dimanche 27 septembre 2015

L'amour entre filles


L'amour entre filles, c'est courant, c'est banal. On a presque toutes, jeune ou adulte, une copine, une amie de cœur. C'est encore plus fort dans les cultures où la séparation des sexes est marquée (le Japon, la Russie, l'Ukraine). En France, je ne sais pas, j'ai l'impression que les femmes se vivent surtout en rivales et sont dévorées par la jalousie.


Un amour féminin, ça permet, d'abord, de faire l'apprentissage de la vie parce que, généralement, entre filles, on se parle beaucoup, on se dit tout, notamment en matière sexuelle et amoureuse. La question principale, c'est, évidemment, celle des hommes. Faire l'amour avec un type, séduire, il faut l'avouer, ce n'est pas seulement la félicité que l'on décrit, c'est également une angoisse terrible parce qu'on ne se sent jamais à la hauteur.

C'est affreux ! De prime abord, on est nulles, il faut bien le reconnaître. D'épouvantables oies blanches! Et on se sent, d'ailleurs, tellement nulles qu'on est prêtes à tout, même à la soumission absolue. Je sais que je serais capable de me prostituer pour certains hommes; ça me fiche en l'air, ça me torture, m'humilie, mais j'ai aussi appris, au fil de mes aventures, que ça peut se maîtriser, qu'on peut dominer ça et que ça s'apprend éventuellement. L'amour, la sexualité, c'est une éducation.!

Les confidences entre filles, ça apporte justement des réponses à ça. On trouve une guide, une conseillère, un modèle, ça nous donne de l'audace, de la confiance, de l'assurance. C'est forte de ces certitudes qu'on n'hésite pas à briser les tabous. C'est votre copine qui donne son approbation à vos fréquentations scandaleuses; c'est votre copine qui vous convainc que les pratiques déviantes, il faut les essayer.


Et puis, il y a une sensualité particulière entre femmes. Si on se fait belles, se maquille, se parfume, porte des dessous affriolants, c'est, bien sûr, pour séduire des mecs mais c'est, aussi, pour se défier entre femmes parce qu'on sait bien, de toute manière, que seule une femme est capable d'apprécier notre élégance et notre provocation vestimentaires.


Il y a, comme ça, quelque chose d'enivrant et de vénéneux dans les relations entre femmes. C'est magnifique et cruel à la fois parce que tout n'est évidemment pas rose. C'est un parfum lourd exhalant l'odeur du péché. Mais c'est aussi une pierre magique avec mille merveilleuses facettes. La fascination, la séduction, l'apparence, on joue ça à plein entre nous mais c'est exaltant.


Mais cette magie de l'amour entre femmes, c'est, aujourd'hui, de plus en plus refoulé, occulté. On est convaincus de vivre dans des sociétés libérées en matière de mœurs. Mais en fait, on catégorise, normalise, à outrance. Finalement, on canalise bien la déviance. Si on aime bien une fille, dit-on, c'est qu'on est, forcément, une lesbienne. On doit, aujourd'hui, être, obligatoirement, ou hétéro, ou lesbo, ou trans. Je trouve ça incroyablement réducteur, on néglige totalement la plasticité psychique.


C'est comme ça qu'en France, maintenant, le modèle de l'amour entre filles, c'est devenu le film "la vie d'Adèle" d'Abdelatif Kechiche. Le film est, incontestablement, très bon mais il ne fait vraiment pas rêver : deux affreuses nanas qui passent leur temps à se faire la tête, à s'engueuler, à baiser. Ça peut épater le bourgeois, ravir l'intello, mais c'est quand même sinistre, ça ne vous donne vraiment pas envie de devenir lesbienne. Kechiche, c'est le porno-kitsch normalisateur.


Moi, mon expérience avec les femmes, elle est à mille lieux de ça. La vérité de l'amour entre femmes n'est pas simplement le lesbianisme. On peut éventuellement baiser mais ça n'est pas non plus indispensable. Surtout, on rêve, on délire, on vit dans une espèce de société secrète, on découvre d'autres mondes, c'est une illumination poétique de chaque instant.


C'est comme ça, par exemple, que je vis ma relation avec ma copine Daria. On ne fait que des bêtises ensemble, les 400 coups chaque jour. Surtout, on aime allumer, toutes les deux, les hommes. Ça marche, d'ailleurs, de manière extraordinaire; c'est vrai qu'on correspond sûrement à tous les fantasmes actuels mais ça nous fait rigoler et ravit pendant des semaines. 

