dimanche 28 avril 2013

Le nouvel ordre sexuel


Ouf ! On n’entendra bientôt plus parler du mariage homosexuel.

C’est sûr que ceux qui manifestaient contre étaient bêtes à enfermer.


Mais c’est sûr aussi que les tenanciers de la vérité, les partisans du progrès, les fabricants de bonheur et de félicité étaient également stupides d’aveuglement.


Un progrès dans l’histoire de l’humanité ? Quelle rigolade ! Il n’y a jamais de rencontre, d’harmonie entre la sexualité et les institutions. Les institutions, elles n’ont de cesse d’encoder notre part d’ombre, de la normaliser, de la réguler.


D’ailleurs Frigide Barjot et Christiane Taubira sont d’accord sur un point essentiel : il n’y a rien de plus beau que la famille et puis le modèle de l’accomplissement humain, ça passe obligatoirement par le couple et la filiation. Tant pis pour ceux qui sont réfractaires à ce schéma : les célibataires, les solitaires, les séducteurs effrénés, les nomades du désir, les pornographes, les prostituées; on n’a cessé de nous vanter les mérites de la famille avec des trémolos dégoulinants. On y trouverait, paraît-il, équilibre, transparence, sincérité (?,?,?).


Avec ce déluge de bons sentiments, on comprend vite que le mariage pour tous, c’est le meilleur moyen de ringardiser l’homosexualité. Frigide Barjot n’a pas à s’inquiéter : être pédé, c’est déjà dépassé. Ne le cachons pas : si beaucoup d'héterosexuels sont favorables au mariage pour tous, c'est aussi parce que ça conforte leur image popote et bourgeoise de la vie.


Ne sont-ils pas en effet émouvants ces gentils couples pépères, empêtrés comme les autres dans des problèmes de logement, de boulot, d’éducation et d’héritage ? Et puis toutes ces belles cérémonies de mariage qui vont se multiplier, ça nous met la larme à l’œil surtout si c’est, comme l’évoque Christiane Taubira, sur la musique du temps des cerises. On s’effondre dans le kitsch et le ridicule. On est en pleine infantilisation et il n’est pas étonnant que l’on fétichise à ce point l’enfant dans une société où les adultes refusent d’être adultes (Witold Gombrowicz).


Fuyons vite ! D’autres évolutions, bien plus importantes, sont à prévoir. Frigide Barjot a quand même raison sur une évolution fondamentale. Il y a bien un bouleversement anthropologique et on assiste bien à une destructuration, une pulvérisation de nos identités.


Comme l’a démontré Gilles Deleuze, c’est consubstantiel à la société capitaliste pour la quelle il n’y a pas d’altérité radicale, de différence pure. La loi des équivalences, monétaire en particulier, absorbe tous les territoires inconnus et finalement tout se vaut, tout est indifférent. Dans peu de temps donc, on devrait passer à une nouvelle étape. L’homosexualité, c’est du classique et du déjà dépassé, ai-je dit. On reste dans le registre de la sexualité de « choix d’objet ».


On va maintenant passer à une sexualité de quête d’identité. J’ai remarqué que, dans les débats récents, on avait mis complètement sous le couvercle la question de la transsexualité. Pourtant, outre les terribles discriminations qu’ils subissent, ce sont bien les transsexuels qui ouvrent aujourd’hui les questions les plus vertigineuses et les plus actuelles.



Tableaux de Gerda Wegener (1886-1940). Une peintre et illustratrice danoise qui fut, paraît-il, très célèbre à Paris dans les années 20. Plus étonnant : son modèle principal était son mari travesti en femme. Celui-ci subit la première « réassignation » chirurgicale connue dans les années 30. Cette histoire hors du commun a donné lieu à un best-seller international : « The Danish Girl » de David Ebershoff. Ce livre vient de paraître en France, en poche (ed. Phébus).

dimanche 21 avril 2013

Outre-Rhin



Au Louvre, en ce moment, il y a une intéressante exposition : « De l’Allemagne : 1800-1939 – De Friedrich à Beckmann ».


