samedi 31 janvier 2015

Neige


Aujourd'hui, je pars à Riga, en Lettonie.


La Lettonie, j'ai l'impression que ça n'évoque pas grand chose. Pourtant, c'est un pays magnifique. C'est la Courlande mais aussi les barons baltes, Eisenstein, Marc Rothko. Et puis Riga est  la capitale européenne  de l'Art Nouveau avec un ensemble architectural exceptionnel. En plus, on est au bord de de la mer et, en été, on peut aller tout de suite se baigner à Jurmala.


A vrai dire, si j'y vais, à cette époque, c'est parce que j'aime le froid et la neige. Mais là, il faut bien le dire, je me suis complètement plantée, c'est la cata..., la  grande déception. Il gèle à peine en ce moment à Riga, c'est incroyable! J'espérais un mètre de neige et une mer Baltique gelée qui m'aurait, éventuellement, permis de gagner la Finlande ou Saint-Pétersbourg à pied; Hélas! rien du tout! Que de la grisaille et de la flotte! C'est rageant!


C'est dans les pays du Nord que l'on perçoit le plus le réchauffement climatique. On se souvient que Napoléon avait entamé la retraite de Russie à la mi-octobre. Si c'était aujourd'hui,ça ne poserait aucun problème: souvent maintenant, il n'y a pas de froid et de neige sur la Russie avant le mois de janvier.


Trouver de la neige devient de plus en plus difficile. Je pourrais bien sûr aller en Sibérie; là-bas, je trouverais ce qui me convient mais c'est évidemment moralement inconcevable. Je ne vais quand même pas donner un centime à Poutine et puis je serais trop tentée d'assassiner un ou deux Russes.


Tant pis! je vais quand même pouvoir rêvasser en Lettonie pendant une semaine ! Ce soir, je serai attablée devant une anguille fumée avec une bonne bière. Et puis je vais essayer de sillonner le pays par le train.


Tableaux du célèbre peintre suédois Carl LARSSON (1853-1919). Si vous allez un jour en Suède, il faut absolument que vous visitiez la maison de Carl Larsson à Falun. Plus bucolique, plus écolo, il n'y a pas.

La 4ème image est celle de l'un de ses disciples : Gustav Fjaestad (1868-1948).

A mes admirateurs, je signale que je descends au Neiburgs Hotel à Riga. C'est un hôtel qui me correspond bien. Il est aménagé dans un splendide bâtiment Art Nouveau.

dimanche 25 janvier 2015

Livres d'hiver


La roue tourne! Durant ces deux derniers mois, j'ai lu, notamment, quelques pavés épuisants mais déroutants. 

Elisabeth ROUDINESCO: "Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre". Sigmund Freud est, sans doute, l'un des penseurs que j'admire le plus. Je l'ai beaucoup lu et étudié et j'ai visité à peu près tous les lieux où il avait vécu (à Vienne, à Londres, en Moravie) et même les villes d'origine de ses parents (en Ukraine à Brody, Buczacz). Sa pensée est pour moi toujours d'actualité. Pourtant, je n'ai jamais été tentée ni éprouvé le besoin de suivre une analyse; je suis même franchement réticente à l'embrigadement  psychologique que l'on fait, aujourd'hui, de nos vies. Bref, je suis très sceptique! La psychanalyse, ça rend mieux compte, pour moi, des phénomènes culturels que de la psychologie individuelle. Des biographies de Freud, il y en a déjà eu des pelletées: Ernest Jones, Peter Gay, Emilio Rodrigue et même celle, grossière et malhonnête, de Michel Onfray. Ce livre d'Elisabeth Roudinesco fera date par sa rigueur, sa probité, son intelligence.



Michel HOUELLEBECQ: "Soumission". Sur le plan formel, c'est un peu déconcertant tant l'écriture est sèche. Mais peu importe! Il y a bien dans ce livre un diagnostic impitoyable et une interrogation: allons-nous nous laisser entraîner par le plaisir de la sujétion ?



Virginie DESPENTES: "Vernon Subutex". Virginie Despentes, je n'avais pas trop lu jusqu'alors mais j'ai vraiment éprouvé du plaisir à lire ce bouquin. C'est une écriture! Une galerie de portraits acides et bien ciselés. Ça n'est tout de même pas du Balzac car, d'intrigue, il n'y en a point. Et puis la faune décrite par Virginie Despentes, rock/addicto, est étrangement datée voire déjà obsolète.

