samedi 26 avril 2014

Géographie intime



Vous êtes de plus en plus nombreux à m'écrire. Ca me fait grand plaisir et je vous en remercie.

Certains souhaiteraient absolument me rencontrer.

Ah ! Ah ! une vampire, ça ne vous effraie donc pas plus que ça.

Mais c'est facile, en fait, de me trouver. Il suffit de fréquenter les lieux que je hante. Je reviens régulièrement dans les endroits que j'aime. Je suis presque routinière, la répétition ne me gêne pas, elle me stimule même. On porte tous en soi, je crois, des villes, des paysages qui nous émeuvent, nous bouleversent où on se retrouve pleinement. Ils nous façonnent et nous reflètent à la fois.

Voici donc le petit guide mondial de Carmilla, une sélection de mes favoris touristiques, les lieux qui me font vibrer. Si vous ne me croisez pas là-bas, vous pourrez du moins penser à moi. Attention toutefois : si vous entreprenez un voyage en suivant exclusivement mes itinéraires, ça risque d'être bizarre : je n'évoque que des endroits généralement peu connus.


France :


* Paris : le Parc Monceau, l'église orthodoxe de la rue Daru, le musée de la vie romantique, le musée Gustave Moreau, la gare du Nord. Plus frivole : la Fnac des Ternes, le café de la Paix, la brasserie de la Place des Ternes, le restaurant "le Kifuné" (rue Saint Ferdinand 75017), le café Pouchkine au rez de chaussée du Printemps, le marché des Ternes et notamment la poissonnerie "Daguerre" dont je suis probablement l'une des meilleures clientes.

* La Picardie : la ville de Laon, les villages de Parfondeval et de Gerberoy, la baie de Somme et Saint-Riquier, la cathédrale d'Amiens (son labyrinthe et la relique de Saint Jean Baptiste).

* La Normandie : les villages de Ry (Madame Bovary), Lyons-la-Forêt, Beuvron-en Auge, Varengeville-sur-Mer (la tombe de Georges Braque dans un cimetière marin).

* Grenoble : le monastère de la Grande Chartreuse, le musée et le parc Hébert.

Pologne :

* Cracovie : le café Jama Michalika au décor Art Nouveau fantastique et le restaurant Ariel sur la place centrale du quartier juif de Kazimierz.

* Sopot : sa jetée en bois, le Grand Hotel  chef d'oeuvre Art Déco.

* les villes de Kazimierz Dolny et Zamosc



Ukraine :



* Lviv : l'église et monastère des Bernardins, la cathédrale arménienne, le Grand Hotel et le Swiss Hotel, le cimetière Lytchakivsky.

* Zalishchyky : la boucle du Dniestr

* Kamenets-Podolsky : le Carcassonne ukrainien

* Odessa : la statue du duc de Richelieu au sommet de l'escalier Potemkime, le café Gogol-Mogol, les restaurants Datcha et Kompot.

* Berdichev et la maison de Balzac à Wierzchownia

* Yalta : la maison de Tchekhov, les maisons en bois, la promenade, le palais de Livadia.

* Bakhtchissaray

* Kiev : la cathédrale Saint Vladimir avec les extraordinaires peintures de Kotarbinski


Lituanie :


* Vilnius : le restaurant "Lokis" (l'ours) en évocation de la nouvelle de Mérimée

* Kaunas : le musée Ciurlionis

* Klaipéda : la fontaine "Ännchen von Tharau"

* La presqu'île de Nida, Neringa et la maison de Thomas Mann


Lettonie :


* Riga : la capitale de l'Art Nouveau et les maisons d'Eisenstein, le père du cinéaste

* la plage de Jurmala

* les châteaux des barons baltes



République tchèque :


* la ville de Telc, ses frontons gothiques, baroques, renaissance.

* le château de Cervena Lhota : un château tout rouge

* la salle des masques du château de Cesky Krumlov

* Jihlava : la ville de Mahler


Slovaquie :


* Levoca : une merveilleuse ville médiévale. Le plus haut retable du monde, la cage de la honte, l'hôtel de ville. Une de mes villes préférées en Europe.

* Le Château de Spissky Hrad. Le château vampirique par excellence

* Bardejov et ses églises en bois un peu au Nord.

