samedi 26 mai 2012

« Le bonheur en Allemagne ? »




Depuis qu’on a un Président « normal », on comprend mieux les choses.

Par exemple, si ça va mal en France et en Europe, si la Grèce et l’Espagne s’écroulent, c’est de la faute à l’Allemagne.


Les Allemands, c’est vrai, c’est des coincés. Ils font suer tout le monde avec leur rigueur et leur austérité, à nous empêcher de faire fonctionner à plein notre « Pompe à Phynances ».

Nous on est des Latins, on est plus festifs. L’épargne, on n’en a rien à fiche et on préfère la consommation. Il faut nous laisser dépenser à tout va.


On vient comme ça de déclarer la guerre à l’Allemagne et c’est le conflit entre les buveurs de vin (la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce) et les buveurs de bière (l’Allemagne et toute l’Europe du Nord).

Moi, je ne bois que de la bière et j’aime bien l’Allemagne. Enfin disons que je déteste et j’adore à la fois mais c’est comme ça dans toutes les relations d’amour. J’y ai souvent passé des vacances, ce qui est beaucoup plus original qu’on ne peut le penser parce que des touristes, en Allemagne, il n’y en a vraiment pas. Mais c’est évidemment, ça qui me plaît.



L’Allemagne et la France, c’est sûr que c’est différent mais, à mes yeux, le pays le plus coincé n’est vraiment pas celui que l’on pense. Alors voilà ce qui me plaît en Allemagne :

- En Allemagne, la fête, on sait ce que sait. Ce ne sont pas seulement les monstrueuses défonces de l’Oktober Fest , du Carnaval (du Fasching) ou les nuits délirantes de Berlin, c’est que dans chaque village, chaque soir, on peut trouver un lieu, une grande brasserie où on peut tous s’amuser dans une ambiance bon enfant. C’est le « zusammen leben », le vivre ensemble, cette convivialité fascinante et déroutante. Surtout, à la différence de la France où la fête n’est réservée qu’à une catégorie (les « djeuns » qui « sortent » dans des boîtes-ghettos), la fête en Allemagne brasse toutes les catégories d’âge et de classe sociale. En Allemagne, on peut rencontrer son patron déguisé à l’occasion du Carnaval ou acclamer une mamie faisant la folle dans un dancing, ce qui est évidemment inconcevable en France.



- En Allemagne, on sait vivre. A la différence de la France où les cadres se sentent obligés d’afficher des horaires démentiels en faisant semblant de travailler ou en se perdant dans des tâches inutiles, en Allemagne, on se veut avant tout efficaces et on considère comme mal organisé celui qui se croit obligé de faire des heures supplémentaires. Donc presque tout le monde peut profiter de sa soirée et de ses week-ends.



- En Allemagne, les plaisirs de la table, on peut s’y adonner sans retenue. En France, c’est cher et compliqué d’aller au restaurant. En Allemagne, à toute heure du jour et de la nuit, je peux me faire servir une grande platée de cochonailles en me saoulant à la bière, tout ça pour rien (5 à 10 €). Evidemment, ce n’est pas raffiné mais c’est au moins roboratif. Et puis je peux compléter avec d’extravagantes pâtisseries parce que c’est tout de même agréable d’être dans un pays où on n’est pas encore complètement obsédés par l’hygiène alimentaire.


- L’hygiène d’ailleurs ? Savez-vous qu’on peut acheter partout (dans les grandes surfaces, dans des distributeurs), des cigarettes, à bas prix, en Allemagne ? Qu’on ne vous y traitera pas en délinquant si vous êtes pris à fumer un joint. Qu’enfin on y est plutôt moins frustrés sur le plan sexuel qu’ailleurs cela grâce aux grands quartiers des plaisirs comme le Repperbahn ou à toutes les petites maisons de prostitution, parait-il sympathiques, bon marché et offrant toutes conditions de sécurité.



- Enfin en Allemagne, je peux me défoncer en croisant à 200 à l’heure au volant de ma BM sans être considérée comme une criminelle.



Donc en Allemagne, la vie réserve plein de petits plaisirs. Comme le dit très bien Olivier Hirsch, on peut « boire, fumer, bouffer, baiser et se taper une pointe – pas nécessairement dans cet ordre – dans des conditions qui n’ont strictement rien à voir avec celles que connaît le malheureux voisin français, enfermé dans une grande nurserie ».



Réfléchissez donc bien M. Hollande. Soyez pragmatique. Vos idées concernant la croissance, la réforme de la B.C.E., les eurobonds, tout ça, c’est populo et démago et vous-même n’y croyez sans doute pas.

