samedi 10 mars 2012

Winter passing




Voilà les bouquins que j’ai aimés ces dernières semaines :




- Régis Jauffret : « Claustria ». Un grand bouquin troublant. Ce qui est curieux, c’est que je connais bien Amstetten, non loin de Linz. J’y ai séjourné, à plusieurs reprises, chez des amis. Non loin donc de la maison de Josef Fritzl qui a séquestré sa fille pendant plus de 20 ans et lui a fait 7 enfants. Le village n’a absolument aucun intérêt mais c’est anecdotique puisque le roman de Régis Jauffret ne s’attache pas à reconstituer fidèlement cette histoire. Il s’agit plutôt de recomposer une logique mentale, de décrire la cohérence d’une vie.


Contrairement à ce qu’on pense en effet, une vie, même celle d’un monstre, c’est quelque chose de construit, d’ordonné. Le coup de folie, le grand dérapage, ça existe très peu en fait. Les monstres, les pervers ne sont pas ainsi de simples brutes mais ce sont surtout de grands raisonneurs. Il y a une implacable logique du discours pervers et cette logique est le plus souvent celle de la Loi et de l’ordre. Josef Fritzl affirmait ainsi qu’il avait séquestré sa fille non pas pour abuser d’elle mais pour la préserver des dangers du monde, de la drogue et de la prostitution. C’est là qu’on comprend comment une société morne, étouffante, répressive engendre ses propres monstres.


- Janet Skeslien Charles : « Les fiancées d’Odessa ». Normalement, je ne lis pas les bouquins écrits par des occidentaux (surtout américains), sur les anciens pays communistes. Ca m’énerve trop, tellement c’est bourré de clichés. Mais là, j’ai été tout de suite accrochée et conquise. C’est drôle, intelligent et très juste. L’auteur connaît vraiment très bien l’ancien monde communiste et je n’ai pas décelé d’erreurs. Elle parle avec amour d’Odessa, la plus belle ville du monde. Surtout, elle décrit très bien le gouffre des mentalités qui sépare une jeune fille russe du citoyen mâle lambda venant de l’Ouest : la suffisance et l’insuffisance occidentales. C’est aussi un grand bouquin de sociologie et d’anthropologie.




- Diane Ducret : « Femmes 2 dictateurs». Evidemment, on peut penser qu’il s’agit d’un bouquin de midinettes. Et bien pas du tout, c’est agréable, inattendu et ça fait réfléchir. Le portrait de Khomeiny est par exemple inhabituel et très pertinent. De même, ceux de Milosevic, Sadam Hussein et Ben Laden. Le livre 1 vient également de sortir en poche. Profitez en : Staline et Lénine y sont très bien évoqués.



- Christoph Poschenrieder : « Le monde est dans la tête». Un véritable concentré de culture allemande,… j’ai adoré. Le héros en est le philosophe Arthur Schopenhauer, personnage totalement extravagant. On voyage beaucoup (en Prusse et en Autriche-Hongrie jusqu’à Venise) et on fait plein de rencontres (Goethe, Byron). C’est à lire à une époque où beaucoup d’écrivains (Michel Houellebecq notamment) se réclament aujourd’hui de Schopenhauer. C’est une toute autre vision de la pensée de Schopenhauer, beaucoup moins nihiliste, beaucoup plus gaie et aventureuse.




- Eriko Nakamura : « Nââândé !? Les tribulations d’une Japonaise à Paris ». Par une célèbre présentatrice de Fuji TV mariée à un Français. « Personne ne fantasme autant sur Paris qu’un Japonais. Et personne n’est plus choqué par Paris qu’un Japonais ». Ca n’est certes pas un grand livre mais il permet de faire un peu d’ethnologie. Comment nous voit une Japonaise, ce n’est pas toujours flatteur mais c’est difficilement contestable.




- Eric Faye – Christian Garcin : « En descendant les fleuves – Carnets de l’Extrême-Orient russe ». Vous recherchez des vacances un peu originales pour cet été ? Je vous conseille de descendre l’immense fleuve la Lena depuis Iakoust, jusqu’à l’Océan Glacial Arctique. Ca n’a rien d’un exploit, c’est complètement organisé et même des personnes âgées peuvent faire ça. Je précise, à cette occasion, une donnée géographique : la Sibérie, contrairement à ce que croient les Français, ça ne va pas jusqu’à l’Océan Pacifique mais ça s’arrête au fleuve Lena. Au-delà, ça s’appelle l’Extrême-Orient russe. Après avoir descendu la Lena, vous pourrez vous rendre à Khabarovsk, dans le Birobidjan et à Vladivostok, sur les pas de Joseph Kessel et de Dersou Ouzala. Le livre d’Eric Faye et Christian Garcin est un peu superficiel (les auteurs ne parlent pas russe) mais vous permettra de bien préparer vos vacances. Il nous change au moins des sempiternels voyages en Transsibérien.



- Thérèse Delpech : « L'homme sans passé: Freud et la tragédie historique». L’entrée dans la modernité, ça remonte au début du 19 ème siècle. On mesure mal les bouleversements psychologiques dans les sociétés européennes brutalement plongées dans l’histoire, privées de la référence au passé : la perte des repères de la tradition livre l’homme aux labyrinthes de l’intériorité. Un livre très original qui tranche singulièrement avec le reste de l’œuvre de Thérèse Delpech. Etrangement, elle vient de mourir.





Ce sont les dernières œuvres d’Anka Zhuravleva, jeune artiste de Saint-Peterburg. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer toute mon admiration pour elle.

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