dimanche 21 avril 2013

Outre-Rhin



Au Louvre, en ce moment, il y a une intéressante exposition : « De l’Allemagne : 1800-1939 – De Friedrich à Beckmann ».


Les médias français ne s’en sont pas fait l’écho mais ça a déclenché une polémique en Allemagne. La presse allemande a jugé l’exposition caricaturale et partiale/partielle, reproduisant surtout ce cliché d’une pensée allemande écartelée entre la belle forme classique et les sombres tourments de l’Apocalypse : l’art allemand aurait toujours été programmé pour la catastrophe et la guerre. L’exposition du Louvre s’attacherait à l’obsession totalitaire mais oublierait des mouvements artistiques aussi essentiels que le Blaue Reiter, le Bauhaus, Die Brücke (Kirchner, Nolde).


C’est sûr que ces réactions indignées s’inscrivent dans le contexte d’un désamour initié par notre cher Président qui a déclaré préférer les pays du Club Méd à l’Allemagne.


Mais c’est vrai aussi que les Français ignorent à peu près tout de l’Allemagne. Connaissez-vous par exemple un Français à qui il viendrait à l‘idée de passer des vacances en Allemagne ?


Moi, je connais bien. J’ai séjourné et suis allée à peu près partout. Il y a beaucoup de choses qui me déplaisent chez les Allemands : leur caractère intrusif, leur avarice presque sordide, leur délire écologiste, la relation sinistre entre les hommes et les femmes. Et puis, j’avoue que, moi, je n’efface pas le passé…Mais c’est sans doute lié à mes origines.


Mais je dois dire aussi que je trouve la vie très agréable en Allemagne. D’abord, c’est beau. Il y a plein de petites villes, souvent méconnues, qui font puissamment rêver. Voilà mes préférées : Lübeck, Wismar, Celle, Lüneburg, Weimar, Goslar, Rothenburg, Meissen, Bamberg, Regensburg, Ratzeburg. L’esprit romantique, celui de Hoffmann ou des frères Grimm, on peut encore le trouver dans toutes ces villes de contes de fées.


Et puis, il y a la qualité, le confort de vie. Quoi qu’on en dise, on vit mieux en Allemagne qu’en France. C’est le niveau de vie mais c‘est aussi l’organisation, la facilité de vie. Tout marche, tout fonctionne, l’Allemagne, c’est un peu le Japon de l’Europe. Et puis tout est bon marché, on se loge et on mange pour rien, c’est pour ça que tant d’artistes et d’intellectuels émigrent à Berlin.


Quant aux grandes villes, j’en aime bien l’ambiance jeune et festive. On se rend, le soir, dans n’importe quelle brasserie et on est sûre de passer une soirée un peu délirante. Il y a également un extraordinaire cosmopolitisme, mais sans affrontement ni haine.


Enfin, l’Allemagne, c’est la Kultur ! Plus qu’ailleurs, comprendre le pays, c’est d’abord passer par sa littérature, ses philosophes, ses peintres, son cinéma, ses musiciens. Même l’Allemand le plus humble est capable de parler de Kant ou de Nietzsche ; quant à Goethe, tout le monde le connaît par cœur. Et la culture allemande, c’est tout de même plus fascinant que l’anglo-saxonne à laquelle se réfèrent presque exclusivement les intellectuels français.


Français et Allemands ont cependant en commun un point essentiel : la pensée abstraite. C’est pour ça qu’ils sont finalement bien plus proches qu’on ne l’imagine. La culture de l’abstraction, c’est plus fort en Allemagne et en France que partout ailleurs. Je m’en rends particulièrement compte moi qui viens un peu d’ailleurs. C’est pour ça que ce sont non seulement des pays de mathématiciens, d’ingénieurs, de philosophes mais aussi d’architectes et de designers. Et c’est pour ça aussi qu’on pourrait finalement envisager, comme l’avait suggéré Michel Serres, une fusion de la France et de l’Allemagne.


Tableaux de Franz Von Stuck, peintre symboliste (1863-1928). Si vous ne savez pas à quoi occuper vos longs week-ends de mai, allez à Munich et visitez la maison de Franz Von Stuck. Il était non seulement peintre, mais aussi sculpteur et architecte. Il est à noter qu’il accordait une très grande importance à l’encadrement de ses tableaux. Il ne faut surtout pas dissocier l’un et l’autre.

Sur l’Allemagne, je recommanderai enfin deux bouquins : « Retour à Berlin » de Brigitte Sauzay et « Une vie de pintade à Berlin » d’Hélène Kohl. Dans ces deux livres, il y a notamment des réflexions intéressantes sur les relations entre les sexes en Allemagne.

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