Inspirez-vous de l’Allemagne pour rendre les Français plus heureux sans qu’il vous en coûte un rond :


- Faites du carnaval une grande fête nationale avec déguisement obligatoire de tous les salariés. Restaurez les fêtes de Bacchus.



- Supprimez les limitations de vitesse sur autoroute.



- Légalisez la prostitution et la vente de cannabis.



Ce post m’a été inspiré par le journaliste Olivier Hirsch.

Si vous vous intéressez à la vie quotidienne en Allemagne, je recommande deux livres : « Retour à Berlin » de Brigitte Sauzay et « Une vie de pintade à Berlin » de Hélène Kohl


Images principalement de Jupp Wiertz (1888-1939) et Rudof Bayer

samedi 19 mai 2012

Paris vampirique





En ce moment, je suis dévorée d’impulsions vampiriques.



C’est assez habituel à cette période : les derniers sursauts avant l’extinction de l’été et la résurgence du mois d’octobre.



Alors je me balade au hasard dans Paris et malheur à ceux qui me rencontrent !



De cette période d’exaltation émotionnelle, je vous livre quelques photos glanées de-ci, de-là.



Les vrais Parisiens reconnaîtront peut-être ces lieux et ces monuments bien connus. Sinon, il faut me demander mais je préfère laisser planer le mystère.
























Photos de Carmilla Le Golem à PARIS sur Sigma DP 2

dimanche 13 mai 2012

L'idole





Etre une femme jeune et belle, ce n’est pas aussi simple qu’on l’imagine.



Ca n’a rien à voir, en tous cas, avec l’expérience neutre et atone d’un mec, fût-il très beau. La beauté, la séduction, un homme ne peut pas savoir ce que c’est. La fulgurance d’une belle fille, c’est incomparable.



Certes, c’est exaltant de sentir tous ces regards qui se posent sur vous, vous déshabillent, vous auscultent. Des dizaines de types, chaque jour, vous pèsent, vous évaluent, vous catégorisent et, dans les avis exprimés, l’odieux le dispute évidemment au superlatif



Et la sollicitation est permanente, ça vient de tous, les vieux comme les jeunes, les horribles comme les beaux, les coincés comme les libidineux. Des toutous guettant tous, éperdument, une approbation.



C’est sûr que ce sont des moments de triomphe. Chaque femme le sait : il y a un plaisir fou à être regardée. C’est là que se mesure la puissance féminine et je crois que, pour une femme, le drame, la dépression, c’est quand ce regard se dérobe.



J’ai même tendance à penser que, comparée à celle des femmes, la vie des mecs est triste et misérable tout simplement parce que ce ne sont pas eux qui choisissent et décident et qu’ils ne parviennent à séduire qu’au prix d’une effrayante compétition économique et professionnelle. Mais c’est vrai que je dois être influencée par mes origines : ce n’est pas pour rien que je viens de la ville de Sacher Masoch et Bruno Schulz.



Qui a dit que les femmes étaient d’éternelles assujetties ? La complète égalité des sexes, c’est le grand fantasme contemporain mais on sait bien qu’il n’y a que les féministes qui y croient. L’égalité, c’est pour ceux qui n’aiment pas le rêve, le désir mais ce qui est sûr, c’est que la relation passionnelle et érotique n’a rien d’égalitaire : ce sont des rapports de pouvoir et même de force et c’est ça qui fait le sel de la vie.



Et là, pas d’angélisme : il n’y a aucune sincérité dans l’amour, dans la passion; il n’y a que des crapules et des salopards. Simplement, ces crapules et ces salopards sont ou bien magnifiques ou bien lamentables. Mais dans ces jeux retors, les femmes ne sont certainement pas les plus innocentes et les plus candides.



La femme triomphante, l’idole, il faudrait donc avoir quelquefois l’honnêteté d’en parler. Ca nous changerait des soupes misérabilistes et victimaires qu’on nous sert quotidiennement.



C’est vrai cependant que la gloire de la femme n’est pas anodine. Ca se paie d’une fragilité existentielle :



- c’est d’abord le dédoublement psychologique dans le quel vit une femme, surtout si elle est belle. La psychologie d’une femme, ça n’a rien à voir avec celle d’un mec qui est toute simple. Un mec, il est ce qu’il est, il se voit sous la forme d’une identité immédiate, il coïncide bêtement avec son corps. Une femme, elle, elle se voit bien sûr elle-même mais elle se voit en même temps vue par les autres. « Elle se regarde en train d’être regardée », elle est construite par les autres. « Il y a en soi un (une) autre que soi qui juge et jauge le soi », et il faut éviter le plus petit dérapage par rapport à l’identité qu’on veut donner.



