dimanche 14 août 2011

"L'autre bout du monde"


Demain donc, envol pour Piter (c’est comme ça que les Russes appellent affectueusement Sankt-Peterburg), point d’étape à destination de la Carélie et du lac Onega. Loin vers le Nord, sa lumière blanche et ses forêts luisantes d’humidité.



Là-bas, je suis tranquille, personne ne viendra me retrouver sauf à être prêt à affronter de multiples embûches. Je pourrai y recharger en toute quiétude mes pulsions vampiriques.



Je suis évidemment très heureuse. En quittant l’Europe de l’Ouest pour la Russie, on a d’abord l’impression de « changer de dimension ». Finis les petits pays étriqués. Nulle part ailleurs qu’en Russie, on ne peut éprouver le sentiment de l’espace et de l’immensité.


On compte en milliers de kilomètres et en journées de train. On voit plus grand et ce n’est pas seulement géographique, c’est aussi mental. C’est probablement le dernier pays au monde où l’on puisse encore se perdre et disparaître et le seul aussi où l’on peut se dire que tout y est possible, le pire comme le meilleur. La démesure, ça existe encore sur cette terre.


C’est un peu pour ça que je m’y sens tellement à l’aise, moi Carmilla la vampire. Je vous livre à ce propos les quelques mots que j’ai récemment adressés à une journaliste qui m’interrogeait sur « le mouvement vampirique » (eh oui ! Carmilla Legolem est curieusement parfois sollicitée par les media sur des thèmes très divers mais ça n’a pas plus d’importance que ça).



« Mon incarnation vampirique correspond d’abord au souci très fort que j’ai de mon apparence, de ma séduction.



C’est un mode d’exercice de la puissance, du pouvoir et donc du désir. C’est le plaisir de la conquête d’hommes et de femmes. Le plaisir suprême, fait d’aventures et de découvertes, qui vous conforte dans votre ego et votre identité. Ca passe par des éléments triviaux tels que l’habillement et l’attitude générale mais ça repose plus essentiellement sur le jeu intellectuel et la capacité à maîtriser toutes les contingences. Le séducteur, c’est celui qui n’est pas asservi au réel et c’est pour cela qu’il détient la clé du désir. Etre hors d’atteinte, voilà le secret de la fascination.



Le vampirisme, c’est d’abord une esthétique; elle est principalement issue des cultures émergentes d’Europe centrale et de Russie. Elle est une alternative importante à la domination de la culture américaine.



C’est également une démarche affective et intellectuelle. Je crois que le vampirisme moderne est né d’un rejet de notre société hygiéniste et écologiste associée au culte de la transparence et du naturel. Le vampirisme se réapproprie tout ce que nos sociétés refoulent : la présence du mal en chacun de nous, notre duplicité essentielle, la mort, le crime, le péché, la séduction.


Le vampirisme, c’est aussi une nouvelle approche de la sexualité : refuser le puritanisme ambiant, ne plus percevoir la sexualité comme une hygiène mais lui redonner sa dimension trouble, retrouver son pouvoir de bouleversement.


Enfin, le vampirisme constitue pour moi une exaltation de la féminité, de la séduction, de l’artifice, qualités aujourd’hui réprimées, aplaties, dans une indifférenciation sexuelle généralisée.


Au total, mon ambition est de faire rêver un peu mes lecteurs. Peut-être pas des rêves aimables et coloriés mais des rêves troublants, émouvants, de ceux qui ouvrent une nouvelle porte de l’imaginaire et incitent à agir, à vivre autrement que sous les formes qui nous sont imposées. Car voyez-vous, la pire chose qui puisse nous arriver dans une vie, c’est justement qu’il ne nous arrive rien. Ni passions, ni aventure».


Photographies (à l’exception de la dernière) de Geoffroy DEMARQUET

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