Et puis, on vit à plein dans le sensuel. On fait particulièrement attention à la manière dont on s'habille quand on est ensemble, on cherche à s'épater l'une l'autre; pour l'achat de la moindre culotte, on prend conseil sur l'autre; et en matière purement sexuelle, on aime s'embrasser, se caresser. On aime aussi voyager ensemble et, à cette occasion, on prend bien sûr une même chambre à l'hôtel et on adore dormir dans un même lit. Pourtant, on ne se considère absolument pas comme lesbiennes et on est passées complètement à côté d'"Adèle"; ce n'est pas notre univers !

 

Images du magnifique film de Bertrand BONELLO: "L'Apollonide", sorti en 2012. Il faut absolument avoir vu ce film splendide. Il illustre bien, à mes yeux, la sensualité, la complicité et l'amour entre femmes.

Ce post m'a été inspiré, il y a quelques semaines, par le film lituanien "Summer" d'Alanté KAVAITE. L'anti "Adèle" absolu. Sur le même thème, je recommande le film d'Anne Fontaine: "Perfect Mothers" sorti en 2013.

Enfin, puisqu'on parle de cinéma, je vous conseille: "Youth" de Paolo SORRENTINO, le réalisateur de "La Grande Belleza", "Much Loved" de Nabil AYOUCH et "Fou d'amour" de Philippe RAMOS, un délicieux film d'inspiration Bataillienne mal compris par la critique.

dimanche 20 septembre 2015

Les ruses de l'histoire


L'histoire enregistre souvent d'étranges bifurcations. Il y a un énorme paradoxe à voir s'afficher, aujourd'hui, en parangons de vertu, deux pays, à l'histoire sombre, la France et l'Allemagne, sur la question des réfugiés.


Hommage urbain à Roman Polanski

Les réfugiés, évidemment, ils nous confrontent à une espèce d'absolu moral: l'exigence chrétienne, exorbitante, d'aimer l'autre comme soi-même. C'est bien sûr impossible et on ne sait pas comment composer avec ça.

Que faire donc ? On est dans une situation surréaliste ! François Hollande et Angela Merkel, ils irritent tout le monde, en Europe, tant ils sont omniprésents et ridicules: suffisants et insuffisants. Leur arrogance est vraiment gênante. Au nom de qui et de quoi s'expriment-ils sur tout et sermonnent-ils tout le monde? Est-ce que c'est ça le fonctionnement démocratique de l'Europe ? 


Merkel et Hollande incarnent parfaitement, comme l'a bien analysé le philosophe allemand Peter Sloterdijk, les héros du grand écrivain autrichien, Robert MUSIL: "l'homme et la femme sans qualités"; des gouvernants dont la sagesse principale est, même si leurs journées de travail sont longues, de ne rien faire. Sloterdijk les appelle des "léthargocrates". L'esprit bureaucratique absolu, ne rien changer, ne rien bouger, c'est d'ailleurs à ça qu'aspirerait le peuple !


 De Merkel et Hollande, on pourrait donc ne rien attendre. Mais c'est justement parce qu'ils sont léthargiques qu'ils peuvent se révéler, aussi, totalement imprévisibles, capables de décisions soudaines, décisions qui les dépassent sans doute mais, éventuellement, pleines d'humanité.

Hommage urbain à Artur RUBINSTEIN

S'éprouver tout à coup vertueux, ça procure une étrange jouissance. Enfin ! on est réconciliés avec soi-même. Mais la satisfaction affichée n'évacue pas une trouble culpabilité. 


J'approuverais entièrement les déclarations généreuses de Hollande et Merkel. Mais ce qui m'embête, c'est que ce ne soit pas si pur que ça en a l'air. Ça s'effectue en "stigmatisant" (comme on dit maintenant), des pas beaux, des vilains, en l'occurrence les pays d'Europe Centrale. Haro sur la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne, des pays sinistres qu'on a, d'ailleurs, toujours détestés ! On se prend d'amour pour les uns en chassant les autres: des égoïstes, des salopards, même pas reconnaissants de tout ce qu'on a fait pour eux (???) et à qui on ferait bien de sucrer toutes les subventions qu'on leur accorde si inconsidérément.


Quelle rigolade et quelle hypocrisie ! D'abord, l'Europe de l'Ouest n'a, à peu près, rien fait pour aider l'Europe Centrale. Là aussi, il y a 25 ans, on avait très peur d'un envahissement, d'un débordement, et on s'est empressés de verrouiller toutes les voies d'accès. On s'est, comme ça, barricadés et privés de la venue de scientifiques et universitaires de premier plan. Ensuite, on a simplement laissé fonctionner les mécanismes du marché. Et après, c'était "marche ou crève!".