Les médias français ne s’en sont pas fait l’écho mais ça a déclenché une polémique en Allemagne. La presse allemande a jugé l’exposition caricaturale et partiale/partielle, reproduisant surtout ce cliché d’une pensée allemande écartelée entre la belle forme classique et les sombres tourments de l’Apocalypse : l’art allemand aurait toujours été programmé pour la catastrophe et la guerre. L’exposition du Louvre s’attacherait à l’obsession totalitaire mais oublierait des mouvements artistiques aussi essentiels que le Blaue Reiter, le Bauhaus, Die Brücke (Kirchner, Nolde).


C’est sûr que ces réactions indignées s’inscrivent dans le contexte d’un désamour initié par notre cher Président qui a déclaré préférer les pays du Club Méd à l’Allemagne.


Mais c’est vrai aussi que les Français ignorent à peu près tout de l’Allemagne. Connaissez-vous par exemple un Français à qui il viendrait à l‘idée de passer des vacances en Allemagne ?


Moi, je connais bien. J’ai séjourné et suis allée à peu près partout. Il y a beaucoup de choses qui me déplaisent chez les Allemands : leur caractère intrusif, leur avarice presque sordide, leur délire écologiste, la relation sinistre entre les hommes et les femmes. Et puis, j’avoue que, moi, je n’efface pas le passé…Mais c’est sans doute lié à mes origines.


Mais je dois dire aussi que je trouve la vie très agréable en Allemagne. D’abord, c’est beau. Il y a plein de petites villes, souvent méconnues, qui font puissamment rêver. Voilà mes préférées : Lübeck, Wismar, Celle, Lüneburg, Weimar, Goslar, Rothenburg, Meissen, Bamberg, Regensburg, Ratzeburg. L’esprit romantique, celui de Hoffmann ou des frères Grimm, on peut encore le trouver dans toutes ces villes de contes de fées.


Et puis, il y a la qualité, le confort de vie. Quoi qu’on en dise, on vit mieux en Allemagne qu’en France. C’est le niveau de vie mais c‘est aussi l’organisation, la facilité de vie. Tout marche, tout fonctionne, l’Allemagne, c’est un peu le Japon de l’Europe. Et puis tout est bon marché, on se loge et on mange pour rien, c’est pour ça que tant d’artistes et d’intellectuels émigrent à Berlin.


Quant aux grandes villes, j’en aime bien l’ambiance jeune et festive. On se rend, le soir, dans n’importe quelle brasserie et on est sûre de passer une soirée un peu délirante. Il y a également un extraordinaire cosmopolitisme, mais sans affrontement ni haine.


Enfin, l’Allemagne, c’est la Kultur ! Plus qu’ailleurs, comprendre le pays, c’est d’abord passer par sa littérature, ses philosophes, ses peintres, son cinéma, ses musiciens. Même l’Allemand le plus humble est capable de parler de Kant ou de Nietzsche ; quant à Goethe, tout le monde le connaît par cœur. Et la culture allemande, c’est tout de même plus fascinant que l’anglo-saxonne à laquelle se réfèrent presque exclusivement les intellectuels français.


Français et Allemands ont cependant en commun un point essentiel : la pensée abstraite. C’est pour ça qu’ils sont finalement bien plus proches qu’on ne l’imagine. La culture de l’abstraction, c’est plus fort en Allemagne et en France que partout ailleurs. Je m’en rends particulièrement compte moi qui viens un peu d’ailleurs. C’est pour ça que ce sont non seulement des pays de mathématiciens, d’ingénieurs, de philosophes mais aussi d’architectes et de designers. Et c’est pour ça aussi qu’on pourrait finalement envisager, comme l’avait suggéré Michel Serres, une fusion de la France et de l’Allemagne.