Ca impose une tension, un contrôle continuels. C’est vidant, épuisant. Et puis, il y a un autre dédoublement : c’est cette image d’un corps parfait, idéal, véhiculé par les media, auquel on veut à tout prix se conformer. On veut être d’une beauté éternelle, marmoréenne. C’est l’aliénation complète ; ça vous aspire complètement, c’est bouffant, destructeur. Ca repose finalement sur une véritable haine de soi-même, de son corps vivant.



- c’est aussi l’hostilité et même la haine suscitée par la beauté d’une femme. Ca aussi, on en parle très peu parce que ça ne suscite guère la compassion mais c’est une réalité à affronter. C’est un autre aspect du monde de la compétition dans lequel on vit et, dans ce contexte, on peut dire que c’est aussi violent que la lutte des classes. C’est vrai que la beauté, la jeunesse, ce sont des injustices et des scandales absolus.



Et l’apparition de la beauté, ça suscite forcément la souffrance, celle des hommes, bien sûr, mais aussi celle des femmes. La beauté est une incitation au crime; on a envie d’humilier, assassiner une jolie fille et ça explique beaucoup de comportements, beaucoup de conflits, pas seulement individuels mais aussi politiques (pourquoi déteste-t-on l’Occident, si ce n’est pour des motifs venant des tréfonds de nous-mêmes ?).




Enfin voilà ! Tout ça pour vous dire que la symétrie des désirs, du vécu, de l’homme et de la femme, je n’y crois pas une seconde. Le destin, les frontières, ça existe malgré tout.




Tableaux de Elzbieta Mozyro, jeune peintre polonaise.



J’ai écrit ce post après la lecture, enthousiaste, du dernier livre de Nancy Huston : « Reflets dans un œil d’homme ». Attention, ce n’est pas un compte rendu de ce bouquin. Ce sont les simples prolongements que j’y ai trouvés et je tiraille sans doute la pensée de Nancy Huston.

samedi 5 mai 2012

"Rythmes oubliés"



C’est rare mais j’ai quitté Paris durant le week-end étiré du 1er mai.




Je me suis rendue bêtement en Normandie.



Mais la Normandie, j’aime bien quand même.





D’abord, parce qu’en Normandie, on est des gens du Nord.



Et puis, c’est un peu comme en Russie : on a l’esprit de l’Empire.



Les Normands ont bien sûr conquis l’Angleterre, tout le monde sait ça.



Mais les Normands se sont aussi baladés dans toute la Méditerranée et ont fondé le Royaume de Sicile et la Principauté d’Antioche (ça se trouve aujourd’hui en Syrie et en Turquie).



Et aussi à Caen (même si je déteste le mémorial de la Grande Guerre où on n’évoque que les Américains, les Anglais et ce qui s’est passé à l’Ouest), on arrive encore à parler, dans la rue, polonais et russe. Et l’escadre Normandie-Niemen, on sait ce que c’est.


En plus, j’ai quelques petites adresses en Normandie. J’aime bien de jolis villages : Beuvron-en-Auge, Cambremer, Beaumont-en-Auge, Varengeville, Ry, Lyons-la-Forêt.



Je trouve aussi en Normandie une nourriture qui me convient : du poisson, des huîtres, des crabes, des langoustines.


Des parcs mystériux, des châteaux en ruine


Enfin la Normandie, ça évoque pour moi les plus grands écrivains français : Flaubert, Maupassant, Barbey d’Aurevilly et Marcel Proust (bien sûr qu’il n’était pas Normand mais comment ne pas l’évoquer à Cabourg ?).



C'est le 19 ème siècle, me direz-vous. Certes, mais je crois que l'esprit de leurs oeuvres continue d'habiter la Normandie d'aujourd'hui.



Ma chambre de vampire (évidemment, vous ne voyez pas mon reflet).


Voici donc quelques images vampiriques d’un morceau de Normandie, claquées ce dernier week-end.







Photographies de Carmilla Le Golem sur Sigma DP 2



Pour agrémenter ce nouveau week-end, je vous conseille deux films allemands remarquables : « Barbara » de Christian Petzold et « L’amour et rien d’autre » de Jan Schonburg. La littérature et le cinéma allemands, on n’en parle pas assez.