samedi 28 novembre 2015

Contre l'esprit victimaire



Je ne me casse pas la tête cette semaine. J'envisageais d'écrire quelque chose à la suite des attentats parisiens mais j'ai découvert, grâce au célèbre blogueur "Nuages", cet article de Nadia Geerts, philosophe belge, militante féministe et laïque. J'en aime la verve voltairienne. C'est bien mieux que ce que je pourrais écrire. Je me contente donc de le reproduire ci-dessous.
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Le monde à l'envers

Nouvel attentat à Paris. 132 morts, plus de 300 blessés. Me reviennent en mémoire ces mots de Martin Luther King: "Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir, tous ensemble, comme des idiots". Et cette question, fort peu politiquement correcte: "Qui doit apprendre à vivre avec qui ?"

A chaque attentat, à chaque fatwa, à chaque décapitation - quelle horreur d'avoir à écrire ces mots! - le même discours revient: "Stop aux amalgames !", "Surtout ne stigmatisons pas!", "L'immense majorité des musulmans est démocrate et ne demande qu'à vivre en paix". Et comme en écho, beaucoup de musulmans se manifestent pour dire "Nous n'avons rien à voir avec ça !", "Ces terroristes ne sont pas de vrais musulmans !", "L'islam est une religion d'amour et de paix".


Et puis, il y a aussi ceux qui nous accusent, nous qui pleurons les morts parisiens. A les en croire, notre indignation serait sélective, donc suspecte. On ne nous aurait pas entendus lors des attentats à Beyrouth, il y a quelques jours. On aurait bien de la chance, encore, de ne pas vivre à Gaza. Et d'ailleurs, certains préviennent: si on fait une minute de silence, ils viendront avec leur drapeau palestinien.

Tout cela, je l'ai lu sur les réseaux sociaux, ainsi que la sempiternelle accusation de l'Occident, de l'Europe, de l'impérialisme, du colonialisme ou du capitalisme...


Loin de moi la volonté de souffler sur les braises, au contraire. Mais je suis de ceux qui pensent qu'il faut connaître le passé si l'on veut avoir une chance de ne pas le revivre. Or cette phrase, contrairement à ce que certaines belles âmes semblent croire, ne vaut pas que pour le nazisme. Elle vaut aussi pour le terrorisme islamiste, qui de l'Algérie, de l'Afghanistan à l'Arabie Saoudite, a amplement montré son hideux visage.

Non, je ne vais pas me lancer dans une diatribe anti-islam. Mais pour autant, j'en ai par-dessus la tête de l'aveuglement dominant. Parce que oui, il y a un problème avec l'islam, aujourd'hui. J'en veux pour preuve cette étude du Berlin Social Science Center portant sur le fondamentalisme musulman et chrétien en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, en Suède et en Autriche.


Pour la Belgique, 1 200 musulmans ont été interrogés. Trois affirmations leur étaient soumises, aux quelles ils devaient répondre par oui ou non:

1. "Les musulmans devraient retourner aux racines de la foi"
2. "Il n'y a qu'une seule interprétation du Coran et tout musulman devrait s'y tenir"
3. "Les règles du Coran sont plus importantes que les règles du pays dans lequel je vis".

Et les résultats sont pour le moins préoccupants, puisque plus de la moitié des sondés se sont déclarés d'accord avec les trois affirmations.


Qui plus est, 60 % ne souhaiteraient pas d'amis homosexuels, 56,7 % se méfieraient des juifs et 63 % penseraient que l'Occident veut détruire l'islam.

Alors non, tous les musulmans ne sont pas terroristes, ni même islamistes. Mais croire que 99,9 % des musulmans sont de braves gens profondément tolérants et ouverts, cela relève du wishfull thinking, pas de la réalité. Il y en a, certes, à un bout du spectre de la grande famille musulmane. A l'autre bout, il y a des crapules sanguinaires qui haïssent l'Occident et tout ce qu'il représente et qui ont décidé de s'en prendre aux écrivains (Salman Rushdie), aux journalistes et dessinateurs (Charlie Hebdo), aux juifs (le musée juif de Belgique, l'Hyper Casher) et, enfin, à la vie tout simplement: la jeunesse, l'amusement, la musique, la danse, l'amour, la légèreté, l'insouciance.



