samedi 23 juin 2012

Week-ends d'une vampire


Le week-end, normalement, je ne quitte pas Paris. J'aime trop le monde de la ville.


En été toutefois, quand on est écrasés de soleil et de lumière, je vais me réfugier dans des coins perdus, sombres et solitaires.


Je me suis trouvé un petit château non loin de Paris. C'est absolument impossible à repérer. On m'y accueille dans une chambre magnifique. Le seul inconvénient, c'est que c'est  infesté de chauve-souris; même pour moi, c'est irritant mais on m'a assuré que ma présence n'y était pour rien.





Là-bas, j'ai la paix et je tournicote un peu dans la campagne avoisinante. Le soir, je vais dans des restaurants bizarres, des espèces d'auberges noyées dans la verdure et entourées d'animaux. L'atmosphère est étrange, je crois que tout le monde me considère avec étonnement et vague interrogation mais personne n'ose m'adresser la parole. On y mange des choses curieuses et on s'y saoule consciencieusement.


Au dessus, c'est mon château. Ma chambre est au 1er étage.


Voici donc quelques images de mes récents séjours. Je ne dis évidemment pas où c'est mais beaucoup reconnaîtront évidemment certains lieux.



Photos de Carmilla Le Golem sur SIGMA DP

vendredi 15 juin 2012

Lectures estivales




Voilà ce que je vous conseille pour vos proches vacances :


Muriel Cerf : « l’Anti-voyage ». Ca, c’est très vieux : 1974, mais je le cite en hommage à Muriel Cerf, récemment décédée. Un splendide bouquin de voyage et de magie qui nous a donné, à tous, l’envie de prendre la route des Indes. Ce qui est dommage, c’est qu’après ce livre magnifique, Muriel Cerf se soit complètement égarée dans son écriture, devenue précieuse et emberlificotée.


Nancy Huston : « Reflets dans un œil d’homme ». J’ai déjà parlé de ce bouquin. Un modèle d’essai théorique. Pas de langue de bois : c’est très simple, très clair, très vivant et ça parle de choses essentielles : les irréductibles différences entre l’homme et la femme. Une dénonciation aussi de l’imbécilité de la théorie du genre aujourd’hui enseignée dans les écoles françaises.


Wayne Koestenbaum : « Humilation ». Un grand livre dont je reparlerai sûrement dans un post. Ce qui est curieux, c’est que presque rien n’ait jusqu’alors été écrit sur la honte et l’humiliation, ces sentiments troubles et puissants, notre « crypte intérieure », qui forgent notre personnalité.


Henri Grivois : « Grandeur de la folie ». Un bouquin qui m’a appris plein de choses nouvelles sur la folie et plus particulièrement sur la psychose. Henri Grivois a été chef de service des urgences psychiatriques de l’Hôtel-Dieu. Des récits de cas extraordinaires. Et puis, une théorie du « concernement » qui semble très féconde. C’est nouveau, c’est iconoclaste.


Douglas Kennedy : « Combien ?». Tout le monde a lu, bien sûr, « L’homme qui voulait vivre sa vie ». Mais avant de devenir écrivain à succès, Douglas Kennedy a d’abord écrit des reportages. « Combien ? », c’est justement l’un de ses premiers reportages, publié en anglais en 1992. C’est le regard d’un profane sur le monde de la finance, une tentative de comprendre ce rôle central de l’argent dans nos vies. Ce n’est pas du tout ennuyeux. Le livre est rythmé par les rencontres et les voyages : New-York, Londres, Singapour, Casablanca, Sydney, Budapest. C’est en plus très drôle et très féroce.


Hans Joachim Schädlich : « le voyage de Kokochkin » : un petit bouquin court et léger qui réussit le tour de force d’embrasser l’histoire de l’Europe au 20 ème siècle : Saint-Pétersbourg, Odessa, Prague, Berlin, Londres.



Bruce Chatwin : « la sagesse du nomade ». Il s’agit de la correspondance du grand écrivain voyageur prématurément décédé. Bruce Chatwin était incroyablement cultivé et connaissait notamment bien la Russie, l’Afghanistan, la France.


Mariusz Szczygieł : « Chacun son paradis ». La République Tchèque, c’est sûr que c’est un pays magnifique.Ce qui est dommage, c’est qu’on croit qu’il n’y a que Prague à visiter et finalement on ignore tout du pays. Mariusz Szczygieł (entraînez-vous bien à prononcer correctement son nom pour le demander à votre libraire : chtchéguiéouw en accentuant sur le 2ème é) fait partie de la nouvelle génération des écrivains polonais. C’est donc un regard un peu extérieur mais les Polonais et les Tchèques sont quand même très proches. C’est vif, drôle, plein de petites histoires et portraits. Ca décrit très bien, je crois, la Tchéquie actuelle.