* Trencin et le château de la comtesse Bathory à  Cachtice (prononcer tchakhtitsé)


Slovénie :


* Ljubljana : le pont des dragons


Russie :


* Moscou : les rives arborées de l'étang du Patriarche (là où débute"le maître et Marguerite" de Boulgakov); la maison de Gorki; le magasin Elisseïev; le Monastère et le cimetière de Novodievitchi; le restaurant U Pirosmani; le vieux cimetière Donskoï;

* Saint-Pétersbourg : l'appartement-musée de Dostoïevsky; le magasin Eliseev; le Grand Hôtel Europe; le musée russe; le cimetière Tikhvine; le débarcadère aux sphinx; le pont aux lions et le pont de la Banque; le café littéraire;

* La Carélie, le lac Oniego, l'ile de Kiji, les îles Solovki


Je mentionne quand même la Russie mais c'est sûr que je ne reviendrai pas avant longtemps dans ce pays qui sombre dans le totalitarisme. Je risquerais d'y commettre un crime.


Bulgarie :


* Sofia : le village de Boyana avec un panorama immense sur la capitale

* Koprivchtitsa



Serbie :


* Belgrade : la grande terrasse de l'Hôtel Art Nouveau Moskva



Roumanie :


* La merveilleuse campagne roumaine

* Sighisoara

* Le monastère de Snagov



Hongrie :


* Budapest : le Danube contemplé, la nuit, depuis le Bastion des Pêcheurs

* le village de Holloko


Allemagne :


* Allemagne du Nord : Lübeck, Lünebourg et sa lande, Celle, Ratzeburg, Wismar, Goslar, l'ïle de Rügen (qui a inspiré le peintre Friedrich), Weimar, Naumburg, Meissen

* Bavière : Rothenburg, Bamberg (ville de Hoffmann et Hegel), Regensburg.



Autriche :


* Vienne : la Majolika Haus et les immeubles d'Otto Wagner décorés par Koloman Moser dans la LinkeWienzeile, le pavillon de la Sécession, l'appartement de Freud, rue Berggasse; le café Prückel, le Jelinek et le Hawelka.

* Dürnstein


Italie :


* Le lac d'Orta San Giulio et le Monte Sacro, là ou Nietzsche et Lou Andréas Salomé auraient séjourné


Suisse : 


* Genève : la statue de Sissi au bord du lac

* La Rossinière : le chalet gigantesque du peintre Balthus

* Sils Maria en Engadine, autre célèbre lieu de résidence de Nietzsche. En Suisse, j'adore le canton des Grisons ( Silva Plana, Santa Maria, Saint Moritz).


Suède :


* Falun : la maison du peintre Larsson, une merveille écolo-bucolique.



Etats-Unis :



* New-York : la terrasse du Rainbow Room, au sommet du RCA Building, dans un salon Art Déco avec un vertigineux panorama jusqu'à l'Océan; ou bien au Pen Top Bar de l'Hôtel Peninsula où l'on surplombe la cinquième avenue dans toute sa longueur.


Corée :


* Gyeongju : la capitale de l'ancien royaume de Silla (au début de notre ère), un musée à ciel ouvert.

* la cuisine coréenne que j'adore, à découvrir absolument.



Japon :


* Tokyo : les blocs de lumière des immeubles d'Omotesando, Harajuku et Shibuya la nuit, hymnes à la jeunesse et la modernité, Shinjuku monstrueux et fascinant, la Mori Tower, le parc Ueno, le marché de poissons de Tsukiji. Les sushis du Kyubei (Hôtel Okura) ou du Kanesaka à Ginza. Le restaurant Tsubaki sur Koto Dori.

* Kyoto : le chemin de la philosophie, le sanctuaire Fushimi dédié à Inari et ses renards avec des alignements de torii vertigineux.

* Kanazawa : le Japon préservé du 19 ème siècle avec des rues toujours bordées par les maisons originales des geishas.



Turquie :



* la Turquie de l'Est et particulièrement : Erzurum, Trabzon, Artvin, Ani, Kars, Dogubayazit et Van. Des paysages grandioses principalement dans l'ancienne Arménie non loin du Mont Ararat.



Iran :


* Téhéran : le palais Sad Abad, ancienne résidence du Shah, dans un parc merveilleux dominant la ville; la route de montagne vers Chalus, vers la Caspienne.

* Kashan et le parc Bagh-e Fin

* le village d'Abyaneh qui ressuscite le monde sassanide

* Yezd : peut-être ma ville préférée en Iran; le temple zoroastrien et les tours des morts au sommet des quelles les cadavres étaient offerts aux vautours.

* Chak Chak : un célèbre temple zoroastrien au nord de Yezd.

