dimanche 4 octobre 2015

La lectrice


















Je me suis rendu compte qu'on trouvait, dans toute l'histoire de la peinture, une multitude de tableaux représentant une femme en train de lire. Ça prouve que la lecture est une activité subversive. Je crois que j'en sais quelque chose. La lecture, c'est un prolongement de ma vie et ça en occupe une bonne part. A titre anecdotique et à l'intention de mes admirateurs, je lis (la nuit, le plus souvent) généralement allongée dans mon lit, habillée d'un très joli pyjama (jamais dans un fauteuil ou une chaise et, rarement, complètement nue) ou alors dans les transports (train, métro, avion). Voilà, dans ce contexte, les quelques bouquins qui m'ont plu ces dernières semaines.

- Philippe JAENADA: "La petite femelle". C'est "LE" livre de cette rentrée. 700 pages, ça peut effrayer mains on n'en décolle vraiment pas. Philippe Jaenada lui-même, je n'avais, jusqu'alors, jamais rien lu de lui et j'ai eu un peu de mal, au début, à m'adapter à son écriture étonnante;  mais, après, j'ai été subjuguée. Le portrait extraordinaire d'une femme, Pauline Dubuisson, condamnée à perpétuité, en 1953, pour le meurtre de son amant. Une rebelle, scandaleuse (au point de coucher avec des soldats Allemands et d'être tondue), intelligente, cultivée, séduisante, qui n'avait pas peur de braver la morale ambiante. C'est aussi la description de la France des années 50, moisie, racornie, mais peut-être pas encore complètement révolue. Et puis, c'est le fonctionnement d'une machine judiciaire qui se préoccupe moins de droit que de morale, mais ça non plus, ça n'a pas beaucoup changé. Je me suis complètement identifiée à Pauline Dubuisson en lisant ce bouquin, j'ai découvert une sœur ! Un  livre qui vous aide à vivre !


- Mathias ENARD: "Boussole". Un livre absolument fascinant, d'une érudition prodigieuse, qui, je l'espère, sera récompensé par un prix littéraire. Si vous vous intéressez à l'Europe-Centrale, l'Iran, la Turquie, la Syrie, si vous en avez marre de toutes les âneries des medias, précipitez-vous sur ce bouquin qui parle, avec intelligence, de l'interpénétration des cultures européenne et orientale. C'est aussi une histoire d'amour. J'ai appris plein de choses et ça m'a donné envie de repartir, tout de suite, en Turquie ou en Iran.


- Zygmunt MILOSZEWSKI : "Un fond de vérité" ("Ziarno prawdy" en polonais). Je ne lis que très rarement des romans policiers: ça m'ennuie. En plus, celui-ci fait 500 pages. Mais celui là, je l'ai trouvé passionnant : il dresse un portrait, au vitriol, de la Pologne contemporaine, de ses peurs et obsessions. Un formidable bouquin de sociologie politique qui aborde aussi, avec justesse, la question de l'antisémitisme. En plus, ce livre est un véritable guide touristique de Sandomierz, une merveilleuse ville renaissance (au Sud-Est de la Pologne) propice au rêve (j'y suis allée cet été).


- Antoine COMPAGNON: "Un été avec Baudelaire". Là, ça ne fait que 170 petites pages, c'est beaucoup plus léger que tout ce qui précède. Baudelaire, je ne connais pas trop. Ce que je trouve intéressant, c'est que beaucoup de Français se reconnaissent entièrement dans ses poèmes et qu'il soit considéré, quasiment, comme le poète absolu. J'ai tendance à penser que Baudelaire exprime l'esprit français.Avec ce petit bouquin, une merveille de clarté et de concision, j'ai eu l'impression de tout comprendre. Il présente un Baudelaire entretenant un rapport complexe avec la modernité (qu'il rejette en général), hanté par les questions du Mal et du péché originel.



































- Esther KREITMAN: "Le diamantaire". C'est un bouquin qui a déjà quelques mois (j'ai tardé à le  lire), mais on peut, encore, facilement, le trouver. Esther Kreitman est une découverte: elle est la sœur des célèbres frères SINGER: Isaac Bashevis, prix Nobel 1978 et Israël Joshua qui rencontra un grand succès aux Etats-Unis. Dans ce livre, publié à Londres en 1944 et traduit seulement aujourd'hui en Français (70 ans de retard), la sœur fait preuve d'un talent comparable à celui de ses frères. Une extraordinaire description d'Anvers, du monde juif et des diamantaires, au début du 20ème siècle puis durant la première guerre mondiale. Un livre à lire absolument, pas seulement si l'on est Belge.



- Simon LIBERATI: "Eva". Encore un très beau portrait de femme, celui d'Eva Ionesco, la fille d'Irina, la célèbre photographe. Les rapports troubles, destructeurs et dévorants, entre mère et fille. C'est à rapporter au film "My little princess", sorti en 2011, réalisé par Eva Ionesco, elle-même, avec Isabelle Huppert. Je ne veux pas porter de jugement. J'en parlerai, peut-être, dans un prochain post. Je soulignerai simplement qu'il faut lire, relire, Simon Liberati, auteur, notamment, de "L'Hyper Justine".


- Richard COLLASSE: "Seppuku". Richard Collasse est un grand connaisseur du Japon (il y a été PDG de Chanel) mais je n'ai pas l'impression qu'on parle beaucoup de ses livres. Personnellement, je trouve qu'il a une vision très juste du Japon. Son dernier livre est étonnant puisqu'il s'agit d'un grand roman historique dans lequel le héros se trouve ballotté au gré des guerres. Sont notamment évoqués: les relations du Japon et de l'Allemagne nazie durant la 2 nde guerre, la guerre de Corée et enfin le Japon du tout début des années 60. C'est très noir et ça pose une question essentielle: la rédemption est-elle possible ?



- Daniel COHEN: "Le monde est clos et le désir infini". C'est un bouquin d'économie (j'en lis beaucoup) mais que je crois accessible à tous. Je ne partage pas les analyses de Daniel Cohen (cette idée notamment, ici développée, d'une panne structurelle, de la croissance) mais je lis avec plaisir tous ses bouquins; il n'a pas son pareil pour retracer l'histoire du monde et de l'économie et proposer des points de vue originaux. Je recommande même si c'est avec quelques réserves.


Tableaux de Jean-Jacques HENNER (la lectrice), BALTHUS (Katia lisant), Ramon CASAS i CARBO, DEGAS, Gustav Adolf HENNIG, Van GOGH, MATISSE.

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