samedi 12 juin 2010

« Le match du siècle »


Ca vous étonnera peut-être, mais j’aime beaucoup le sport et je suis très sportive.

Il est de toute manière bien connu que les vampires ont des capacités physiques exceptionnelles. C’est mon cas.

Et puis, on entretient dans le sport un rapport particulier avec son corps. D’une certaine manière, il s’agit de s’en libérer, de s’en affranchir. C’est la démarche des mystiques,…ou des anorexiques.

C’est maintenant le début de la Coupe du Monde. Le football, ça ne me dit pas grand-chose. Je ne vais de toute manière regarder aucun match puisque ni la Russie, ni l’Ukraine, ni la Pologne ne sont qualifiées. Le foot, ça m’irrite même beaucoup en France où ça a pris une importance démesurée, grotesque. Face à l’hystérie et au matraquage médiatiques, on se dit que le pays est vraiment descendu bien bas et j’espère vraiment une bonne raclée des bleus qui permettra peut-être de revenir à plus de modestie et d’esprit critique.



Je me souviens cependant qu’en Ukraine, le football a joué un rôle très important dans le développement de la conscience nationale et la conquête de l’indépendance. Les Ukrainiens se considéraient en effet comme les artistes et les prodiges du football, surtout par rapport aux Russes.

Je ne suis pas capable de juger mais il y a un club, le « Dynamo de Kiev » (Динамо Київ), porteur de la fierté ukrainienne. Le stade officiel du club, c’est le Lobanovski Dynamo Stadium. C’est assez curieux, à la différence de tous les autres stades, il est situé en plein centre ville et tout le monde peut y accéder librement.

Pour les ukrainiens, c’était évidemment le meilleur club d’URSS. D’ailleurs, la meilleure équipe d’URSS qui ait jamais existé, c’était celle de 1986-1988. Emmenée par Oleg Blokhin (Олег Блохин) et Igor Belanov (Ігор Бєланов), elle était composée presque uniquement de joueurs du Dynamo de Kiev. Seule une malchance invraisemblable l’a empêchée de conquérir un titre majeur.



Enfin…, tout cela n’est pas très intéressant et vous vous demandez sûrement où je veux en venir.

En fait, le plus grand titre de gloire du club remonte à 1942. C’est une histoire extraordinaire, dont on trouve le récit à l’entrée du stade Lobanovski et que rappelle, avec beaucoup d’à propos, Laurent BINET dans son remarquable livre, HHhH, consacré à Heydrich, chef d’Eichmann et bras doit d’Himmler. Un type pour lequel il n’y a aucun qualificatif.

L’Ukraine en 1942, c’est la terreur absolue. L’extermination finale bat son plein. Les populations, d’abord les juifs et les politiques, sont impitoyablement massacrées par la Wehrmacht et les Einsatzgruppen, les commandos de la mort. Des fusillades en masse, traumatisantes, paraît-il, pour les bourreaux eux-mêmes ce qui les conduira à rechercher des solutions moins impliquantes et plus efficaces. A Lvov, à Kiev, à Kharkov, des milliers de cadavres, suspendus aux arbres, aux lampadaires, aux balcons décorent, sinistrement, les grandes avenues.




Dans ce monde de mort, les Allemands, de manière très étrange, ont souhaité, pour se distraire, organiser des matchs de football avec les différents pays occupés. Or, une équipe se fait remarquer par les occupants, qui décident d’organiser un match de prestige à Kiev entre elle et la Luftwaffe. Cette équipe est principalement composée de joueurs du Dynamo de Kiev, regroupés sous le nom de Start.

Le match se joue en juillet 1942. « Le match de la mort », dans une ambiance funèbre.



Les joueurs du Dynamo auraient ridiculisé les allemands, gagnant par 8 à 0.

Après cette victoire éclatante, l’équipe a été arrêtée par les SS.

La plupart des joueurs seront torturés, conduits à Babi Yar (Бабин яр) et assassinés.


C’était incontestablement le match du siècle.



Raphaëlle COLOMBI – Le trottoir bleu

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