* Naïn : c'est dans ce village que sont réalisés les plus beaux (à mes yeux) des tapis persans. Fascinant pour moi.

* Mahan (à l'est de Kerman) : un jardin extraordinaire, avec des fontaines à plusieurs niveaux, entourant le palais d'un ancien prince Qadjar.


Tableaux du grand peintre (et musicien) lituanien Konstantin Ciurlionis

samedi 19 avril 2014

De la souffrance


Ca étonnera peut-être mais, sous une façade impassible, je suis, souvent, d'une tristesse à crever.

Sombre, pessimiste, anxieuse, je ne suis vraiment pas rigolote tous les jours. Parfois, la mélancolie m'emporte.



Mais ce ne sont aussi que des phases, des moments de ma vie. Je ne suis pas une dépressive chronique, il n'y a, chez moi, aucune complaisance dans la souffrance et le malheur. J'en sors aussi vite que j'y suis rentrée. Et puis, je sais pourquoi je suis malheureuse : un chagrin sentimental, une humiliation, la violence des rapports humains, la maladie et la mort de proches, l'angoisse du travail.


Simplement, je ne refoule pas la souffrance et le chagrin qui s'abattent sur moi. Je refuse de jouer la comédie du "ça va" à tout prix, du "il n'y a pas de problème". Le malheur, la tristesse ça fait partie de ma vie comme de toute vie humaine.


Faire une place à la souffrance dans sa propre vie, je trouve ça très important. Mais ça devient très difficile aujourd'hui. Il est devenu presque interdit d'être malheureux et de souffrir. C'est presque une maladie à une époque où on est tous censés être beaux, dynamiques et pleins de vie.  C'est une scorie à éradiquer dans un monde où la souffrance n'a plus de place, plus de fonction rédemptrice. Souffrir est devenu inutile, honteux, dépourvu de signification, dans une société où on ne glorifie plus que le plaisir.


Pourtant, à refuser la souffrance, à l'évacuer à tout prix, à vouloir être sans cesse joyeux, serein, on se prive sans doute de plein de choses et d'abord d'une connaissance des autres et de soi-même. Je pense d'ailleurs que si on est si souvent dépressifs, c'est parce qu'on refuse d'admettre en nous-mêmes cette part maudite, cette souffrance qui nous assaille si souvent. C'est à force de se dire qu'on va bien qu'on tombe finalement malades.


On apprend plein de choses, en effet, en souffrant. Je n'irai pas jusqu'à citer en exemple Fritz Zorn qui, au moment où il apprend qu'il a un cancer, déclare : "Pour moi, c'est une bonne chose, je commence à vivre".


Mais il faut quand même bien reconnaître que, dans le chagrin et la souffrance, la vie retrouve une certaine coloration, une nouvelle intensité. On échappe tout à coup, à la banalité, l'ennui, du quotidien. On se découvre tout à coup un destin et on déploie alors des ressources nouvelles, insoupçonnées. La souffrance n'enseigne rien par elle-même, sinon qu'on peut la vaincre.

On peut même prendre plaisir à souffrir. Ca, c'est très russe et le sommet, c'est Dostoïevsky qui décrit l'âcre saveur de la vie dans son bagne de Sibérie, jusqu'au point d'affirmer qu'il a été heureux là-bas.


Ou bien, cette phrase stupéfiante d'Imre Kertesz à la fin d'"Etre sans destin" : Là-bas aussi, parmi les cheminées, dans les intervalles de la souffrance, il y avait quelque chose qui ressemblait au bonheur. Oui, c'est de cela, du bonheur des camps de concentration que je devrais parler la prochaine fois, quand on me posera des questions".


Surtout la souffrance est créatrice. Elle ouvre de nouvelles perspectives, elle permet de se réinventer, de trouver de nouvelles voies. Après l'épreuve de la souffrance, le rapport au temps est bouleversé : chaque instant devient unique et il y a exigence à le goûter pleinement. Il ne se répétera pas.



Illustrations de Charles Mengin (Sapho), Fernand Khnopff, Puvis de Chavanne, Jean Delville, Alphonse Osbert.

Ce texte m'a été inspiré par Chantal Thomas, romancière et philosophe

samedi 12 avril 2014

Women


Etre une femme, ça recouvre des réalités bien différentes selon les pays.

De toute manière, c'est toujours un monde contraint par rapport auquel il faut dégager des marges de liberté et d'initiative.


Et ça n'est peut-être pas dans les pays qui se croient les plus éclairés, les plus à la pointe du progrès démocratique, que les femmes sont les plus libres.



