samedi 19 mars 2016

De la nationalité

Etre Français, Russe, Américain etc..., on a tendance à penser que ça se résume à parler une langue.

Que notre nationalité, ce serait finalement quelque chose d'assez contingent par rapport à nous-mêmes. Qu'éventuellement même, on pourrait se sentir en désaccord profond avec celle-ci.

On peut ainsi affirmer, impunément, qu'on ne se sent pas du tout Français, Russe, Américain etc..., qu'on n'a rien à voir avec ces nationalités étriquées, réactionnaires, petites-bourgeoises.


Pourtant, dès qu'on met le pied en dehors de son pays d'origine, dès que tous nos repères habituels sont effacés, on éprouve, brutalement, qu'on a bien une nationalité originelle. Et d'ailleurs, même si on est d'esprit révolutionnaire ou qu'on prône le multiculturalisme, on n'aime pas du tout entendre critiquer son pays quand on est à l'étranger et on se met, alors, à le défendre farouchement, bec et ongles.


A l'inverse, on peut parvenir à parler, presque parfaitement, une langue étrangère et ne jamais se sentir complètement raccord avec le pays, toujours éprouver que quelque chose d'essentiel vous échappe. C'est un peu mon cas. Il y a, comme ça, plein de choses que je ne comprends pas ou aux quelles je n'adhère pas en France et je sais que je ne pourrai jamais corriger ça. Vous êtes définitivement sculptés, façonnés, par le pays où vous avez vécu dans votre enfance. Il y a quelque chose d'indécrottable en nous.


Une nationalité, quoi qu'on en dise et même si l'extrême droite en fait son fond de commerce, ça n'a rien d'accessoire, ça une signification profonde, ça va, en effet, bien au-delà d'un passeport. 

Ça touche à quelque chose d'intime, d'essentiel. Ça engage notre corps, nos affections, nos jugements esthétiques. Un Belge, un Français, un Québecquois, un Suisse le savent bien: même si, quand on se parle, on se comprend parfaitement, on n'a pas le même vécu mental. C'est comme pour les Russes et les Ukrainiens. Mais ça ne veut pas dire, non plus, qu'on ne peut pas échanger et, finalement, se mettre, un peu, à la place de l'autre.


Une nationalité, c'est d'abord un corps: on a des gestes, une démarche, des mimiques, une façon de s'habiller qui nous cataloguent immédiatement.

Mais surtout, une nationalité, c'est un système affectif et un mode de pensée. C'est une façon d'aimer, un rapport avec les autres. Etre une femme, un homme, engager une aventure amoureuse, ça diffère beaucoup selon les pays. Et puis on ne pense pas non plus de la même manière, on est plus ou moins rationnels, plus ou moins émotifs.


Pour ce qui me concerne, j'avoue que les relations sociales, familiales, m'apparaissent bien mystérieuses en France. Ma terreur, c'est d'être invitée, pour un week-end, chez des "amis". J'y suis totalement perdue. Ce qui m'y terrifie, c'est le persiflage, je ne supporte pas ça.


Par ailleurs, la cuisine, le vin, je n'y connais rien. Je ne bois que de la bière et ne mange que du poisson et des coquillages. Ça m'exclut un peu.


L'habillement, je me sens plus à l'aise en Russe même si je sais que ça fait pute, sexy, froide. 

Les relations hommes/femmes en France, en revanche, j'aime bien. C'est égalitaire, il y a des relations de séduction. Mais la drague, le harcèlement continuels, ça m'épuise.


Mais il y a quand même un point qui fait que je me sens totalement Française. Les Français, ce sont des gens abstraits ! C'est du moins comme ça que je les vois! On n'est pas enracinés dans le matériel, le terre à terre.

Ce sont de grands mathématiciens, de grands ingénieurs, de grands philosophes. Et puis, il y a une esthétique française.

Etre abstrait, détaché des contingences et émotions, c'est ça que j'aime !



Tableaux de Guy Pène du Bois (1884-1958) célèbre peintre (américain, contrairement à ce que laisse supposer son nom). J'aime beaucoup!

3 commentaires:

KOGAN a dit…

L’existence trouve une signification dans son rapport aux autres quelles que soient nos origines respectives.

Mais l’être humain se déchire sans cesse en classe et persiflage, surtout dans les familles et les relations sociales qui reprennent en coeur l’éternel crédo ravageur bien franchouillard de vouloir imposer chacun ses dires, dans une indéfectibilité bien de chez nous…

Le mouvement de l’espèce s’enfonçant à chaque fois et immanquablement dans une impasse…à la manière des discussions de misères du café de commerce…dans une forme de micro haine…mouillée d’acide .

« Etre abstrait, détaché des contingences et émotions »

« Tout, chez l’homme en tant qu’homme abstrait est affaire de conscience »
Hugo DAPHNIS

Alléluia…!!!

« L’émotion ne serait pas une piste pour l’esthétique. Inféconde, elle s’abîmerait dans le mouvement infini des déterminations singulières. »

« Ce dessaisissement de soi, l’oubli provisoire de tous ces fils qui tissent notre appartenance au monde, Schopenhauer a bien montré ce qui le rend possible :

- la suppression du rapport désirant.
- ne pas se laisser envahir par le chagrin, la déception et le désespoir »

*Carole Talon-Hugon . L’émotion poétique

Alors vivons avec le danger de faire confiance à des mots qui n'expriment peut-être pas la vérité de chacun , mais les mots sont indispensables au fonctionnement humain...

NB :toujours de superbes tableaux en phase avec le blog.


Bien à vous
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff pour votre commentaire.

Mais vous vous situez à une altitude qui n'est pas celle de mes humbles posts.

Evoquer Schopenhauer, le détachement kantien des émotions...

Oh la, la ! Je suis bien loin de ça. Je ne parlais que de ce qu'était une nationalité.

Merci aussi pour l'appréciation portée sur mes images. Mais je ne suis pas sûre qu'elles s'accordent toujours avec mes textes.

Bien à vous

Carmilla



KOGAN a dit…

Bonjour CARMILLA

Vos posts ne sont pas si humbles que cela...

je vais de ce pas me remettre à niveau dans ma "PNL" (programmation-neuro linguistique) afin de mieux observer, communiquer et comprendre la nature humaine et plus particulièrement la morphocinétique féminine et ses codes dans les différentes nationalités...

Bien à vous
Jeff