samedi 12 novembre 2011

Schuldig - La dette ineffaçable


C’est sûr ! On est à la veille d’un grand krach.

C’est inévitable, même si c’est angoissant et exaltant tout à la fois. On croule en effet tous sous les dettes, financières et morales.


Tous :

- Les Etats, bien sûr, par suite non pas de la rapacité des financiers mais plutôt de la simple démagogie des gouvernants convaincus du report infini des échéances et d’une absolution finale.



- Les particuliers aussi, dans nos sociétés où on se doit d’être des citoyens responsables. On a une dette envers ses parents, sa famille, ses enfants, son employeur, l’Etat et même, maintenant, envers la planète toute entière.


C’est affreux parce qu’on est bien incapables de faire face à tout ça.

On se sent de plus en plus angoissés, de plus en plus coupables.



Etre débiteur et coupable, c’est la condition même de l’homme occidental.

La dette, c’est même la structure et le moteur communs à l’économie et à la psyché modernes.



D’ailleurs en allemand, le mot schuld, ça veut dire à la fois la dette et la faute.

La dette, c’est ce qui a permis, aux alentours du 15ème siècle, la naissance du capitalisme avec la comptabilité en partie double, les émissions obligataires, les banques et les sociétés par actions.


Etablir entre tous les hommes des relations de créancier à débiteur, c’est cela qui a été le grand bouleversement du monde moderne. C’est décrit par Nietzsche dans « la généalogie de la morale» comme le résultat d’un processus cruel s’exerçant au besoin par la contrainte physique et la torture. C’est aussi la terrifiante machine de la colonie pénitentiaire de Kafka. Il faut « dresser » les gens à faire des promesses, à tenir leurs engagements.


Ca suppose aussi une vision du temps linéaire et cumulatif et non plus circulaire.


Bouleversement économique mais aussi psychologique. De ce point de vue, les religions ont longtemps exercé un relais efficace. Pour les Juifs, être désigné comme le peuple élu a créé une exigence presque absolue, une dette exorbitante. Pour les chrétiens, le péché originel les rend immédiatement débiteurs et coupables. Mais le Christ vient sur terre pour racheter leurs fautes. La forme extrême est le protestantisme pour lequel même l’activité la plus quotidienne doit être consacrée à son salut.




Les religions offraient cependant une formidable espérance : celle qu’avec le Jugement Dernier, toutes les dettes et toutes les fautes seraient effacées.



On continue encore de croire un petit peu à ça, du moins inconsciemment, quand on commet des actes délictueux, moraux ou financiers.



Mais le monde contemporain n’offre plus les espérances de la religion et se montre d’une impitoyable cruauté : les dettes ne seront jamais rachetées et il faut incontournablement payer.



Leçon tragique qui efface définitivement toutes les illusions morales et financières.



Mais leçon qui appelle peut-être à une révision radicale.



Tableaux de Jacques MONORY



Ce post m’a été inspiré par Alexandre Lacroix, jeune philosophe et romancier (j’ai adoré : « De la supériorité des femmes » et « Quand j’étais nietzschéen »).



Enfin, puisqu’on est dans mon domaine et si vous recherchez de bons bouquins d’économie évoquant les problèmes de la dette et de la mondialisation, je vous recommande vivement parmi les titres récents :



- Paul Fabra : « Le capitalisme sans capital ».

- Niall Ferguson : « L’irrésistible ascension de l’argent »

- Daniel Cohen : « La prospérité du vice »

- Philippe Simonnot : « Le jour où la France sortira de l’euro ».

- Edouard Tétreau : « 20 000 milliards de dollars ».

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