Quentin, j'adore !

Rambures

Photos de Carmilla Le Golem. Ce ne sont que des images "très" personnelles.

En Picardie, je recommande tout particulièrement les villages de Gerberoy, Saint-Riquier, Parfondeval, Saint-Michel, Bohain (ville natale de Matisse), Rambures, les églises fortifiées de la Thiérache, les villes d'Amiens (la cathédrale mais aussi les hortillonnages), Saint-Quentin (ville de l'Art Déco), Laon (le Moyen-Age ressuscité) et puis, bien sûr, la baie de Somme (Saint-Valéry, Le Crotoy) et aussi, un peu plus au Sud, Ault et Mers-les-Bains (un ensemble Art Nouveau incroyable). J'ose dire que tout ça, ça me fait beaucoup rêver, bien plus que toutes les merveilles du Sud.

dimanche 17 avril 2016

De la mode "décente"


On parle, à nouveau, beaucoup, du voile islamique et de sa présence envahissante plus seulement dans les rues mais, aussi, dans les pages "mode" des magazines féminins.


Pas de sujet plus "clivant". Tout de suite s'opposent les partisans du laisser-faire, de la non-stigmatisation, du droit à la différence ( et donc du communautarisme). D'ailleurs, le choix du voile serait, souvent, librement consenti.
 
Et puis, il y a les "modernes", les laïcs, qui voient dans le voile le symbole même de la servitude et de l'obscurantisme religieux. 


Ça étonnera peut-être (je ne suis vraiment pas une adepte de la "mode décente") mais je suis partagée, je ne m'identifie pas à un camp ou à l'autre. Je n'aime pas l'arrogance avec laquelle on traite les filles qui portent le voile. Ce ne sont pas seulement des crétines ou des arriérées, le voile est aussi, pour certaines, porteur d'une révolte. Et il faut bien reconnaître qu'elles n'apportent aucun trouble à l'ordre public. Et puis j'en ai par dessus la tête de ce principe de laïcité auquel on se réfère sans cesse en France. Ça m'apparaît d'une hypocrisie totale, l'alibi simpliste de la violence d'Etat. Là-dessus, l'écrivain Jean Rouaud a dit des choses très justes.


D'un autre côté, je reconnais que le voile pose la question de l'altérité, du communautarisme. Il faut le dire, une femme voilée provoque un malaise. D'abord parce qu'"elle désigne les femmes découvertes comme coupables de provoquer le désir et ravale leur féminité à des appâts sexuels indécents": parmi les femmes, il n'y aurait que des mamans ou des putains. Elle "désigne aussi les hommes comme des obsédés sexuels incapables de se contrôler". Et puis, une femme voilée, c'est une femme clairement interdite aux non-musulmans.


C'est donc pour ça qu'on ne peut pas admettre la banalisation du voile. Mais le débat est, sans doute, biaisé. Le port du voile, ça n'est même pas une question de laïcité ou de communautarisme ou d'esprit des Lumières. C'est une question plus vieille que 1789 ou 1905. C'est celle du rapport entre les sexes et des relations de séduction qui se jouent entre eux. On a pu dire, comme ça, qu'une femme en mini-jupe était aussi aliénée qu'une femme qui porte un voile. Je crois, vraiment, que ça n'est pas du tout la même chose et d'ailleurs des mini-jupes, ou même des jupes, on en voit de moins en moins dans les rues et ça signifie sans doute quelque chose.


Je ne crois vraiment pas qu'une femme qui porte une jupe soit aliénée. Il faut même, maintenant, pour ça, une certaine audace tellement le puritanisme gagne aujourd'hui du terrain.