Quant à la xénophobie de l'Europe Centrale, il faut simplement rappeler que la Pologne était, avant la seconde guerre mondiale, le pays le plus multiculturel d'Europe. Quant aux autres affreux (la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie), ils faisaient partie de l'Autriche-Hongrie, l'Etat le plus cosmopolite qui ait jamais existé. Aujourd'hui encore, contrairement à ce qu'on affirme, il y a un cosmopolitisme important en Europe Centrale avec un grand mélange de langues et de cultures.


D'expérience, je puis d'ailleurs vous assurer qu'on est infiniment mieux accueilli en Europe Centrale qu'en Allemagne ou en France. L'arrogance y est bien moindre et la socialité, convivialité, plus importantes.


Du reste, le problème des réfugiés se révèle moins un problème moral qu'économique. Les quotas ne peuvent servir à rien ! Ce sont, de toute manière, les réfugiés qui choisissent, in fine, leur pays d'accueil. 


La réalité est, en fait, triste et cruelle: il m'apparaît, ainsi, vraiment humiliant et inquiétant pour la France, pays des Droits de l'Homme et des avantages sociaux (selon le FN), que les réfugiés n'aient, majoritairement, pas du tout envie de s'installer en France et risquent plutôt leur vie, à Calais, pour franchir, à tout prix, le tunnel de la Manche et rejoindre l'Angleterre ultra-libérale. De même, les réfugiés n'ont visiblement pas lu le dernier livre de Mélenchon décrivant l'enfer allemand. C'est à méditer... On sait bien que la santé économique de la France n'est pas très bonne mais peut-être que sa santé démocratique est également en cause.



Photos de Carmilla Le Golem toutes (saufs les 2 dernières) prises à LODZ (prononcer Woudj) en Pologne.

Je n'avais, jusqu'alors, jamais mis les pieds dans cette ville mais j'ai été fascinée. C'était d'abord, au début du 20 ème siècle, sous la Russie tsariste, le Manchester de l'Europe Centrale: plus de 3 000 entreprises au total. Un film célèbre d'Andrzej Wajda, "La terre de la grande promesse", dépeint cette époque. Il y a encore, dans cette ville, une architecture industrielle incroyable.

Lodz, c'est aussi la ville où est né le grand pianiste Artur RUBINSTEIN (5 ème photo).

C'est également la ville de l'école du cinéma, connue dans le monde entier, qui a formé les grands noms du cinéma polonais: Polanski, Wajda, Zulawski, Kieslowski, Has, Zanussi, Skolimowski, Holland, Szumowska, Pawlikowski etc...

Il y a enfin, à Lodz, l'un des plus grands cimetières juifs d'Europe.

Mes 2 dernières photos sont enfin consacrées au musée, récemment ouvert, de la culture juive à Varsovie. On n'en a guère parlé en France mais j'ai trouvé ce musée extraordinaire: son esprit est tout à fait différent du musée Libeskind de Berlin: moins abstrait, moins conceptuel, davantage centré sur l'histoire réelle d'une culture.

dimanche 13 septembre 2015

Au pays des bordures


Je suis donc revenue à Lviv. A chaque fois, j'éprouve une appréhension dans l'avion ou le train qui m'y conduisent. Comment ça va être cette année ?


Mais non! Je retrouve instantanément mes marques et me sens tout de suite à l'aise. C'est bizarre ce sentiment de se sentir bien, chez soi, dans une ville. D'autant que j'ai bien conscience que Lviv, c'est tout de même un peu particulier. C'est toujours ce que je me demande: là où je ne vois que des choses belles et étonnantes, d'autres ne vont-ils pas voir que tristesse et misère ? J'hésite à conseiller à des Français d'aller faire du tourisme en Ukraine. Ils pourraient m'en vouloir à mort. Il faut tout de même être un peu initié.


C'est sûr que l'Ukraine, surtout quand on vient de Pologne, ça fait complètement déglingué. Et puis, depuis quelques années, rien ne bouge, rien ne s'améliore. Mais ça ne s'effondre pas non plus, ce qui ne serait guère étonnant dans un pays en guerre.


Mais j'ai peut-être un peu mieux compris mes sentiments cette année parce que, justement, je venais de Pologne. La Pologne, maintenant, c'est formidable. Tout est propret, organisé, policé, tout fonctionne. Mais aussi, tout est mondialisé, banalisé, aseptisé. Peut-il encore vous arriver quelque chose en Pologne ?


L'Ukraine, c'est encore "wild". C'est sans doute l'un des derniers pays d'Europe où l'on puisse encore éprouver que l'aventure est au coin de la rue. Un pays où on peut faire, chaque jour, des rencontres étonnantes (pas forcément agréables d'ailleurs), un pays où on peut être foudroyé par le hasard, le merveilleux.


