samedi 12 février 2011

« Le sexe et l’effroi »

Une lectrice, attentive et pleine d’empathie, m’a fait l’honneur de solliciter mes analyses sur la sexualité féminine.

Ouh la la ! J’avoue que je me suis sentie bien incompétente et que je n’ai pas su lui répondre. Alors, j’essaie aujourd’hui de me rattraper un petit peu avec quelques considérations très générales.

- Il y a d’abord votre culture d’origine. Même si les comportements tendent à s’uniformiser, c’est sûr qu’une Japonaise, une Russe ou une Iranienne n’ont pas la même vision de la sexualité et de l’amour. Ca ne veut absolument pas dire qu’elles seraient plus ou moins libérées qu’en Europe de l’Ouest, c’est un autre cadre d’expérience, c’est tout.

- Il y aussi toute la question des rapports de domination. Ca recouvre beaucoup votre situation économique et sociale (les rapports de classe, c’est souvent très fort dans la passion amoureuse) mais ça a aussi une dimension symbolique. Il n’y a en fait jamais d’égalité dans la relation homme-femme. Il y a toujours un oppresseur et un opprimé, un ou une magnifique salopard (e), un ou une victime consentant (e) : l’insupportable désinvolture du dominant (mais l’intérêt bien compris qui le détermine néanmoins), la quête vitale, désespérée, du laissé pour compte. Au final, l’inavouable complicité qui les unit tous les deux : chacun y trouve son compte.


L’amour, la passion, est cynique, c’est ce que l’on occulte généralement. Vous séduisez à propos du pouvoir que vous exercez, de votre capacité à manipuler les signes. Vous vous soumettez à proportion de votre soif narcissique de reconnaissance. Ce n’est même pas une question d’arrogance ou de cruauté, c’est simplement que le désir se nourrit d’inégalité et de sujétion. Je vous invite à ce propos à lire le premier roman d’Emma Becker : « Mr ». Elle vous explique bien que les jeunes filles méprisent les garçons gentils et attentionnés et préfèrent les magnifiques crapules. Mais elles savent, à leur tour, être d’abominables crapules.


- Il n’y a que des amours malsaines et c’est ce qui explique que le désir, c’est toujours quelque chose de tragique. On détruit et on se détruit, on engage son rapport à la mort. Mais de cela, on ne veut justement rien savoir et c’est pourquoi rien n’est plus mensonger que l’idéologie actuelle d’une sexualité hédoniste, joyeuse, sans aspérités. Vision hygiéniste, consolante, qui finalement évacue tout simplement le désir et la part d’horreur qui lui est indéfectiblement liée. Le sexe, ce n’est pas la félicité, c’est l’effroi.


Je ne vais pas revenir une nouvelle fois sur cette impulsion première, essentielle : l’attrait et la fascination pour le mal. Je crois que c’est très fort chez les femmes, surtout celles qui sont belles et séduisantes. Elles se repaissent de la souffrance que provoque, chez les autres, leur perfection. Et elles ne trouvent de plaisir qu’à casser occasionnellement, sans conséquence, cette perfection.



Voilà donc en peu de mots ma vision du désir féminin. Mes propos se veulent aussi la résonance absolue d’un jeune peintre de Sankt-Peterburg qui me trouble beaucoup : Alexander Timofeev. Il commence à être célèbre en Russie (il a exposé au Musée Russe) et en Allemagne. En France, je ne sais pas mais j’ai l’impression que certains de ses tableaux feraient scandale.



Alexander Timofeev (Александр Тимофеев)

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