dimanche 12 juin 2011

« Lâchez-tout » - Hommage à Chantal Thomass


Avec l’affaire DSK, le féminisme victimaire a trouvé une plateforme idéale.

Ca va même plus loin parce que ça permet de régler tous ses comptes. On « stigmatise » à outrance : les machos, les nantis, les politiques, les puissants, voire une culture toute entière, la française en particulier. Vive la domestication généralisée.

On présente ça comme la dénonciation salutaire d’une hypocrisie générale. Enfin ! la parole se libère, les opprimées se révoltent. On a trouvée grandiose la scène des femmes de ménage new-yorkaises accueillant DSK aux cris de « shame on you ». Moi, ça m’a terrifiée : le fascisme n’a plus besoin de s’appuyer sur un parti politique ; il est dans nos têtes avec la dénonciation unanime des élites, les postures morales affichées, le déchaînement du populisme. Personne ne s’émeut de la disproportion des peines envisagées et d’ailleurs tout n’est-il pas déjà jugé par avance ?



J’ai déjà exprimé à quel point je trouvais détestable l’image des femmes véhiculée par les féministes : des victimes perpétuelles, de pauvres créatures, continuellement menacées par des violeurs, des harceleurs, des manipulateurs et des pères incestueux. C’est la malheureuse Justine du marquis de Sade.

C’est vraiment une vision infantile et déresponsabilisante. Toutes les femmes ne se reconnaissent pas dans cette image.

D’abord parce que s’il faut bien reconnaître que les féministes ont raison sur un point essentiel, la sexualité humaine repose sur des relations de pouvoir, il n’est pas sûr que les femmes soient toujours les dominées et les assujetties dans l’affaire.


Il ne leur est pas interdit de prendre le pouvoir et ma conviction de vampire est même que ce sont souvent elles qui dictent la danse. La soeur de Justine, son négatif, s’appelle Juliette et elle est autrement libre et flamboyante.

La revendication de l’égalité des sexes se heurte de toute manière à la dissymétrie du désir de l’homme et de la femme.

Il faut même le reconnaître : dans le jeu de la séduction, il y a une toute puissance féminine. Les hommes, par eux-mêmes, n’ont pas d’attrait sexuel, ne sont pas séduisants. Ils ne le sont qu’à proportion de leur position sociale et du pouvoir qu’ils exercent.


Le pouvoir économique et la domination sociale des hommes ont donc pour contrepartie la toute puissance érotique de la femme et spécialement de la jeune femme.

C’est l’association de deux magnifiques crapules, c’est le couple fatal et indissociable. Mais son élection conduit aussi à la frustration et à la misère sexuelle de tous les autres : tous les hommes qui n’ont pas réussi dans la vie et toutes les filles moches.

Cette exclusion du plus grand nombre de la compétition sexuelle est la rançon paradoxale, qu’a bien soulignée Michel Houellebec, honni des féministes, du surinvestissement érotique de nos sociétés. La hiérarchie sexuelle reproduit la hiérarchie sociale : les subalternes du sexe sont également ceux de l’économie.

Mais la toute puissance sexuelle concédée à la femme est également source de violence. Par rapport à tous nos idéaux égalitaires, une belle femme est en effet un scandale absolu et, au sein d’un océan de frustration, elle ne peut que provoquer désir de meurtre et de souillure.

Il y a chez tout homme, dans la tentative de conquête, un fantasme d’avilissement de la femme.

Il y a donc d’un côté, le côté masculin, le pouvoir social et l’irrespect et de l’autre, le côté féminin, la toute puissance érotique. C’est comme ça que fonctionnent en gros les relations entre les sexes.


Il n’y a pas de complémentarité, de rencontre possible, rien qu’une sorte de guerre feutrée permanente. Ce désaccord constitutif, ce conflit originaire, c’est ce qui fait le sel, l’étincelle de la vie.

Peut-on prétendre mettre un jour fin au conflit entre les sexes, peut-on envisager leur relation sur des bases entièrement claires et transparentes ?



J’ai cru comprendre qu’on faisait maintenant beaucoup le procès de la culture de la séduction qui prévaut en France.



Eradiquer la séduction, c’est le grand fantasme castrateur du féminisme rétrograde, déjà réalisé en partie, il est vrai, en Europe et en Amérique du Nord.

Mais la séduction, quels qu’en soient les aspects inégalitaires, c’est tout de même ce qui donne lieu à la vraie rencontre de l’homme et de la femme.

Et puis le fait qu’il s’agisse d’un jeu, avec ses règles et codes implicites, ça permet justement de prévenir et désamorcer la violence.


En tous cas, à se dessaisir de la séduction, la femme perdrait sans doute son arme et sa protection la plus forte.

Je terminerai en citant Annie Lebrun qui vient de publier : « Ailleurs et autrement ». C’est délicieusement provocateur de même que son magnifique pamphlet des années 70, « Lâchez-tout », consacré à la niaiserie féministe que l’on ferait bien de rééditer aujourd’hui.


Je retiens surtout cette phrase : « Les voies de la liberté sexuelle sont si impénétrables que, sans prétendre à rien, Chantal Thomass (oui, oui, celle des sous-vêtements) a sûrement plus fait pour celle des femmes que théoriciennes et émancipatrices en chef réunies ».

C’est exactement ce que je pense : entre une femme qui s’habille de Chantal Thomass et une femme qui porte des Thermolactyl de Damart il y a un abîme. Mais le Thermolactyl gagne sans cesse du terrain.



Photographies de : Dario Torre, Kolya, Andreas Heumann, Taiga Sound (Polina Efremova), Klas Falk, Yein et carmilla le golem

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