Mathias MENEGOZ: "Karpathia". Un livre OVNI. Je l'avais remarqué à sa parution mais j'ai été effrayée: 700 pages! Je m'y suis quand même attelée. C'est d'abord une formidable reconstitution historique: celle de l'Autriche-Hongrie du milieu du 19 ème siècle et plus précisément de la Transylvanie. A lire absolument si on s'intéresse à l'Europe Centrale. C'est aussi une réflexion sur l'exercice du pouvoir. Un regret tout de même: l'écriture est vraiment trop classique.




Oriane JEANCOURT GALIGNANI: "L'audience". Le récit d'un ahurissant procès au Texas en 2003. Une jeune enseignante, mère de trois enfants traînée en justice pour avoir entretenu des rapports sexuels avec quatre de ses élèves. Ça pose plein de questions; j'en retiens deux: l'énigme des comportements amoureux et puis le droit des femmes à une vie sexuelle libre.


Jean des CARS: "Le sceptre et le sang". C'est le genre de bouquin que l'on ne se vante pas de lire. Jean des Cars! La honte! Pourquoi pas Stéphane Bern ? Mais connaissez-vous bien Guillaume II, François-Ferdinand et François-Joseph d'Autriche, George V, Victor-Emmanuel III, Pierre 1er de Serbie, Nicolas 1er de Monténégro, Carol 1er de Roumanie et son épouse Carmen Sylva, Carol II ey Magda Lupescu "la louve des Carpates, le prince Vidi puis le roi Zog d'Albanie, Ferdinand 1er et Boris III de Bulgarie, Alexandre 1er de Yougoslavie ? Une foule personnages étonnants dont la vie est un roman. Bref, je ne me suis pas ennuyée une seconde en lisant ce livre et j'ai appris plein de choses.


Sebastian HAFFNER: "Considérations sur Hitler". Des livres sur Hitler, il y en a eu des milliers mais il faut absolument lire celui-ci; il est écrit par l'auteur de l'incontournable "Histoire d'un Allemand. Souvenirs 1914-1933". C'est très concis et il pose vraiment les questions essentielles. Sans doute, "l'étude la plus originale, la plus abordable et la plus stimulante sur Hitler".


Michael J. SANDEL: "Ce que l'argent ne saurait acheter". C'est bien sûr un livre d'économiste mais qui pose des questions de portée philosophique touchant à l'éthique de la vie. On assiste en effet aujourd'hui à une extension complète de la sphère du marché. Tout semble pouvoir être acheté, monnayé : le temps, l'amour, la parenté etc...Michel J.Sandel montre bien qu'il s'agit d'une corruption dangereuse. La société humaine ne repose pas en effet sur de simples rapports marchands. Il y a aussi tout le jeu des relations symboliques qui fonde notre affectivité. C'est la logique du don et du contre-don et cela, justement, ne relève pas de l'échange monétaire. Un livre très pertinent.


Tableaux de Claire TABOURET (née en 1981), jeune peintre française. Elle expose en ce moment sa série "Les débutantes" à la Galerie Bugada & Cargnel (75019), jusqu'au 7 février. Je trouve ça très fort et impressionnant. Ça ouvre plein d'interrogations: "Ce qui fascine dans le groupe, c'est la question du destin. Qu'est-ce qui fait que certaines personnes sortent de leur place ?".

dimanche 18 janvier 2015

De la servitude volontaire


Le bonheur, on pourrait aussi le trouver dans la servitude.

Ça peut paraître scandaleux de dire ça mais c'est ce qu'on constate tous les jours.


Ça ne concerne pas seulement les masochistes. Combien de filles, par exemple, acceptent de se faire humilier par des types qui les dominent , les étouffent, leur interdisent de vivre ? mais ces sinistres abrutis "assurent", comme on dit: ils déchargent leur moitié de toutes les petites bêtises de la vie quotidienne. Beaucoup de filles, en fait, sont disposées à échanger, sans hésitation, leur liberté propre contre la tyrannie d'un mâle dominant qui leur assurera sécurité matérielle.



Ça se retrouve, à l'échelle politique, dans les pays totalitaires. Par exemple, ça me fiche en rage d'entendre tous ces Russes, rangés comme des crétins derrière Poutine, exprimer, aujourd'hui, leur nostalgie de l'ancien régime. Tout le monde sait bien, pourtant, que l'U.R.S.S. était un sinistre cloaque, sordide et déglingué. Mais c'est vrai qu'on était tous logés à la même enseigne, la même effroyable médiocrité, et qu'on y avait d'étranges libertés, celle en particulier de n'être soumis à aucune contrainte professionnelle et de pouvoir passer ses journées à divaguer en se saoulant avec ses copains. De plus, si on était minables, ce n'était pas notre faute mais celle du grand Autre, du Parti.