Nathalie Courtet : « Aux portes de l’Orient ». Les qualités littéraires de ce livre sont faibles. Mais si vous êtes comme moi, si vous avez la passion de la route des Indes, vous aimerez ce bouquin. Ce premier volume nous conduit, sur un « vélo couché » (!!!) jusqu’en Iran, via les Balkans et la Turquie. Le regard porté sur les pays traversés m’est apparu très juste et plein d’empathie.


Crad Kilodney : « Villes bigrement exotiques ». Vous recherchez des vacances vraiment originales ? Que diriez-vous de Kunduz ? de Quetta ? de Pyongyang ? d’Oïmiakon ? de Niala ? de Filadelfia ? Un livre étrange, plein d’ironie, malheureusement un peu superficiel.


Marc Dugain : « Avenue des géants ». Normalement, je ne lis pas ce type de bouquin surtout que j’avais détesté « une exécution ordinaire ». Là, c’est un formidable thriller dont on ne décolle pas. Le cheminement d’un tueur hors du commun dans l’Amérique des années 60. Et puis la route, le mouvement hippie.




Tableaux de Jan TOOROP, le grand peintre symboliste néerlandais

Puisqu’on est dans la culture, je vous conseille aussi au cinéma : « Tue-moi » d’Emily Atef, « Journal de France » de Raymond Depardon et « Le grand soir » de Delépine et Kervern.

dimanche 10 juin 2012

Polskie-Ukraińskie Euro



C’est le début de l’Euro 2012.

Ce qui est pratique, c’est que je soutiens trois équipes : l’Ukraine, la Pologne et la Russie. Comme ça, j’ai beaucoup plus de chances de victoire finale que la moyenne des supporters.


Mais il paraît que les Ukrainiens ne sont pas bons et les Polonais très moyens; les Russes sont les meilleurs, capables même d’aller jusqu’au bout mais comme toujours imprévisibles.


Il y a surtout un match terrible, le 12 juin : Pologne-Russie. Dans chaque camp, il est inconcevable de perdre. Une défaite, il faudrait des années pour s’en remettre.


Enfin…, je n’y connais rien. Mais l’Euro, j’en ai évidemment entendu beaucoup parler en Pologne et en Ukraine ces dernières années.


Pour ces deux pays, c’est surtout l’occasion d’être enfin un peu reconnus en Europe.


C’est sûr que leur image, celle qui ressort de la lecture de la presse occidentale, est consternante. On ne raconte que des horreurs, toujours les mêmes, infiniment ressassées.


La Pologne d’abord, tout le monde le dit, c’est un pays arriéré, cul béni et antisémite. C’est profondément insultant et imbécile.


L’Ukraine, c’est pire ! On se demande si ce pays existe réellement alors qu’il est tout de même plus vaste que la France : les articles consacrés à l’Ukraine sont vraiment exceptionnels. Un ou deux entrefilets de temps en temps mais pour l’essentiel, c’est consacré aux prostituées et à Tchernobyl. On a quand même parlé un petit peu de Youlia Timochenko, ces dernières semaines mais sa situation ne semble guère émouvoir les droits de l’hommistes.


Quant à la culture, la littérature, le cinéma, la musique de ces pays c’est le grand néant et ça ne semble intéresser personne.



Cette ignorance crasse me mettait autrefois en fureur mais aujourd’hui, je me suis résignée. Ca montre bien qu’on est incapables de faire vivre l’Europe, tout simplement parce qu’on préfère mettre la tête dans le sac et qu’on refuse, par peur de déplaire à certains, de la définir, de la penser. Peur de déclarer qu’il existe bien un noyau culturel européen.


Enfin … cet Euro 2012, c’est l’occasion pour la Pologne et l’Ukraine de montrer qu’elles existent.


Ce sont deux pays très proches (par la langue, par l’histoire, par la culture, par la cuisine) mais surtout, il s’agit aujourd’hui de mettre en avant le miracle économique de ces deux pays.


Faut-il le rappeler ? La Pologne est le pays dont la croissance est la plus forte en Europe depuis ces deux dernières décennies.


Le boum est extraordinaire et devrait se poursuivre : on prévoit que, dans peu de temps, la Pologne aura non seulement rattrapé mais dépassé les grands pays européens pour ce qui est du niveau de vie.


