samedi 29 décembre 2012

Le dernier jour



Lundi, c’est le dernier jour de l’année.

C’est toujours un peu triste et lugubre.

Et puis, ça nous renvoie à ce que sera notre propre dernier jour.

En effet, au cours de l’année écoulée, on a tous traversé le jour anniversaire de notre mort, évidemment sans le savoir. Un drôle d’anniversaire sans fleurs ni cadeaux, peut-être marqué d'un sombre pressentiment.

Qu’on s’en défende ou non, on pense à ça régulièrement. Comment ça sera ?



Au cours de cet automne, j’ai été frappée d’une étrange maladie, bizarre, originale, aux symptômes inquiétants. Je suis partie à Tokyo pensant qu’il s’agissait peut-être de mon dernier voyage.

Et puis non…Je ne saurai jamais comment j’ai pu attraper ce truc invraisemblable mais c’est sûr que j’avais commencé à reconsidérer mes échéances.

Alors, dans ces périodes là, on oscille étrangement entre la déprime et…l’exaltation.

Et puis, on est submergés de visions, d’images terribles qui viennent vous assaillir…

Je vous en livre ici quelques unes. Elles me hantent depuis longtemps ; ce sont celles de peintres très célèbres en République Tchèque et en Pologne. Elles expriment mieux que tout, pour moi, ce dernier jour. Il s’agit de : « la folie » de Władysław Podkowiński  et de « la fin de toutes choses et « Hécate » de Maximilian Pirner.


Ces tableaux se trouvent d’une part à Cracovie, d’autre part au Musée National de Prague. C’est une peinture aujourd’hui unanimement décriée mais je défie quiconque de ne pas être bouleversé en les contemplant, un jour, dans leur version originale.

dimanche 23 décembre 2012

5 ANS



Ce blog a maintenant 5 ans.

A chaque anniversaire, je fais un petit bilan.


Pour la première fois, je ne suis pas trop mécontente.

D’abord parce que la fréquentation quotidienne de mon blog se situe désormais aux alentours de 100 visites par jour. Ca n’a rien d’extraordinaire mais c’est tellement plus qu’aux temps de mes débuts au cours des quels j’ai écrit dans le vide pendant presque deux ans. Et puis c’est dans un contexte où le blog est en passe de devenir une forme obsolète de communication. C’est sans doute dommage parce que le blog autorise, à mes yeux, une plus grande créativité mais c’est un autre sujet.


Mais je considère comme anecdotiques les chiffres de mon blog. Je n’écris pas pour avoir le plus grand nombre possible de lecteurs mais plutôt pour essayer de faire passer quelque chose.


En fait, deux choses me font surtout plaisir :

- je ne suis pas seulement lue dans les pays francophones mais aussi en Allemagne, en Pologne, en Russie et en Ukraine. C’est important pour moi.



- surtout, vous êtes assez nombreux à m’écrire. Je connais maintenant à peu près une trentaine d’entre vous. Je découvre même que vous êtes, pour certains, de véritables fans, ce qui m’embarrasse un petit peu. A contrario, vous me déclarez aussi que vous me lisez avec intérêt mais ne partagez pas du tout mes idées. C’est peut-être une juste attitude parce que je ne suis pas non plus sûre d’être toujours bien d’accord avec moi-même.



Le compliment qui m’a le plus touchée : celui d’une dame italienne qui me déclarait que le dimanche après-midi lui apportait un petit rayon de soleil avec la lecture du dernier post de Carmilla. J’ai trouvé ça très gentil parce que j’ai quand même conscience de ne pas être rigolote du tout.


Difficile de tracer une typologie de vous, mes lecteurs : autant d’hommes que de femmes et de tous âges.

Un seul point commun, me semble-t-il : vous portez tous un intérêt à l’art et à la littérature.

Vous êtes ainsi principalement étudiants en lettres ou en philosophie, passionnés par l’écriture, écrivains, journalistes, enseignants. Vous appartenez à des mondes dont je suis en fait assez éloignée mais c’est justement cela qui est intéressant.