Entre les deux, il y a un grand ventre mou. Des gens qui, certainement, ne prendront jamais une kalashnikov mais qui, pour autant, partagent partiellement la vision du monde de ces salauds. Antisémitisme, homophobie, refus de toute contextualisation du texte coranique, primauté de la loi divine sur les lois civiles, refus du "blasphème", condamnation du mode de vie occidental considéré comme immoral et dissolu...

Alors, qu'est-ce qu'on fait ?


Et bien on éduque, pardi. On cesse de se flageller parce que nous manquerions de compréhension, de tolérance, d'ouverture pour des gens qui pensent différemment. On affirme tranquillement qu'on n'a aucun problème à vivre avec l'islam, pour peu que cet islam accepte de vivre avec nous. C'est aussi simple que ça. Tu ne manges pas de porc ? OK, personne ne t'y oblige, mais tu ne m'empêches pas de bouffer mon salami, y compris en rue pendant le ramadan si j'ai un petit creux. Tu trouves que l'homosexualité est un péché ? OK, moi pas mais c'est pas grave: tout ce que je te demande, c'est de laisser à Dieu le soin d'en juger dans l'au-delà et tu fous la paix aux homos en attendant - t'inquiète, c'est pas contagieux. Pareil pour tout ce que tu n'aimes pas dans le mode de vie des mécréants. Parce qu'il faudra que tu t'y fasses: le temps des territoires monocultuels est terminé, mon gars. Où que tu ailles, tu trouveras des juifs - pas beaucoup, t'inquiète: leur nombre est largement surestimé par les gens qui pensent qu'ils dirigent le monde-, des athées, des polythéistes - les abominables "associateurs" que ton Coran condamne-, des homosexuels, des filles libres, des gens qui aiment danser, chanter, boire, aimer, rire, et qui


"quand ils ont bien bu
Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles"

Alors oui, on éduque. Au respect de l'autre. Mais en insistant bien, s'il vous plaît, sur le fait que l'autre, c'est certes le musulman, l'arabe, l'étranger, mais c'est aussi tous ces autres que certains tuent au nom de l'islam.

On éduque et on condamne sans langue de bois, sans circonvolutions alambiquées, sans lâches concessions: on ne tue pas des gens, bordel de merde; Rien ne justifie ça. Non, il n'y a pas de "mais". Aucun "mais" possible: le type qui prend une kalashnikov, un sabre ou une ceinture d'explosifs pour rendre la justice divine, c'est un salaud, mon gars. Et tu laisses la Palestine et le capitalisme en dehors de tout ça, vu ? C'est pro-israélien d'aimer la vie ? C'est capitaliste d'être jeune, de "cueillir dès aujourd'hui les roses de la vie".

T'as pas le monopole de la spiritualité, mec. Et tu ne détiens pas davantage la vérité. Tu as des croyances, des convictions. Moi aussi. Alors on éduque. On éduque à la différence entre une conviction et une vérité. Parce que c'est de là que tout découle, en fait. On ne peut pas tuer quelqu'un pour une conviction, une fois qu'on a compris que peut-être bien qu'on se trompe, même si on croit très fort qu'on a raison.

Aujourd'hui, j'ai presque envie que Dieu existe, tiens. Parce que soit c'est un immonde salopard, soit vous passez un mauvais quart d'heure là-haut. Et que si ce quart d'heure dure une éternité, je ne verserai pas une larme.


dimanche 22 novembre 2015

Le Nord, rien que le Nord



La grande église luthérienne, au sommet d'un escalier vertigineux, monument-phare d'Helsinki, l'une des plus grandes cathédrales à coupoles du monde (1852).

Et voilà, Helsinki, c'est terminé ! Retour à Paris..., mon boulot..., avec les oscillations continuelles de l'angoisse et de l'exaltation.


Amanda HAVIS, la statue-symbole d'Helsinki. Sculptée à Paris, elle fit scandale en 1905.

D'Helsinki, de la Finlande, je n'ai pas envie de trop parler; j'en ai un peu marre et, sans doute, vous aussi. Ecrire, parler, c'est souvent très réducteur, c'est une contraction énorme de l'émotion, du vécu.


L'église orthodoxe Uspensky, survivance d'une occupation russe, longue d'un siècle, mais qui a, malgré tout, laissé peu de traces.