La décence est en train de gagner la bataille et ça n'est pas seulement à cause de l'islamisme. Il y a un raidissement généralisé des sociétés occidentales et il faut, peut-être, s'interroger sur ça: sur l'effacement croissant de la différence des sexes, sur la réprobation portée sur la séduction. On promeut, aujourd'hui, un idéal de transparence, de simplicité, d'authenticité dans les relations entre les sexes. Mais ça explique, aussi, que le désir est au plus bas. Comme le dit Roman Polanski, en présentant la réédition de son autobiographie: "De plus en plus, on a peur de l'autre, les drogues sont plus dures et la sexualité plus molle. On a beaucoup moins de temps à consacrer à l'amour".
 
Faites donc comme moi: promenez-vous en mini-jupe et high-heels. C'est plus révolutionnaire que les "nuits debout".
 
Couvertures des années 20 et 30 du journal "VOGUE".

samedi 9 avril 2016

Apathie amoureuse


Je ne suis pas du tout romantique, pas du tout sentimentale.
L'affectivité, c'est vraiment, en ce domaine, que je ne me sens pas Française.
La drague, les roucoulades, les frissons, ça m'épuise.
Pourquoi enrober de préliminaires infinis ce qui, de toute manière, s'achève de façon triviale ?


Je n'apprécie pas trop qu'on me dise que je suis belle ou  bien habillée. Sauf si ça vient d'une femme parce que c'est plus désintéressé et qu'elles y connaissent, réellement, quelque chose en la matière.

Ou alors ces discussions, ces ressassements, ces radotages, à se chercher des points communs, à se trouver des ressemblances pour se dire, finalement, qu'on est pareils. Ça ne me plaît pas, ça me perturbe même, cette idée que je serais semblable à quelqu'un d'autre. J'espère bien que non!


Les Slaves (du moins les Russes ou les Ukrainiennes), on est beaucoup plus pragmatiques. Les partenaires sont accidentels. Il ne faut pas tout attendre de l'amour. D'ailleurs, tel qu'il est envisagé à l'Ouest, rien de plus normalisateur. Ce serait l'accord, l'harmonie, de deux individualités à tout prix semblables. Cette perspective, ça me fait frémir d'ennui. 


Surtout, c'est une aliénation complète. Ce qui est effacé, c'est la liberté du choix. On parle beaucoup de la libération de la femme mais a-t-elle la capacité réelle de décider et, d'ailleurs, lui en accorde-t-on le droit ? Rien de plus scandaleux qu'une femme qui choisit, en toute allégresse, ses partenaires et qui en change régulièrement, en toute légèreté.


Moi, avec les types, je suis à peu près indifférente. Leur âge, leur apparence, ça n'a pas trop d'importance: je suis démocrate! Mais j'ai aussi un gros défaut: je suis fondamentalement infidèle. Peut-être parce que je suis dure, peut-être, aussi, par souci de protection, peut-être, enfin, parce que je ne veux pas me sentir prisonnière.

C'est rarement brillant, c'est souvent lamentable (mais, peut-être, pas plus que pour d'autres). C'est la vie, avec ses aspects minables et exaltants. C'est peut-être nul mais ma satisfaction, c'est que c'est moi qui décide et choisis et ça, ça n'est pas encore rentré complètement dans les mœurs.


Images de Josef FENNEKER (1895-1956), le grand peintre-affichiste allemand de l'entre-deux guerres.

dimanche 3 avril 2016

Eclosions littéraires


Voilà les bouquins que j'ai aimés ces dernières semaines. D'abord, de la littérature scandinave:

Jens Christian Grondhal: "Les portes de fer". Par le célèbre écrivain danois; Trois moments de la vie d'un homme: les jeunes années, l'âge de raison, la soixantaine. A chaque fois, la présence de femmes à l'origine de basculements. Les Portes de fer parlent d'amour, de solitude et de désenchantement.


