dimanche 25 juillet 2010

Fantaisies champêtres



C’est déprimant ! J’ai l’impression d’être la seule à continuer à turbiner dans cet été infernal. Ce qui me console, c’est qu’à Moscou, à Varsovie et même à Sankt-Peterburg, on meurt littéralement, depuis un mois, avec des températures qui n’arrivent pas à descendre en dessous de 30°. Là-bas, on ne s’en réjouit pas bêtement, comme en France, mais c’est vraiment un drame. Je pense à Olga, la belle mannequin, terrassée en Lettonie.

Voilà au moins une horreur à laquelle j’aurai échappé.


Dans ce contexte, j’ai moi aussi envie de me reposer. Alors, je la joue facile cette semaine. J’y vais donc de mon pitch récurrent sur John Galliano, avec sa collection automne-hiver.


Cette fois-ci, c’est un peu déconcertant. Ce sont des évocations florales; ça fait d’abord un peu écolo­-bêta, ou Flower Power.


Mais en fait, ce n’est pas du tout ça. On n’est pas dans le « sweet ». Ce sont d’abord des formes amples, évasées, et des couleurs pétantes, flashantes.


Ça fuse et ça clashe sur de vastes corolles.

Est-ce que ça préfigure un retour à la couleur, proscrite depuis près de trente ans ?


Presque toujours, John Galliano revendique une inspiration picturale pour ses collections. Ce n’est évidemment pas le cas pour celle-ci.


Je me suis cependant cassée la tête à rechercher ce qu’elle m’évoquait. Il faut dire que, nous les slaves, c’est un peu notre spécialité, les jardins fleuris autour de la « дача » ou de la « chata ».


On y passe des semaines entières, voire tout l’été, mais pas question d’y être négligées. On y fait au contraire assaut d’élégance.


Victor Borisov-Musatov (Виктор Борисов-Мусатов)

Józef Mehoffer

dimanche 18 juillet 2010

De l’identité nationale



Se réjouir d’abord de la liberté retrouvée de Roman Polanski. Une victoire contre la bêtise, la haine, la terreur puritaine.

Ce qui m’a surtout effrayée dans l’affaire Polanski, c’est que les partis du Bien et de la Vertu, notamment à gauche, se sont fait les alliés des mouvements les plus réactionnaires, les plus populistes, dans la condamnation des élites, de leurs supposés privilèges et de leur corruption. Je ne vais pas crier au retour du fascisme mais tout de même…




Enfin…, c’était aussi, ces derniers jours, la fête nationale, période de réconciliation. J’ai remarqué qu’on avait complètement enterré le débat sur l’identité nationale. J’ai cru comprendre que ce débat était, dans son principe, condamnable car il visait à stigmatiser et exclure certaines catégories de la population. D’ailleurs, personne ne saurait vraiment ce que signifie être français. La France, elle serait justement faite de sa diversité et de son métissage. C’est ce qui permet de jeter aux oubliettes toute l’histoire du pays qui n’aurait été qu’une longue répression.


Pourquoi pas ! C’est d’ailleurs ce qu’il est devenu obligatoire de penser maintenant en France, cette diversité culturelle et ethnique, sous peine d’être taxé d’affreux réactionnaire voire de raciste.





Pourtant, si l’on réfléchit bien, cette obsession de la diversité, du métissage n’est, comme l’a souligné Jean Rolin, que le reflet inversé de la pureté raciale.


Et puis tous ces thuriféraires de la diversité, du « tout se vaut », ne font que le jeu de ce que, généralement, ils combattent : la mondialisation avec son kitsch, sa sous-culture, sa vulgarité, la banalisation complète de la vie et des sentiments.


« La lutte contre toutes les formes de discrimination participe de ce mouvement vers une civilisation mondiale destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l’honneur d’avoir créé les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son sens à la vie ». Claude Levi-Strauss





C’est assez curieux, cette incapacité des français à penser leur héritage. Pour les pays que je connais, cette question de l’identité ne se pose même pas tellement elle est évidente. Pour les Russes, les Polonais, les Allemands, l’identité nationale c’est d’abord la culture, c'est-à-dire la littérature, la musique, la peinture, la philosophie. Pas un Allemand qui ne sache parler de Kant, pas un Russe qui n’ait lu Tolstoï, pas un Polonais qui ne sache réciter Mickiewicz.