Je réponds à chaque lettre qui m’est adressée. Cependant, je suis incapable de développer ensuite une correspondance : je n’en ai vraiment ni le temps ni la disponibilité d’esprit. Si j’ai donc pu blesser certains, qu’ils veuillent bien me pardonner.


Je vous remercie donc tous, mes chers lecteurs, de m’aider à faire vivre ce blog par votre présence attentive.

Evidemment, je me dis maintenant que 5 ans, ça commence à faire beaucoup et j’ai peur de radoter.


Néanmoins, j’entends bien poursuivre encore en 2013. J’aime trop mon personnage de Carmilla qui me correspond quand même très bien. Et puis, je crois vraiment dans le combat que je mène : l’affirmation de la radicale différence des sexes, de la féminité et de son pouvoir, les jeux du désir et de la séduction. Evidemment, ça peut apparaître un peu inactuel, voire réactionnaire, en ces temps de triomphe de la pensée écologique et de la théorie des genres. C’est même perdu d’avance … mais au moins je me serai exprimée.



Des tableaux des artistes que j’aime le plus : les affichistes polonais. Il y a là des oeuvres de Rafal Olbinski, Wieslaw Walkuski, Franciszek Starowieyski,

dimanche 16 décembre 2012

« Paradis pour tous »




Vous êtes peut-être comme moi. Vous en avez déjà par-dessus la tête des querelles sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité.


Surtout, vous n’osez pas vous exprimer de peur qu’on ne vous range tout de suite dans la catégorie des crétins, à droite ou à gauche.

Des deux côtés, l’outrance et la mauvaise foi sont bloquantes.


Mais de toute façon, ça se fera, l’évolution est inéluctable.

On présente ça comme une mesure progressiste. Peut-être… On peut voir ça aussi comme une nouvelle étape de la bureaucratisation de nos vies. Sans cesse légiférer, c’est la préoccupation première… cette irrépressible prolifération juridique qui réglemente,  régimente maintenant  jusqu’à nos corps, nos sexualités.


Pourquoi diable vouloir à tout prix des textes de loi pour codifier ce que nous avons de plus intime ? La discipline des corps, c’est devenu la réalité de nos temps modernes; elle a été décrite par Nietzsche et Michel Foucault et ça n’a pas grand-chose à voir avec l’histoire d’un affranchissement.


Marcel Proust considérait l’homosexualité comme un crime mais il lui donnait ainsi une splendeur bouleversante.

Aujourd’hui, les homosexuels vont avoir droit au kitsch et au ridicule : celui du mariage et de la bébémania avec le désir d’enfant ; la sexualité enfermée dans les lois du couple. Drôle d’époque qui nous infantilise de plus en plus mais il est vrai que chacun a le droit de bêtifier.


Notre idéologie, c’est que la sexualité, c’est cool et c’est fun. On s’éclate forcément et ça ruisselle de bons sentiments. On est pleins d’amour les uns pour les autres.


Dans ce contexte, comment refuser à certains les joies de la famille ? Se priver du concours de toutes ces bonnes volontés pour l’édification d’une société harmonieuse où chacun ne voudrait que le bonheur de l’autre, son conjoint ou ses enfants ?



« L’égalité pour tous », proclame-t-on alors. Bien sûr, sauf qu’on occulte que la vraie différence n’est pas entre homosexuels et hétérosexuels mais, plus essentiellement (n’en déplaise aux adeptes de la théorie des genres), entre les hommes et les femmes. Et c’est tout de même bien de ça, de cette séparation radicale, que naissent et le désir et l’imaginaire. Comment rêver dans un monde où on est tous pareils ?


Et puis on sait bien aussi que les rapports humains, la sexualité, ce n’est pas du tout ça. Il y a aussi un côté sombre, une part cachée de nous-mêmes.Ca repose également sur la force, la violence, l’assujettissement. Freud soulignait que la perversion, le plaisir de faire le mal, étaient consubstantiels à la sexualité humaine.


Etre gay, ce n’est donc pas gai. Mais c’est exactement pareil pour les hétérosexuels.