L'image est, parfois, plus évocatrice. J'ai claqué, comme ça, quelques photos, sans prétention. Elles sont sans doute un peu nulles mais elles exprimeront, peut-être, mieux qu'un discours les motivations de mon séjour en Finlande, ce que j'y ai cherché et, parfois, trouvé.
















Le monument-hommage à SIBELIUS


Le "KIASMA", le Beaubourg finlandais en beaucoup plus récent (1998).




Le palais de la Musique



La gare d'Helsinki, entièrement Art-Nouveau, sans doute la plus belle gare d'Europe.


L'aéroport d'Helsinki

Photographies de Carmilla Le Golem, à Helsinki, sur appareils SIGMA dont je suis, depuis plusieurs années, une propagandiste.

samedi 14 novembre 2015

HELSINKI


Je vous écris, aujourd'hui, d'Helsinki où je suis en vacances pour une semaine. Helsinki, mais t'es folle d'aller là-bas, m'a-t-on dit ! Ça n'a aucun intérêt, surtout en novembre. 

Effectivement!  Mais ce sont, justement, les pays sans grand attrait touristique qui m'attirent. J'aime les endroits moches, décriés, sinistres. J'arrive, toujours, à y percevoir une atmosphère, une ambiance, un mystère..., bref quelque chose de moins fabriqué qu'ailleurs.


On peut me rencontrer, aujourd'hui, dans un chouette hôtel: le Glo Art avec une architecture Art Nouveau. C'est très singulier, accueillant. Ça me convient tout à fait pour rêvasser! Heureusement parce qu'il fait tres sombre et que l'ambiance extérieure est, effectivement, lugubre. Sortir, il faut du courage! 


La Finlande, c'est sûr que je n'y connais, moi-même, à peu rien de rien: tout juste, le musicien Sibelius, l'écrivain Paasilinna, le cinéaste Kaurismäki. Le pays a longtemps été sous domination suédoise puis russe, mais l'influence scandinave demeure préponderante.







Mais c'est un pays qui semble  étrangement paisible. On y a l'impression d'une espèce de bonheur de vivre. C'est riche, calme, sans soucis... A méditer au moment où j'apprends les attentats parisiens. Jusqu'à quel niveau de sécurité allons nous désormais aspirer, au détriment éventuel de la démocratie ?



Tableaux du peintre symboliste finnois (le plus célèbre avec Hugo SIMBERG): Akseli GALLEN-KALLELA (1865-1931)

Il faut excuser mes multiples fautes. J'ai du me rabattre sur un clavier finnois et, croyez-moi, ce n'est pas facile.

dimanche 8 novembre 2015

La fièvre de l'Or


L'argent, ça semble complètement neutre, le simple instrument des échanges. Mais il faut bien constater qu'on entretient tous, avec lui, des relations ambiguës, passionnées, même sous une apparente indifférence. Surtout, l'argent, c'est, souvent, le support, aujourd'hui, de notre identité dans les relations sociales. Dis-moi combien tu gagnes !

Dans les couples, c'est, déjà, le principal fauteur de troubles. De sinistres relations d'assujettissement s'établissent, comme ça, dans les quelles l'argent est vecteur de reconnaissance ou de déni. Il y a un gagnant et un perdant; il y en a toujours un qui tient les cordons de la bourse et qui humilie l'autre pour son insuffisance ou son impécuniosité. 

Dans les simples relations sentimentales, vous n'avez évidemment rien à dire si vous n'avez pas de fric: vous êtes, de toute manière, prêts à tout, même à vous faire violenter, si vous êtes inscrits à Pôle-Emploi..

Mais ça n'est pas facile, non plus, si vous êtes un peu riche et une fille. On s'acharnera, bien vite, à vous démonter. Votre fric, c'est, de toute manière, incongru, accidentel ! Et on vous fuira ou vous dégommera. Il n'y a que les nazes qui s'accrocheront. Peu importe !