La dictature, sociale, sentimentale, ça convient donc très bien à celui qui ne nourrit pas de grandes ambitions et souhaite surtout avoir la paix. Eventuellement même, un minable s'y verra offrir davantage de possibilités de promotion.C'est terrible de reconnaître ça mais la vie n'est pas complètement sinistre dans une dictature: elle peut même être agréable, pleine de petites joies.

 L'ordre, la sécurité, l'irresponsabilité, ça devient, aujourd'hui, une revendication profonde, dût-on y aliéner sa liberté.


Il faut bien le reconnaître: l'aspiration démocratique est en recul. La démocratie, c'est d'ailleurs quelque chose de très récent, ça n'a pas plus de deux siècles. Ça a déclenché une déstabilisation permanente, une remise en cause continuelle, bref l'entrée dans l'Histoire. La démocratie, c'est l'incertitude, le conflit, l'inachèvement, toujours liée à ce qui la menace.C'est pour ça que beaucoup n'aiment pas la démocratie. Et pourtant, nous nous déclarons tous démocrates. Mais ils sont de plus en  plus nombreux, aujourd'hui, ceux qui voudraient que l'Histoire s'arrête, que ce que l'on vive aujourd'hui ne soit que la répétition de ce qu'a vécu la génération précédente.

Peut-être sommes-nous, comme l'a analysé Emmanuel Carrère dans un récent article du "Monde", dans une période de basculement de la culture européenne, période comparable à l'émergence du christianisme dans le monde romain.C'est ici qu'intervient la question de l'Islam et de l'étrange fascination qu'il exerce aujourd'hui. Je ne prétends pas être une spécialiste de l'Islam mais j'ai tout de même vécu, un certain temps, en Iran, et je suis l'une des rares Françaises à y passer, occasionnellement, des vacances.



Soyons clairs: l'Iran, c'est un pays politiquement abominable. La Terreur de la Terreur ! Pourtant, ça n'est pas du tout ça pour moi; je suis follement émue quand je reviens dans le pays et j'y retrouve, surtout, une foule d'amis/amies éternels. Tout est hyper-cool là-bas, tout trouve une solution, j'y fais la fête sans cesse, tout m'émerveille mais c'est, aussi, une terrible énigme: comment puis-je me sentir heureuse et parfaitement à l'aise dans un pays fasciste, terroriste, au point que ça ne me poserait aucun problème de revenir y vivre ? Je suis malgré tout complice d'un pays criminel.

Je suis aussi allée au Qatar récemment (en 2012): j'ai haï mais aussi aimé. La Turquie, c'est pareil: jeune étudiante, j'y suis allée maintes fois, en solo, dans les endroits les plus improbables. Là aussi, j'ai adoré et détesté.


Cette complaisance personnelle vis-à-vis de dictatures, ça  m'effraie et m'interroge de même que je suis étonnée par tous ces Français qui, malgré leurs opinions de gauche (BHL, Strauss-Kahn), adorent le Maroc.

C'est un fait: il est relativement agréable de vivre dans un pays musulman. Il y existe une convivialité inconnue en Europe, on y est formidablement accueillis.C'est vrai ce que proclament les Maghrébins français: l'Islam, c'est la paix, l'amour! Et, d'ailleurs, les terroristes actuels ne sont pas du tout des révolutionnaires: il ne s'agit que de restaurer l'ordre archaïque.


Et puis, avec l'Islam, on n'a pas à se prendre la tête! Sa simplicité est même revendiquée. L'Islam, c'est d'une évidence absolue. Tout y est clair, précis, c'est du concret de chez concret. La question essentielle est celle du pur et de l'impur et ça a une signification très matérielle. Mais dans l'Islam, on trouve réponse à tout, c'est un ensemble de règles codifiées de la vie quotidienne. Même pour faire pipi, caca, faire l'amour ou quand on a ses règles, on trouve plein de conseils. Comme ça, on sait bien si on est ou non un bon musulman tandis qu'un chrétien, il est dans l'interrogation perpétuelle, il ne sait jamais s'il a été un salopard ou un saint.

L'Islam n'a pas pour projet de transformer l'homme et le monde mais de consolider l'ordre établi. Et être un bon musulman, c'est accepter de se conformer à cet ordre. Ce qui fait carburer les purs, c'est bien le plaisir de la soumission.