Tableaux de Franz Von Stuck, peintre symboliste (1863-1928). Si vous ne savez pas à quoi occuper vos longs week-ends de mai, allez à Munich et visitez la maison de Franz Von Stuck. Il était non seulement peintre, mais aussi sculpteur et architecte. Il est à noter qu’il accordait une très grande importance à l’encadrement de ses tableaux. Il ne faut surtout pas dissocier l’un et l’autre.

Sur l’Allemagne, je recommanderai enfin deux bouquins : « Retour à Berlin » de Brigitte Sauzay et « Une vie de pintade à Berlin » d’Hélène Kohl. Dans ces deux livres, il y a notamment des réflexions intéressantes sur les relations entre les sexes en Allemagne.

dimanche 14 avril 2013

La vie formelle


Voilà ! Je poursuis imperturbablement mon blog à la cadence presque inflexible d’un post hebdomadaire publié le week-end. Peu importent les vicissitudes et même la finalité. Il devient presque sa propre fin.



Contrairement à ce qu’on peut, peut-être, imaginer, ma vie est très organisée, très découpée, avec des temps, très stricts, consacrés à chaque chose : le travail, le sport, la lecture, l’amour… L’improvisation, je ne connais pas trop mais c’est comme ça que je suis d’une persévérance absolue et que j’ai l’impression d’avancer.



En fait, je n’aime pas être soumise aux contingences, aux anicroches de la vie quotidienne. Je déteste les problèmes matériels et c’est pour ça que j’aime bien vivre avec de grands principes, de grandes règles qui me donnent le sentiment de les surmonter.



Mon modèle en la matière, c’est Emmanuel Kant. Je ne vais pas dire que je suis une spécialiste de sa pensée, je n’ai pas dû en comprendre plus de deux ou trois idées. Simplement, je me suis pas mal intéressée à sa vie même si celle-ci n’a à peu près aucun intérêt. D’abord, parce qu’il vivait à Könisgsberg, devenu Kaliningrad, en Union Soviétique, après la guerre.



De la ville qu’a connue Emmanuel Kant, il ne subsiste aujourd’hui pratiquement rien. En revanche, la campagne avoisinante, celle de l’ancienne Prusse Orientale, est toujours là et c’est une région magnifique répartie aujourd’hui entre la Pologne, la Russie et la Lituanie : une multitude de lacs, des forêts profondes de pins, de bouleaux, de bruyère, une mer grise qui se confond avec le brouillard, de longues plages de sable fin rythmées par des dunes, des manoirs mystérieux, des maisons en bois souvent peintes de bleu. J’ai eu la chance de passer plusieurs vacances là-bas, c’est vraiment très singulier et je crois que ça permet de mieux comprendre Kant.


De la vie de Kant, disons qu’il a voulu l’organiser selon les seules lois de la raison de telle sorte qu’il puisse la maîtriser complètement et qu’il ne lui arrive finalement jamais rien. Les passions, les émotions, les sentiments, les accidents de la vie, ça ne devait pas influencer sa conduite. Il s’agissait de vivre dans la seule abstraction des principes édictés et c’est comme ça qu’il estimait toucher à l’universalité de la condition humaine. Ca se traduisait en fait chez Kant par une conduite obsessionnelle, confinant à l’absurde et au ridicule, avec un emploi du temps d’une régularité d’horloge et une vie quotidienne incroyablement répétitive. Mais cette organisation parfaite, ça faisait aussi la grandeur de sa vie.



Evidemment, ce n’est pas à une vie comme ça que j’aspire. Mais j’ai toujours été fascinée par cette exorbitante volonté de puissance et de maîtrise de soi. C’est tout le contraire de l’esprit de notre époque où l’on exhorte à s’abandonner à ses sentiments et émotions.



La pulsion, l’affect, ce serait notre vérité profonde, pense-t-on aujourd’hui. Sans doute mais il faut aussi savoir ne pas vivre sous leur dépendance. La maîtrise, l’abstraction, c’est quand même plutôt ça qui signe notre liberté.