A titre personnel, les gens les plus détestables, c'est d'abord les avares, les Harpagons. Ils sont aussi affreux que les écologistes (mais c'est, en général, très lié, l'écologie, ça n'est jamais que la forme moderne, sordide, de l'avarice). Les avares, ils croient, d'abord, à la valeur absolue de l'argent (c'est leur grille de lecture, unique, du monde). Ensuite, ce sont des jaloux (et les jaloux sont, aussi, des avares). Les jaloux, les avares, je les ai en horreur avec leur désir de possession exclusive et l'incapacité de partager. Et puis, ils vivent dans la suspicion permanente des autres. Les autres, ils comploteraient, sans cesse, pour déposséder et les avares et les jaloux. C'est la défiance permanente, l'incapacité totale d'amour. Pour les grippe-sous, les jaloux, il s'agit d'abord de soutirer le plus que l'on peut à autrui et pour cela de ne pas hésiter à le duper. Un avare, un jaloux, ça me fait vomir, je voudrais tous les flinguer !


Il y a aussi les envieux qui me terrifient. Ils sont différents des avares et des jaloux. Ils n'ont, pas forcément, pour préoccupation première l'accumulation. Ce sont les personnes que je rencontre le plus ! Ils me pompent, me harcèlent ! Je suis sans cesse courtisée par des envieux. Il faudrait que je leur consacre tout mon temps, que je baise, sans hésitation, avec eux. Pitié ! Arrêtez ! Foutez-moi la paix et je sais bien, d'ailleurs, que vous me plaquerez, instantanément, si, un jour, je me casse la gueule et c'est d'ailleurs ce dont vous rêvez.

Les envieux, ils vivent dans la compétition, la rivalité. Les envieux, ils fantasment moins sur l'argent que sur celui qui le possède. Ils sont prêts à le dévorer. Ils supposent que le riche éprouve une jouissance dont ils sont exclus. Les envieux, ils veulent être moi, exercer ma puissance supposée. Ils croient au pouvoir de l'argent. L'argent, il ouvrirait à une infinité de plaisirs. C'est notamment la vision du Marquis de Sade: on jouirait d'autant plus qu'en serait exclue la multitude.


Chaque jour, comme ça, je suis confrontée à des regards qui me signifient que l'on ne veut pas seulement me baiser, ce qui est anodin, mais surtout être moi, épouser, sans scrupules, mon identité, ma saloperie, mes horreurs, pourvu que l'on puisse jouir comme moi. Tout ça, parce que j'ai un peu de fric. C'est terrifiant, effroyable !


L'argent, c'est pourtant de ça dont j'ai cherché à me libérer dans ma vie. J'ai toujours voulu que ce ne soit pas un problème: ne pas avoir à compter, calculer, faire des budgets. Pouvoir aller à Tokyo ou à New-York quand la fantaisie m'en prend, m'acheter la bagnole, les bouquins ou les fringues dont j'ai envie. Ne pas être soumise, surtout, à un imbécile qui se croira plus riche que moi. Vis à vis de l'argent, j'ai, donc, choisi l'indifférence absolue.C'est donc, probablement, pour ça que j'ai choisi, d'une manière qui peut sembler paradoxale, d'exercer des fonctions dans la finance.


Je vais peut-être choquer mais je ne consulte, à peu près jamais, mon compte en banque. Je suppose que c'est suffisant. Idem pour mes positions en Bourse. J'achète, un jour, plein d'actions d'une société et, après, je m'en désintéresse. C'est seulement au bout de quelques mois que je commence à regarder où ça en est. C'est peut-être une méthode bizarre mais ça marche très bien aussi. 

De toute manière, pour gagner, il faut être sûr de ne jamais être déçu!  Il y a l'argent que je gagne par mon travail et il y a l'argent somptuaire que je peux accepter de perdre entièrement.

N'être jamais déçu, ça peut être un principe général de conduite de sa vie. Et pour gagner un jour, il faut, croyez-moi, ne jamais calculer, être absolument indifférent à la perte ou au gain. C'est comme ça qu'on se sent hors d'atteinte, inaccessible au malheur ou au triomphe, être capable de devenir, tour à tour, sans émotion aucune, riche ou pauvre.







Images de la Sécession Viennoise et, évidemment, de Gustav KLIMT et Koloman MOSER, tableaux évidemment inspirés par la représentation de l'or.

Je recommande par ailleurs le livre récent et très intelligent de Patrick AVRANE: "Petite psychanalyse de l'argent".

Je me suis, enfin, évidemment réjouie de l'attribution du prix Goncourt à Mathias Enard pour "Boussole".J'avais évoqué son bouquin dans mon post du 4 octobre dernier. C'est très puissant, étonnant, troublant et surtout ça donne une autre vision de l'Orient, porteur de rêves, de sensualité et de raffinement !