Il est évident qu’il y a bien pour moi une identité française, qui ne se réduit pas à la diversité Black-Blanc-Beur et qui n’est pas bien difficile à définir.


C’est notamment une culture au sein de laquelle ont pris naissance l’Etat démocratique moderne, l’art du roman, l’impressionnisme, le cinéma « nouvelle vague », les cafés, l’art de la conversation, l’élégance....


J’ajouterai aussi une certaine relation inédite entre les sexes, faite de séduction et de complicité. Il y a ainsi, même si c’est en régression, une érotisation très singulière de la vie sociale.
De tout cela malheureusement, il semble que plus personne n’ose parler parce que c’est trop discriminant.




Louis TRESERRAS – J’ai choisi ce peintre français pour la sensualité magnifique et singulière de ses nus illustrant bien une « culture »

samedi 10 juillet 2010

Les couleurs de la nuit




Par ce temps effroyable, on ne peut évidemment sortir que la nuit.




Heureusement, les nuits d’été sont pleines d’attrait, d’émotion et de désir notamment. C’est d’abord un plaisir de se promener à peine vêtue et puis, comme il fait sombre, on peut forcer sur le maquillage. Faire des rencontres n’est pas trop difficile, les gens sont plus disponibles. Alors moi, je patrouille dans mon petit coin de l’église orthodoxe russe et les naïfs croient que je suis l’incarnation de leurs fantasmes slaves. Les pauvres…, le rêve a un prix exorbitant. Il n’y a pas de désir sans sanction, c’est ce que je m’attache à rappeler. Il m'apparaît obligatoire que tous les hommes voient le film japonais "Audition".





Comme chacun sait aussi, les nuits d’été ne sont pas noires. Elles sont bleues, vertes et laiteuses. Les corps, eux, sont rouges et cuivrés, luisants.







Il y a surtout une mélancolie propre à la nuit d’été. «Wieczorna Tęsknota», la langueur nocturne nostalgique, dit-on en polonais. Qu’on le veuille ou non, l’été, c’est le début d’un irrésistible déclin, celui qui vous conduit inexorablement vers la froidure et la mort.




Gustaw Gwozdecki

dimanche 4 juillet 2010

Jó napot kívánok


Quelle affreuse semaine de lumière et de chaleur sur Paris ! Ca me rend folle d’autant plus que les parisiens semblent tous afficher une mine de satisfaction béate. Je me sens vraiment seule. Quand est-ce que ça va se terminer cette horreur ?

Pour me redonner du courage, je pense aux vacances. Je me souviens qu’autrefois, j’allais souvent en Hongrie. La Hongrie, c’était vraiment un grand dépaysement au sein du bloc communiste. C’était une Hongrie du plaisir avec des couleurs éclatantes, des magasins approvisionnés, une cuisine et des restaurants extraordinaires avec une ambiance musicale de qualité ; du paprika, des champignons, des piments; des vins buvables, l’ « Egri bikaver » (le sang de taureau) et le Tokaji. Plein de jolies choses à acheter aussi et je m’étais évidemment improvisée trafiquante de porcelaine de Herend à destination de l’Allemagne de l’Ouest.


Et puis Budapest, c’était vraiment magnifique. Un site naturel extraordinaire d’abord avec le Danube gigantesque, surplombé par la colline de Buda. Et aussi, une architecture fin de siècle délirante, des piscines thermales où on se rencontrait et jouait aux échecs. Enfin un parfum d’Asie avec quelques vestiges de la présence turque et surtout cette foutue langue, venue des confins mongols, absolument incompréhensible.



J’avais mes habitudes sur l’île Marguerite et à l’hôtel Hilton (qui ne ressemblait à aucun Hilton au monde).

Et puis, après la chute du mur, j’ai cessé d’aller en Hongrie. J’y suis retournée il y a quelques années. Quelle consternation ! Mon beau rêve avait été saccagé. La même horreur qu’à Prague avec la foule et le triomphe du kitsch. Une cuisine immangeable, des magasins vendant de la camelote, des chaises en plastique et des parasols Coca-Cola...



Adriana CZERNIN