Par exemple, si je me base sur mon expérience propre, j'ai tendance à penser que ça doit être franchement sinistre d'être une femme en Allemagne, ou dans les pays anglo-saxons et scandinaves. Non seulement on y est transparente mais il faut être moche et habillée comme un sac parce que la séduction y est interdite. En plus, en Allemagne, il y a une forte séparation des sexes.


A contrario, un pays comme l'Iran est moins abominable qu'on ne l'imagine.

En France, c'est complexe. La proximité et l'égalité entre les sexes sont assez fortes et la séduction n'est pas encore complètement interdite. Dans le privé, il y a évidemment une culture érotique et sexuelle incomparable.



Mais il faut bien le reconnaître, l'espace public, en France, pour une femme, ce n'est pas facile. Je lisais récemment dans la presse qu'un collectif s'était créé pour que les femmes se réapproprient les cafés. Voilà un combat d'ambition modeste mais très juste. C'est vrai, sauf si on est une mocheté pas possible, que c'est difficile d'aller seule dans un café, un restaurant, on se fait tout de suite embêter, harceler. C'est compliqué, voire impossible, d'être seule, de flâner dans les rues, rêver tranquillement, mieux vaut avoir un chaperon. Ca en dit long sur la frustration ambiante. Quant à la tenue vestimentaire, il est préférable de la jouer discrète. Quand des copines arrivent d'Ukraine pour visiter Paris, je leur donne les conseils suivants : mets un pantalon, des chaussures plates et n'adresse jamais la parole à un homme dans la rue.


De ce point de vue, les pays slaves, c'est presque l'inverse de la France. Dans l'espace public, les femmes jouissent d'une grande considération, avec des marques de respect et politesse depuis longtemps révolues à l'Ouest. Que ce soient des pays de culture matriarcale, ça se vérifie tous les jours.


Ca présente de nombreux avantages. C'est peinard : on est totalement libres de se déplacer et d'aller là où l'on souhaite, la rue, les cafés, les restaurants. En plus, on peut s'habiller comme on veut, même dans les tenues les plus provocantes, personne ne vous sifflera, ne vous dira rien, la sécurité est très grande. On peut parler à qui on veut comme on veut. A la différence de la France, les cafés et restaurants sont pleins de jeunes femmes, seules ou en groupes. Quant aux avenues, boulevards et mails, ce sont des lieux privilégiés d'exhibition féminine et les terrasses des cafés sont justement conçues pour que les consommateurs puissent admirer les jolies passantes.


En revanche, il faut bien le reconnaître, la séparation des sexes demeure très forte; c'est surtout le cas en Ukraine et en Russie, beaucoup moins en Pologne. Les hommes, on n'en a pas une très haute idée et on vit beaucoup entre filles. A cet égard, les Ukrainiennes sont comme des Japonaises: on sort ensemble, presque en bande, et on fait la fête ensemble, dans les cafés, les restaurants. C'est un peu bizarre, ça m'agace un peu mais c'est aussi agréable: en France, j'ai l'impression que les femmes se détestent toutes et se jalousent affreusement. En Ukraine et dans les pays slaves, je crois qu'on s'adore toutes : on se dit tout, on se raconte tout, surtout nos histoires amoureuses, c'est comme ça qu'on fait notre éducation sexuelle. C'est d'ailleurs la seule possibilité parce qu'il n'y a pas vraiment de littérature érotique et amoureuse.Il y a comme ça, entre nous, une espèce d'intimité, sensualité, troublante.

Peut-être qu'on est toutes un peu lesbiennes mais ça ne rentre pas non plus dans nos catégories mentales: on ne sait pas vraiment ce que c'est. Catégoriser les individus, les sexualités, c'est aussi un moyen d'endiguer la richesse émotionnelle et sexuelle. Parler sans cesse, comme on le fait à l'Ouest, même positivement,des homosexuels et lesbiennes, c'est aussi un discours normalisateur et finalement répressif.


Après le vert, une fantaisie en rouge ! Avec notamment des images de Jan Sluijters, Rafael de Penagos, Louis Icart, René Gruau, Mary Swansy, Rick Eastman, Edward Sheriff Curtis

samedi 5 avril 2014

Infidèle


Je vais pas mal au cinéma, disons deux ou trois fois par semaine. Le cinéma, pour moi, c'est comme la littérature : plus qu'une distraction, ça m'aide et m'apprend à vivre.