L’Ukraine est un peu en retard mais, depuis 10 ans, le même mouvement est enclenché et on assiste à une métamorphose complète des villes.


Ce qui est important, c’est que la croissance économique ne repose pas sur des éléments spéculatifs (immobiliers en particulier) mais sur la floraison d’une multitude de petites entreprises. On n’a vraiment pas besoin d’un « Ministère du Redressement Productif » là-bas. On y travaille à plein et c’est lié à des facteurs très simples qui pourraient inspirer la France : l’esprit d’initiative, le dynamisme des mentalités, l’éducation, le rôle limité de l’Etat, l’importance de l’épargne et des capitaux.




Tableaux d’Andrej Mashkovtsev, un jeune peintre qui vit en Ukraine et que j’aime beaucoup

dimanche 3 juin 2012

Dolorisme



Dans 15 jours, on en aura fini avec les élections en France.



Ouf ! C’était vraiment sinistre, on n’a vraiment pas rigolé.



Je n’ose plus trop écouter la radio, les informations, ça me déprime. A chaque fois, c’est le chœur des pleureuses sur la France qui souffre. Des torrents de lamentations à longueur de journée.


On n’arrête pas de nous ressasser qu’on est malheureux, dans la détresse absolue. Bien sûr, on n’y est pour rien, on est des victimes. Il y a d’abord ce fou, psychopathe, pervers dont on vient de se débarrasser, qui se vautrait dans le luxe et la luxure. Et puis, toutes ces forces de l’ombre, ces puissances de l’argent, ces financiers sans scrupule et sans visage qui voudraient nous mettre sur la paille, nus et misérables.


Des débauchés cyniques gouvernent le monde. Ils sont tout puissants, on est sans défense. Pour s’en sortir, il faut faire appel à un pur, un honnête, un intègre. C’est le renforcement du moralisme; ça ne nous protégera peut-être pas des turpitudes de la vie mais, du moins, ça ne nous renvoiera pas à nos propres insuffisances.


Le populisme et les pleurnicheries atteignent des sommets. Ca plaît sans doute à beaucoup de gens de s’entendre dire qu’ils sont malheureux, c’est la joie du chagrin décrite par Nietzsche.



Le discours politique français, c’est la flatterie sans vergogne des désirs infantiles : « viens mon chéri ! Maman va te protéger ! ». Comment s’étonner que la France soit devenue une vaste nurserie selon l’expression du regretté Philippe Murray ?


Moi, ces discours misérabilistes, cette compassion doucereuse, je trouve ça insupportable. C’est une singularité française et c’est un signe inquiétant de repli : je ne peux pas imaginer d’entendre ça dans un pays dynamique, en particulier en Europe Centrale, où ça exaspérerait la population.


Ce qu’on encourage ici, c’est le déni, l’aveuglement. Croire que les choses peuvent être immuables. La France qui souffre, certes, mais il faudrait aussi parler de la France qui dort. Celle qui abhorre les privilèges mais revendique aussitôt son statut d’exception.



Mais c’est absolument scandaleux ce que tu racontes là. Qu’est-ce que tu fais des 4 millions de chômeurs, des 8 millions de pauvres, des « djeuns » à bac + 10 qui sont condamnés à vivre chez leurs parents ?


Mais non ! Mais non ! D’abord, le malheur, c’est quelque chose de très relatif. Et puis, la vie, ce n’est pas du tout ça. Les pauvres,… ils ne passent pas leur temps à pleurnicher, à se lamenter. Les pauvres, ils sont comme vous, ils sont comme moi, ils rêvent, ils rêvent beaucoup et peut-être plus que nous tous.


Les pauvres, leur vie n’est pas continuellement sinistre, elle comporte aussi plein d’éclairs, de moments de bonheur et de joie. Les pauvres, ils rêvent de Marion Cotillard et de Brad Pitt, ils rêvent de beaux voyages et de beaux objets. Et la sécurité (les 35 heures, la retraite à 60 ans), ce n’est pas forcément leur préoccupation première, ce sont des soucis de fonctionnaires.


Ce qu’on veut tous en fait, c’est que notre destin ne soit pas arrêté une fois pour toutes et qu’on puisse en décider. Qu’il y ait des échappées, des renversements, des revirements possibles. Tout plutôt que la cage définitive d’un statut, cette cage qui est le fantasme de toutes les organisations totalitaires et maternantes. Pour cela évidemment, il faut un monde ouvert avec de multiples possibilités de choix.




Images de Jean-Pierre Gibrat extraites pour la plupart de son dernier album « Jeanne et Cécile »