On est submergés par l’angélisme et la niaiserie. Comme antidote absolue, je conseille de revoir le film de Pasolini : « Salo ou les 120 journées de Sodome ».  Trente ans après, ça demeure absolument immonde et scandaleux et ça recadre les choses. C’est vraiment étrange : voilà un cinéaste homosexuel déclaré qui filme de manière grotesque et hideuse des mariages entre hommes. De quoi vous secouer complètement et relativiser ce qu’on vous présente aujourd’hui comme la plus belle des choses. Et puis, ce lien du fascisme avec la pensée libertaire et l’athéisme, c’est complètement inaudible aujourd’hui. Et enfin, cette idée que la sexualité sans entraves, sans interdit, ça débouche sur le rien, sur la merde; ça amène à bouffer ses propres excréments. Totalement réactionnaire ou totalement lucide.


Tableaux de Vasily Kotarbinsky (1849-1921), peintre polonais de la Russie tsariste. On lui doit en particulier l’extraordinaire décoration de la cathédrale Saint-Volodymyr à Kiev.

dimanche 9 décembre 2012

« I don't know where I begin, and where you end”



Je recommande :

-         Renata Salecl : “La tyrannie du choix”. J’ai consacré un post à ce bouquin lumineux d’une philosophe slovène. Une critique de l’idéologie dominante : celle de la liberté que nous aurions de choisir dans tous les domaines

-     Anne Serre : « Petite table sois mise ». Un bouquin stupéfiant. Il ne fait que 60 pages mais c’est vraiment un grand livre. Un magnifique conte érotique inspiré des frères Grimm. A lire absolument en ces temps de moralisme sexuel. Ca démarre comme ça : « La première fois que je vis mon père vêtu en fille, j'avais sept ans. ». Un peu plus loin: « Maman était nue la plupart du temps. » « Tu n'as pas de pudeur, disait papa. » On est chez une aimante famille bourgeoise provinciale qui pratique avec allégresse l'inceste. Ca n’est ni du Christine Angot ni de l’auto-fiction. C’est plein d’allégresse et ça a une espèce de puissance lumineuse. Ca répond à cette question essentielle : « comment on se construit ? ». Il y a une magnifique scène originelle : « la table au disque luisant ».

-         Emmanuelle Guattari : « La petite Borde ». Un autre récit très bref mais parcouru de fulgurances. Il  a pour cadre la célèbre clinique La Borde dans les années 60. Qu’est-ce que c’est, être la fille de quelqu’un qui devient plus tard célèbre (Felix Guattari) ? Evidemment pas du tout ce qu’on imagine. L’enfance, ses souvenirs, ce n’est pas un long fleuve tranquille. C’est complètement discontinu : des images coup de poing et des moments d’inquiétude, d’angoisse, mais aussi une espèce de paradis perdu, enchanté et vénéneux.

-         Nahal Tajadod : « Elle joue ». La confrontation de deux iraniennes : Nahal Tajadod, l’épouse de Jean-Claude Carrière, qui a grandi dans l’Iran du Shah des années 70 et une jeune comédienne, née après la Révolution, au succès grandissant. La complexité et la richesse intellectuelle d’un pays que l’on croit obscurantiste.

-         Alexandre Adler Vladimir Fedorovski : « L’islamisme va-t-il gagner ? » En France, on s’excite beaucoup sur l’Islam mais on n’en a qu’une vision très restrictive, du moins sur le plan géographique. Ca se limite pour l’essentiel aux pays du Nord de l’Afrique. Le premier mérite de ce bouquin, c’est d’avoir une vision beaucoup plus vaste englobant aussi l’Asie Centrale, l’Iran, l’Irak, la Turquie, la Syrie. Est aussi rappelé le rôle historique important de la Russie (moins nocif qu’on ne l’imagine).  Beaucoup d’analyses très innovantes. Est même évoquée la constitution possible d’un nouveau bloc rassemblant la Turquie, l’Iran et l’Irak face au sunnisme arabe. De très loin, l’un des meilleurs livres sur la question.