Mais ces dernières semaines, j'ai vu toute une série de nunucheries françaises, pourtant encensées par la critique, qui m'ont énervée : "Lulu, femme nue" de Solveig Anspach, "Week-ends" de Anne Villaceque, "Arrête ou je continue" de Sophie Fillières, "Le sens de l'humour" de Maryline Canto. Des films tous centrés sur les difficultés du couple, avec tous ses soubresauts. Tout ça, ça m'est, bien sûr, passé à des kilomètres au-dessus du chignon. Qu'est-ce que je peux en avoir à fiche, moi Carmilla la Vampire, des tiraillements de la cellule familiale, surtout dans un contexte culturel excessivement français que je ne maîtrise pas bien ?


C'est curieux ! A une époque où on proclame la libération du désir, où on se croit de plus en plus affranchis, on enferme de plus en plus la passion et la sexualité dans le carcan du couple. "La vie d'Adèle", c'est même l'achèvement de ce modèle. Il s'agirait, à travers le couple, d'oeuvrer à la réconciliation générale, de pacifier tous les conflits, bref d'évacuer tout ce qui fait problème dans le désir. Le couple, ça viserait à la confusion, superposition, de deux identités unifiées par les bons sentiments et le fantasme d'une transparence possible entre les sexes.



C'est du moins l'idéologie actuelle, notamment française, finalement très vertueuse. Mais on sait bien que ça ne marche pas du tout comme ça. Je trouve, par exemple, détestable cette idée qu'on devrait se ressembler le plus possible, tout partager, être les plus proches possible. Les couples fusionnels, je trouve ça d'une terrifiante bêtise.Vu sous cet angle, l'autre est un appauvrissement, un dépérissement.



En fait, dans la fiction de l'amour, on ne cesse de mentir : à soi-même et à l'autre, en essayant de faire croire à une impossible coïncidence. En réalité, on est, chacun, emportés, écartelés, par sa propre pluralité.


Et c'est bien ça aussi. Dès qu'on rencontre quelqu'un, passés les premiers émois, on n'a de cesse de le fuir, de lui échapper. Tout plutôt que la terreur d'un monde dégoulinant de bonté, d'un monde pétrifié où un chat est un chat.


On est fondamentalement infidèles. On pratique la dissimulation permanente. On n'arrête pas de tromper l'autre, de s'évader sans cesse mentalement. On rêve continuellement d'autre chose, d'un autre monde, d'ailleurs. Et dans ce mouvement qui nous emporte, on est d'un cynisme absolu. Il faut même le reconnaitre : il y a un sombre plaisir à tromper l'autre. La vie trouve une nouvelle saveur et intensité, on se met à vibrer, il faut faire sans cesse preuve de maitrise et d'intelligence. Ne jamais se trahir, demeurer absolument crédible, il faut à chaque instant se réinventer.


Moi, je ne m'en cache pas! Je suis une vampire et mon plaisir, c'est de multiplier les amants/amantes. Je suis dévorante. C'est comme pour les bouquins, j'ai toujours peur de rater le type, la fille qui m'apprendra quelque chose de plus. Pour moi, la vie, c'est une recherche, un mouvement perpétuels. J'ai envie de connaître le plus de trucs possible. Tant pis si je me fais souvent humilier, cracher dessus !


Mais c'est vrai aussi que je me dépêche de jeter tous ceux que j'ai rencontrés. Plus infidèle que moi, il n'y a pas. Je suis affreuse, impitoyable, je fais, sans doute, abominablement souffrir mais c'est la condition de ma survie propre. Ca ne se passe d'ailleurs pas toujours bien parce que les types qui croient me dominer deviennent souvent furieux quand ils découvrent que c'est moi qui les manipule. Bref, je vis, plus ou moins, dans une culpabilité permanente. C'est difficile d'avoir un coeur complètement mort.


Enfin, bref, de mes errances, de mes hésitations, de mes troubles, j'ai trouvé, récemment, des illustrations dans les films suivants : "La Vénus à la fourrure de Roman Polanski; "Nymph()maniac" de Lars Von Trier, "La crème de la crème" de Kim Chapiron, "Dark touch" de Marina de Van, "Only lovers left alive" de Kim  Jarmusch, "L'étrange couleur des larmes de ton corps" d'Hélène Cattet



Un choix d'oeuvres en vert, inspiré par Lotusgreen. On reconnaîtra notamment des tableaux de Maurice Denis, Koloman Moser, Vaszary Janos, Edmund Edel