dimanche 23 mai 2010

La terreur puritaine


Notre époque passe pour être celle de la libération sexuelle et de l’épanouissement personnel. Il y a même un impératif de jouissance et d’accomplissement de soi.


Pourtant, si l’on est en prise avec les media et l’actualité, on a vraiment l’impression de vivre dans un monde de plus en plus effrayant et terrorisant.


La vie des femmes en particulier semble n’être faite que de malheurs et d’agressions. C’est vraiment « Justine ou les infortunes de la vertu » du divin marquis mais sans retirer la vertu pédagogique de ces expériences.


Au travail, on aurait presque toujours affaire à deux ou trois harceleurs qui vous humilieraient continuellement et chercheraient à vous briser psychologiquement. N’espérez pas trouver réconfort auprès de votre conjoint. Souvent il vous bat (10 % des femmes seraient battues) ou, plus insidieux, il exercerait sur vous une violence psychologique. Heureusement qu’on vient de créer un délit de violence psychologique dans le couple qui n’a rencontré que des partisans à l’Assemblée Nationale. Orwell l’avait annoncé, l’Etat va enfin pouvoir s’immiscer dans l’évaluation psychologique des individus et des couples.



Quant à votre enfance, elle a probablement été assassinée. Des « spécialistes » viennent vous affirmer que la réalité de l’inceste concernerait 1 enfant sur 10, que 2 millions de Français (des femmes pour la plupart), soit 3% de la population, auraient été victimes d’inceste, et un Français sur quatre connaîtrait au moins une personne qui a vécu ce traumatisme (in « Le Nouvel Observateur » du 1er mai). Si vous voulez briller en conversation, expliquez que la célèbre chanson « l’aigle noir » de Barbara est une illustration du viol par son père.


Evidemment, tout cela est effrayant et je n’oserai pas évoquer la pédophilie, les serial-killers et les innombrables violeurs qui font craindre aux jeunes filles de prendre le métro le soir.





Quand on additionne tout cela, au moins 120 % de femmes ont été violées, harcelées, traumatisées. C’est l’état de frousse généralisé. On parle aujourd’hui de « crime sexuel » avec sa conséquence la « mort psychologique » et l’incapacité définitive à avoir une sexualité normale.


Quand on a échappé à toutes ces horreurs, ce qui est mon cas, on se prend d’abord à penser que l’on a une chance insensée. On peut aussi estimer que les horreurs ne vous détruisent pas forcément si vous savez les affronter.


Ce qui est curieux, c’est que presque personne n’ose critiquer ces chiffres dont la scientificité est pourtant sujette à caution.


Seules Elisabeth Badinter et Marcela Iacub, dans des registres différents, ont le courage de dénoncer ces calembredaines.


La cause semble entendue : nous sommes tous des victimes; les femmes en premier lieu bien sûr, tellement délicates et généreuses, incapables de violence; mais de plus en plus aussi, les hommes, altruistes et désintéressés. La clé de compréhension de notre psychisme, ce serait notre statut de victime, cette violence physique ou psychologique que nous aurions passivement subie, un effroyable traumatisme qui nous aurait psychologiquement détruit et dont ne sauraient nous délivrer que les « médecins de l’âme », psychanalystes et psychiatres.




A moi, Carmilla la vampire, cette victimisation généralisée est insupportable. Elle ne correspond pas simplement à un nouveau puritanisme qui présente la relation à l’autre, la sexualité, comme éminemment dangereuse, redoutable.


Elle relève surtout d’un processus plus général d’infantilisation et de domestication de l’homme, avec le concours de toutes les institutions de santé. Un projet totalitaire, une pacification grégaire, dirait Nietzsche.


Il s’agit de vous priver de votre capacité à affronter et assumer votre destin propre, à affirmer votre autonomie et votre liberté.




Dylan LISLE

2 commentaires:

Olga a dit…

C'est tellement vrai et fort ce que tu écris que c'est difficile de te laisser un commentaire... On reste cloué...

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Olga !

Je déteste vraiment cette peur dans la quelle on se plaît à nous entretenir.

Carmilla