-         Tobie Nathan : « Ethno-Roman ». Les souvenirs du grand ethno-psychanalyste, disciple de Georges Devereux. Une vie passionnante : Le Caire, Rome, Paris en 68. Une native complicité avec les mythes, les légendes et, d’une manière générale, avec la “pensée magique”

-         « Les derniers jours des dictateurs » sous la direction de Diane Ducret et Emmanuel Hecht. Les derniers jours de Mussolini, Ceausescu, Staline, Franco, Brejnev, Amin Dada, Ben Ali etc…Un demi-siècle d’histoire, ponctué par le mensonge et le crime, raconté par les meilleures plumes historiques et journalistiques.

-         Josef Schovanec : « Je suis à l’Est ». Un récit étonnant, peut-être pas un grand livre mais qui m’a appris plein de choses sur la réalité concrète de la schizophrénie  et sur les difficultés de la socialisation. Ce qui nous semble simple, évident (parler, échanger, se débrouiller dans la vie quotidienne) ne l’est en fait pas du tout. Un jeune autiste, d’origine tchèque, génial et inadapté social. C’est aussi le récit révoltant d’une prise en charge psychanalytique et psychiatrique dont les préoccupations semblent avant tout mercantiles.

- Eugen RUGE : « Quand la lumière décline ». Un grand roman historique à l’allemande couronné par le « Deutscher Buchpreis » (l’équivalent du Goncourt). De Mexico à Berlin en passant par Moscou, la vie d’une famille et d’un monde sur quatre générations.

Enfin, à Tokyo, j’avais avec moi « 1Q84 » d’Haruki Murakami (les 2 premiers tomes), le plus célèbre et nobélisable des écrivains japonais. Ca a déjà plus d’un an et ca dépasse donc le cadre de cette chronique. Ce très gros bouquin est à bien des égards fascinant : qu’est-ce qui se passe quand les portes du temps s’ouvrent ?  Quand s’établissent des voies de communication entre deux univers, deux ères. C’est prodigieux mais il y a aussi quelques faiblesses. Je crois qu’il faut essayer de le lire à toute allure.

Un mélange hivernal composé de tableaux d’Andrew Wyeth, Arkhip Kuinji, Harald Sohlberg, Joseph Maria Pilartz, Marianne Von Werefkin, Evgeny Kouznetsov, Zygmunt Waliszewski, Herbert von Reyl-Hanisch, Ivan Shishkin, Ivan Bilibin

samedi 1 décembre 2012

TOKYO 2



Tokyo, c’est évidemment aussi la modernité absolue. Un mélange inédit.




Quand on revient du Japon et qu’on atterrit à Roissy, on est frappés d’un grand coup de blues.


Que tout est pauvre, déglingué, désorganisé et malgré tout arrogant.




L’image la plus courante de Tokyo, j’ai noté que c’était, en France, celle du film « Lost in translation » de Sophia Coppola.





J’aime beaucoup Sophia Coppola, mais, sur le fond, j’ai détesté ce film : deux crétins qui se sentent perdus à Tokyo et qui n’osent pas sortir de leur magnifique hôtel. Pourtant, s’il est un pays où l’on ne peut se sentir, à aucun moment, en insécurité, c’est bien le Japon.




Mais le film de Sophia Coppola, c’est quand même une grande écriture cinématographique : chaque image ciselée impeccablement enchaînée à toutes les autres. Et puis aussi, la bande sonore…




Mais, sur Tokyo, il y a encore plus beau que Sophia Coppola. C’est le dernier film d’Abbas Kiarostami : « Like someone in love ». Il y a au début du film une séance d’une dizaine de minutes au cours de la quelle Tokyo est filmée à travers les vitres d’un taxi. C’est d’une beauté à couper le souffle et c’est un grand moment de cinéma.






Il y a également plus déroutant, renversant : un court métrage de Leos Carax, « Tokyo » que l’on peut voir sur You Tube. Une étrangeté et une lucidité totales : une vision décalée, humoristique voire caricaturale du Japon. Féroce et totalement juste et injuste à la fois.



Photos de Carmilla Le Golem à Omotesando, Ginza, Roppongi, Shinjuku, la mairie de Tokyo, les abords du Palais Impérial.