Et puis on y est débarrassés de toutes les angoisses de la sexualité: les femmes sont des femmes, les mecs, des mecs et chacun sait ce qu'il a à faire. Ça a même des aspects positifs: être laids, affreux, sans emploi, n'est pas un handicap absolu.

Alors oui! l'Europe va peut-être avoir prochainement envie de sortir de l'Histoire. C'est d'ailleurs déjà largement amorcé, pas sous la forme de l'Islam comme le prophétise Michel Houellebecq, mais sous une nouvelle terreur: celle du consensus mou, de l'empire du Bien.



Images de Ruth Bernard, Bill Steele, Pasetti, Jay Briggs.
Photo prise au Koweit

Sur l'Islam, je recommande absolument un livre: "Principes politiques, philosophiques, sociaux et religieux de de l'Ayatollah Khomeiny". Un livre incroyable! Il a été édité, en 1979, aux éditions libres Hallier; il aurait été négligé au moment de sa publication, à l'époque où Khomeiny passait pour un révolutionnaire, et il est devenu, aujourd'hui, introuvable. Qui aura l'audace de le rééditer aujourd'hui? Il permet de comprendre, pourtant, comment l'Islam régit tout, a son mot à dire sur tout, du lever au coucher, dans le moindre détail, jusqu'à la plus stricte intimité.

Il faut aussi relire les deux derniers chapitres de "Tristes tropiques". Claude Levi-Strauss y parle de l'Islam avec une acuité incroyable. Il y écrit notamment (c'était en 1955) que la France est "en train de devenir musulmane".

Ce post est bien sûr rédigé dans le prolongement des événements français et de la publication du dernier livre de Michel Houellebecq dont je souscris, pour l'essentiel, aux analyses.

dimanche 11 janvier 2015

Le Royaume de Naples


Il y a quelques jours, j'étais en Italie, à Naples précisément. C'est vrai que ça ne fait pas partie de mes lieux habituels d'errance mais l'Italie, c'est agréable en dehors de la saison touristique.


Je suis évidemment un peu larguée là-bas: je ne connais même pas trois mots d'italien, c'est la honte! Mais c'est vrai, aussi, qu'en Italie j'ai beaucoup de succès; j'y suis presque une star!  Diaphane, grande, maigre, c'est sûr qu'on m'y remarque davantage qu'à Moscou ou à Berlin. Et puis, en Italie, on aime bien le spectacle: tout le monde, homme, femme, est bien habillé et aime s'exhiber.


Toute ignorante que je sois, il y a quelque chose que j'aime bien chez les Italiens: c'est leur rapport décomplexé à l'autorité. La "soumission", on ne connaît pas trop, c'est incongru.


La société disciplinaire, de contrôle des uns par les autres, on n'aime pas trop. C'est sûr qu'on n'est pas en Allemagne ou en Suisse. L'Italie, c'est sûrement moins efficace, moins organisé mais personne ne va vous embêter, faire de remontrances parce que vous traversez la rue en dehors des clous, roulez ou stationnez n'importe où, faites sécher votre linge sur votre balcon. Les policiers, les fonctionnaires sont affables, bon enfant. Le monde de Fellini, tout de fantaisie débridée, n'a pas encore complètement disparu.


D'une manière générale, il n'y aucune brutalité des rapports humains. Chacun compatit aux difficultés de l'autre et lui pardonne, bien volontiers, ses horribles défauts. 


On a le droit d'être paresseux, fantasque, désorganisé. On a même le droit d'être quelqu'un de pas complètement irréprochable, d'être, bref, un citoyen complètement ordinaire mais libre. Ça change des discours vertueux dont on nous submerge aujourd'hui.



C'est comme ça qu'on a, en Italie, un sentiment d'allégresse et de liberté. La légèreté de la grâce et du non-conformisme.









Photos de Carmilla Le Golem à Naples. Bizarrement, je n'ai quasiment pas fait de photos durant mon séjour; par manque de temps mais aussi d'inspiration. Rien de plus difficile que de photographier des endroits sublimes. Alors je ne vous livre que les quelques trucs que j'ai pu tirer.

Si l'on va à Naples et plus précisément à Pompéi, ça peut être l'occasion de lire, relire, la "Gradiva" de Jensen (1837-1911) , un livre onirique merveilleux que l'on trouve facilement: il est inclus dans le bouquin de Sigmund Freud: "Délires et rêves dans la Gradiva de Jensen". Si vous aimez mon blog, lisez "Gradiva".