Erika FATLAND: "Sovietistan - Un voyage en Asie Centrale". Par une anthropologue norvégienne. C'est le meilleur bouquin, et le plus juste, que j'ai lu sur ces pays un peu mystérieux et qui font rêver: le Turkménistan, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizistan et l'Ouzbékistan. Des pays malheureusement presque tous gouvernés par des Pères UBU, féroces et mégalomanes. Il ne s'agit pas d'un simple récit de voyage. L'anecdote, le vécu (avec des situations souvent cocasses), sont sans cesse confrontés à l'histoire, la politique. C'est la grande force de ce livre passionnant. 


Sigrid RAUSING: "Tout est merveilleux - Souvenirs d'une ferme collective en Estonie". Par une anthropologue suédoise. Une ferme collective en Estonie, a priori, ça n'inspire pas beaucoup et on n'a vraiment pas envie d'acheter ce bouquin. Pourtant, il est effectivement merveilleux. C'est le récit d'un séjour d'un an, entre 1993 et 1994, dans un bled situé sur une péninsule de l'Ouest de l'Estonie où réside une petite communauté suédoise. Il décrit très bien ce qu'était l'Union Soviétique ainsi que le désarroi créé par sa chute. Une vie lamentable et sordide, hors du temps et de l'histoire. Mais aussi des instants de beauté et de convivialité. C'est très bien écrit et Sigrid Rausing mêle l'histoire, l'étude politique (les relations difficiles entre Estoniens et Russes), le récit de voyage.


Jean-Paul KAUFFMANN: "Outre-Terre". Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jean-Paul Kauffmann ne craint pas de dérouter ses lecteurs. Parler de l'enclave de Kaliningrad, de la bataille d'Eylau et du colonel Chabert de Balzac, ce n'est vraiment pas très actuel et il faut oser. J'ai adoré ce bouquin. Certes, les lieux me sont familiers et ils sont intelligemment décrits mais ce livre parle aussi de la mémoire, de l'histoire, de la transmission.


Jean ROLIN: "Peleliu". Encore plus singulier que Kauffmann. Peleliu, je dois avouer, à ma grande honte, que je ne connaissais pas. Pourtant, cette île minuscule du Pacifique a été le théâtre d'une effroyable bataille entre Américains et Japonais à l'automne 1944. Une bataille totalement inutile. Jean Rolin s'est rendu là-bas et il décrit, dans une prose magnifique, avec une précision maniaque, ces lieux hantés, anodins et terrifiants. Du très bon Jean Rolin.


Emmanuelle RICHARD: "Pour la peau". Rien de plus difficile que le genre érotique, sensuel. On s'égare généralement dans les clichés."Pour la peau" évacue tous les stéréotypes. La qualité et la beauté de son écriture de son écriture font de ce livre une révélation. Magnifique.


Emmanuel CARRERE: "Il est avantageux d'avoir où aller". Un Emmanuel Carrère, c'est toujours bien. J'ai quand même été un peu déçue par ce gros bouquin qui est un recueil d'articles. Ce livre n'apporte en fait pas grand chose quand on a lu, par ailleurs, les romans d'Emmanuel Carrère. Ça apparaît beaucoup plus anodin, moins évocateur.


Catherine MILLOT: "La vie avec Lacan". Un petit bouquin, très bien écrit (couronné par le prix André Gide). Catherine Millot a partagé la vie de Lacan durant les années 70. Elle en dresse un portrait étonnant, évidemment pittoresque et plein d'humour. Ce qui est intéressant, c'est que ces anecdotes éclairent un peu la pensée de Lacan (à laquelle, je dois l'avouer, je ne comprends pas grand chose).

Elisabeth BARILLE: "L'oreille d'or". Je considère Elisabeth Barillé comme l'un des très bons écrivains français contemporains. Elle révèle ici qu'elle est devenue, dans son enfance, accidentellement sourde d'une oreille. Un handicap mais dont elle ne s'apitoie pas. Ça a peut-être même été une chance. Une réflexion sur la création et la nécessaire protection des injonctions du monde extérieur.


Tableaux d'Odilon REDON (1840-1916), l'un de mes peintres préférés.