Et puis, il y a la vie urbaine extraordinaire. On peut penser que, dans un pays en guerre, tous les lieux de divertissement sont fermés, que les rues sont désertes, que tout est sombre et sinistre. C'est tout à fait le contraire. Les cafés, les restaurants, les boîtes, sont innombrables et pleins à craquer. Dans les rues, il y a plein de spectacles organisés et on y danse jusque tard dans la nuit.


C'est bien sûr une manière d'oublier la guerre mais pas seulement. C'est aussi ce goût inné de la convivialité slave.


Ceci dit, je suis quand même revenue déprimée d'Ukraine. C'est miracle que le pays survive aujourd'hui mais tout devient imprévisible en raison de l'effondrement économique. Poutine n'a pas besoin de conduire une guerre frontale, il lui suffit d'entretenir l'insécurité. 


Il va alors sortir vainqueur: les pays occidentaux n'aspirent qu'à être en bons termes avec la Russie, à avoir la paix avec elle. Quant à l'Ukraine, ses aspirations démocratiques, on s'en fiche. On reprend même la propagande russe, absurde mais efficace, d'un pouvoir ukrainien gangrené par les néo-nazis. Donc, l'Europe va prochainement lâcher l'Ukraine (François Hollande l'a clairement annoncé dans sa dernière conférence de presse). Quant aux Ukrainiens, leur pauvreté croissante risque de les entraîner dans de sombres aventures politiques. 






















Quelques unes de mes photos à Lviv. Pour ça, je suis bien Ukrainienne. En Ukraine (mais aussi en Russie), il y a chez les femmes une passion pour la photographie (même si c'est surtout pour se prendre entre elles). Ce sont surtout elles qui font des photos et une Ukrainienne élégante doit avoir un bel appareil (surtout pas un portable) et connaître ses caractéristiques techniques. Je trouve ça une singularité parce que c'est une culture féminine quasi absente en Europe de l'Ouest (où ce sont les hommes qui font des photos et où les femmes ne veulent pas entendre parler de technique).

Ces photos sont des lieux que je fréquente très habituellement. Je ne peux pas les commenter. Je mentionne simplement qu'on peut voir le hall de l'hôtel "George" où Sacher Masoch aurait rédigé "la Vénus à la fourrure".

dimanche 6 septembre 2015

Aux confins de l'Europe


Me revoilou! Mais c'est dur!


Peu de commentaires aujourd'hui, je n'en suis pas capable. Simplement quelques photos de mon passage dans l'Est de la Pologne, à proximité de l'Ukraine.


Il y avait longtemps que je n'avais pas arpenté la campagne polonaise. J'ai été impressionnée tant le miracle économique y est manifeste, surtout en comparaison avec l'Ukraine.


Il faudrait qu'un jour, si j'arrive à vaincre ma paresse, j'écrive quelque chose sur l'économie polonaise. La réussite polonaise contredit, surtout, toutes les théories à la mode faisant dépendre la richesse des nations de facteurs psychologiques ou culturels. C'était la thèse de Max Weber dans "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme". Aujourd'hui, dans les medias, on nous ressasse une version modernisée de cette thèse avec cette bêtise comme quoi la croissance économique dépendrait d'un facteur principal: la confiance. De ce point de vue, les Polonais cumulent tous les handicaps: ils sont encore très catholiques, ils n'aiment pas les riches et, un peu comme les Français, ils sont toujours mécontents. Pourtant... 

Quand on aura compris que l'économie n'a pas grand chose à voir avec la psychologie, l'Europe de l'Ouest parviendra peut-être mieux à résoudre ses problèmes.


Mais il est vrai qu'on ne s'intéresse pas beaucoup à la Pologne en France. De son actualité politique, on ignore, également, à peu près tout. Qui sait, par exemple, qu'on vient d'élire un nouveau Président, un grand bêta populo, "Dudus", inféodé au "Roi des Chats" ? On ne parle évidemment que de ça en Pologne ainsi que des redoutables élections législatives qui se profilent au mois d'octobre. Mais pas un mot en France... le contraste est saisissant. Ce qui fait l'actualité du monde, c'est finalement très relatif.




















Photographies de Carmilla Le Golem avec mon tout nouvel appareil, le Sigma DP0 Quattro. Images prises à Lublin, Lancut, Sandomierz, Sanok, Krasiczyn.

Attention !J'ai cherché à traduire une certaine ambiance "vampirique" et mes photos ne sont donc pas le reflet de la Pologne moderne.