samedi 13 février 2016

Miettes littéraires


Voilà les bouquins que j'ai appréciés ces dernières semaines et que je recommande:

Camille LAURENS: "Celle que vous croyez". L'injustice faite aux femmes de plus de 50 ans, brutalement, et impitoyablement, mises hors jeu. La souffrance éprouvée de l'indifférence en soulignant que "l'indifférence est un autre genre de burqa". Un roman sophistiqué, construit comme une espèce de roman policier, avec la "mise en abyme" de plusieurs versions de la même histoire. Je n'aimais pas beaucoup jusqu'alors(ou, plutôt, je connaissais mal) les livres de Camille Laurens, mais, là, j'ai été vraiment conquise. Ce bouquin ci est vraiment fort. Je rappelle également, à cette occasion, l'essai récent de Camille Laurens : "Encore et jamais" consacré au thème de la répétition dans nos vies. 


Anne BEREST: "Recherche femme parfaite". Chaque femme porte une fêlure en elle, un écartèlement: d'un coté la pression très forte d'un idéal social, narcissique, de l'autre la blessure, l'horreur de la vie.


Laurence COSSE: "La grande Arche". La grande arche, sur le parvis de la Défense, c'est, vraiment, l'un des plus extraordinaires monuments de Paris. Mais que sait-on de l'histoire de sa construction et de toutes les vicissitudes politiques qui ont failli, maintes fois, faire capoter le projet ? Que sait-on, surtout, de son architecte, Von Spreckelsen, un Danois inconnu, petit prof d'architecture au Danemark, qui n'avait, jusqu'alors, réalisé que quelques églises dans son pays et qui remporta, à la surprise générale, sur la base de quelques esquisses, le concours international ? Un formidable livre, parfaitement documenté, sur la politique, l'architecture, l'Art, les incompréhensions culturelles. On parle de la France, du Danemark et du drame personnel de Von Spreckelsen, intransigeant, ulcéré, estimant que l'on dénaturait son oeuvre. La Grande Arche a finalement été achevée par Paul Andreu. Quant à Von Spreckelsen, il s'est finalement retiré du projet avant de décéder prématurément. Presque personne n'a parlé de ce bouquin hors du commun mais j'insiste sur son importance. Peut-être une révolution littéraire !


Stéphanie DUPAYS: "Brillante". Un livre glaçant. Celui de la vie, banale, d'une cadre dans une grande entreprise. On parle trop peu, dans la littérature, de l'horreur de la vie professionnelle.


Alexandre LACROIX: "Ce qui nous relie". J'aime bien Alexandre Lacroix, rédacteur en chef de l'excellent magazine "Philosophie Magazine". C'est sans cuistrerie et c'est, vraiment, de la philosophie; pas du pipi de chat prescrivant, comme c'est à la mode, des recettes moralisantes de bonheur. Dans ce dernier bouquin, Alexandre Lacroix analyse le bouleversement du Web. C'était urgent parce que les philosophes (c'est ce que je déteste chez eux) sont généralement allergiques aux nouvelles technologies. Pourtant, Internet, le Web, ça n'est rien moins que la remise en cause de l'Esprit des Lumières, de la domination de l'homme sur la Nature, sur le monde. La dualité, c'est fini ! Un livre qui s'appuie sur des histoires extraordinaires: Julian Assange avec qui on repense, de manière radicale, l'Etat ou la liberté; ou, alors, un certain Philippe, qui vivait au Paraguay, qui nous fait découvrir la communauté des "Truthers". Et enfin, les trans-humanistes aux Etats-Unis qui pensent pouvoir repousser les limites de la mort


Jean-Claude GUILLEBAUD: "Le tourment de la guerre - Pourquoi tant de violence ?". On a tendance à penser que la violence est en régression et que l'on vit dans des sociétés pacifiées. Pourtant, depuis la bataille de Borodino (victoire française sur la Russie en 1812), on a découvert l'extermination massive échappant à tout contrôle. Un livre où Jean-Claude GUILLEBAUD, ancien grand reporter au "Monde", lauréat du prix "Albert Londres", parle de lui-même et de sa vie et c'est passionnant.


Jean ROUAUD (ancien Prix Goncourt): "Tout Paradis n'est pas perdu". On nous rebat, aujourd'hui, les oreilles avec cette idée: être moderne, ce serait être laïc. La République laïque, on pense que ça correspond à l'idéal démocratique; en agitant l'esprit laïc, on vaincra le terrorisme. C'est, peut-être aussi, une épouvantable connerie, une rigolade. La laïcité, c'est peut-être, aussi, la marque d'une épouvantable intolérance. J'en reparlerai probablement.  


Jean-Michel COSNUAU: "Froid devant !" Une vision déjantée de Moscou sur fond de beuveries et de fêtes dans des boîtes branchées. Il y a beaucoup de clichés et de bêtises (sur la spiritualité russe) mais c'est quand même intéressant. L'auteur connaît, du moins, bien son sujet et il faut admirer sa démarche et son audace.


Paul VEYNE: "Palmyre". Un petit livre plus que jamais essentiel. J'ai appris notamment plein de choses passionnantes sur l'Empire romain.


Tableaux de Georgia O'KEEFE (1887-1986), grande artiste américaine.

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