J’avoue que j’attache du prix au formalisme des relations humaines au risque de passer pour totalement insincère et indécryptable. La civilité, l’égalité d’humeur, je trouve ça très important et c’est notamment l’une des raisons pour les quelles j’aime tant le Japon. La spontanéité, l’émotion, ce n’est vraiment pas mon truc. Mais c’est sans doute aussi ce qui rend la relation très difficile avec moi ; je dois être réfrigérante : qu’est-ce que je pense vraiment ?


Sans doute ! Mais je suis convaincue que la plus grande beauté de la vie, ce n’est pas son immédiateté, c’est son abstraction, son formalisme.




Tableaux du peintre futuriste italien Gerardo Dottori inspirés par le thème célèbre de la spirale de Fibonnaci et de la mathématisation du monde.



Sur la vie de Kant, il existe un très bon livre d’un philosophe russe : Arsenij GULYGA : « Immanuel Kant – sa vie et sa pensée ». Ca a été traduit en France dans les années 80 et ça doit pouvoir encore se trouver.

dimanche 7 avril 2013

Week-End



Le week-end, j’essaie de goûter tout ce dont je suis privée en semaine : un peu de culture, un peu de débauche.

Place Vendôme (si...si)
En général, je me précipite, tôt le matin, à la FNAC des Ternes, puis je cours m’approvisionner en poissons, coquillages et crustacés chez Daguerre et enfin je file chercher ma copine Daria près de l’Opéra.




Tout près de chez Daria


Ca déplaît beaucoup à son mari. Il me déteste. Il trouve que je suis folle et prétentieuse. Il faut dire que j’ai un poste plus prestigieux que le sien. C’est sûr que s’il lisait mon blog, il demanderait qu’on m’enferme tout de suite.


A l'Opéra


Et puis, j’exerce une mauvaise influence sur sa femme qui ne pourra jamais s’intégrer et progresser avec moi. Pensez donc, on ne parle qu’en russe entre nous et il n‘y comprend rien. Et puis, on n’y connaît rien du tout à la cuisine, la française en particulier, on ne mange que des horreurs.

Une perspective inhabituelle sur l'Obélisque.

Mais bah…on va d’abord bavarder au Café de la Paix ou alors on va manger des gâteaux au Café Pouchkine au rez-de-chaussée du Printemps. Ce n’est pas mal, ce n‘est pas absolument authentique mais c’est bien de la pâtisserie d’Europe Centrale.

Tout près de la librairie slave "L'âge d'Homme"


Ensuite, on va s’acheter des fringues. Ma présence auprès de Daria est ici indispensable parce que, toute seule, elle s’achèterait des trucs incroyables. Même à Moscou, sur la Tverskaïa, on la remarquerait. Quant à Paris… Même moi, je trouve ça bizarre.

Luxembourg


Enfin, dans l’après-midi, on va draguer. Pour ça, c’est simple. On ne va, bien sûr, pas en boîte où il n’y a que des ploucs. On va plutôt dans les bars des grands hôtels, le Crillon, le Ritz, le Royal Monceau. Comme on a le look qui correspond aux fantasmes en vigueur, ça n’est vraiment pas difficile.



Mais bon…si ça ne marche vraiment pas, on termine la soirée chez moi où on se soûle dans une ambiance musicale démente. Après, on s’endort dans les bras l‘une de l’autre. Ca nous repose incroyablement.


Et puis, le lendemain matin, le dimanche, je me réveille, tôt, pour écrire mon blog.

Tout près de chez moi : l'église de la rue Daru

Photos de Carmilla Le Golem avec mon tout nouvel appareil, le SIGMA DP3 Merrill avec le quel j’ai l’impression d’avoir retrouvé ma patte. Photos réalisées lors de mon dernier week-end. On "reconnaîtra" évidemment la place Vendôme, l'Opéra, la Concorde, le Luxembourg et la rue Daru.



Je recommande par ailleurs, sans réserves, le dernier film d’Anne Fontaine : « Perfect Mothers ». L’amour au féminin…, Daria et moi, on s’est dit que c’était un peu nous.