Il faut aussi mentionner que Richard Wagner et Friedrich Nietzsche ont séjourné et se sont longuement rencontrés à Sorrente. C'était en 1876. Nietzsche, Paul Rée et Malwida von Meysenburg étaient hébergés à la villa Rubinacci  (aujourd'hui l'hôtel Eden), tandis que Richard et Cosima Wagner résidaient à l'Hôtel Vittoria (toujours existant). A visiter sans doute mais je n'ai pas eu le temps de le faire. 

En littérature italienne, je ne suis vraiment pas forte, mais j'ai bien aimé, il y a quelque temps : "Persécution" d'Alessandro Pipperno et "Tous les salauds ne sont pas de Vienne" d'Andrea Molesini.

dimanche 4 janvier 2015

Michka mon amour


Les fêtes sont terminées, c'est triste! On a tous vécu, pendant 15 jours, dans une ambiance un peu magique, sans amertume ni angoisse, débarrassée de l'idée de la mort. 


Chez l'adulte, ce moment des fêtes ravive la nostalgie de l'enfance, de cette période où on pouvait se croire tout puissants, de petits dieux, parce qu'on nous couvrait de cadeaux.



En matière de cadeaux,  plutôt que des poupées, je préférais des animaux et, surtout, des ours. Des "michous", j'en ai, comme ça, reçu des quantités et j'en ai même conservé quelques-uns chez moi. 



Il paraît d'ailleurs, à une époque où on sombre dans le ridicule avec la théorie du genre et où on s'interroge sur les cadeaux "non discriminants", que les ours en peluche sont également appréciés par les petites filles et les petits garçons. Donc, si vous êtes adeptes de Judith Butler, n'hésitez pas: offrez des ours à vos enfants. Ça ne  leur imposera pas un modèle trop prégnant et ils demeureront libres, ensuite, de choisir.

L'ours, ça ouvre, d'abord, un accès à la totalité du monde. 



Il y a en effet une différence essentielle: 

- le monde des adultes est un monde cloisonné, fermé; c'est un monde vertical, au sein duquel l'homme ne connaît que lui-même: il domine la nature sans communiquer avec elle. 

- le monde enfantin est, au contraire, un univers enchanté, sans aucune hiérarchie entre les êtres et les choses. Un monde complètement horizontal où les animaux, les arbres, les fleurs, les objets parlent aux hommes.


Le monde de l'enfance, c'est le monde de la bande dessinée. Tintin, Astérix, Spirou, Gaston Lagaffe, Chlorophylle, P'tit Luc etc..., c'est d'abord un univers où rien n'est inerte, où tout est vivant, parle, s'exprime: Milou, Idéfix, Marsupilami, Spip ... des chiens, des chats, des souris, des sangliers, mais aussi des voitures, des arbres, des machines folles, improbables, qui se révoltent, critiquent, fichent la pagaille. 

Tout entre en résonance, personne n'est maître du monde, tout le monde échange sur un pied d'égalité. La séparation des êtres, des choses, des animaux, ça viendra plus tard avec l'âge adulte et c'est évidemment une perte irrémédiable.


Ce monde enchanté de l'enfance, c'est le monde merveilleux de Spinoza. J'ai essayé de le lire et je n'y ai à peu près rien compris sauf ça: il y a une profonde unité du monde. L'homme, la pierre, l'animal obéissent à des déterminismes communs. 


Et puis avoir un ours, c'est déjà appréhender l'essentielle duplicité du vivant. Les enfants le savent bien: le nounours débonnaire peut se métamorphoser, subitement, en un tueur indifférent. C'est la même chose avec le chat ou le chien de la maison.On s'interroge alors sur leur froide cruauté: sont-ils coupables, innocents ? Et qu'en est-il de nos proches et de nous mêmes ? 
Ne sommes-nous pas capables des mêmes atrocités en toute indifférence ?


Sur la fascination exercée par l'ours, je renvoie au film étonnant (2005) de Werner Herzog: "Grizzly man".

Tableau introductif d'Ivan Shishkin (1832-1898). Probablement le tableau le plus célèbre dans toute la Russie. Un véritable symbole. Il n'y a sûrement pas un Russe qui ne le connaisse pas.

Images extraites du livre (1941) de Marie Colmont illustré par Rojankovsky: "Michka". J'ai toujours trouvé cette histoire terrible, affreuse mais j'adorais les images.