samedi 8 mai 2010

Du narcissisme, de la frigidité, du pouvoir et de la terreur en amour


La comtesse Erzsébet Báthory (Alžbeta Bátoriová ou Elżbieta Batory), c’est de prime abord la tarte à la crème de la littérature vampirique. Elle est la plus célèbre meurtrière de l’histoire hongroise et slovaque. Elle serait l’ancêtre des serial-killers, avec l’assassinat, au 16ème siècle, de plusieurs centaines de vierges dont le sang était censé lui redonner jeunesse et beauté.

Je ne l’ai jusqu’alors jamais évoquée, par méfiance justement des clichés. Pourtant, je connais très bien les lieux où a vécu la comtesse Erzsébet Báthory. Elle vivait non pas en Hongrie, comme on l’imagine, mais en Slovaquie dans le château de Čachtice (prononcer T’chaxhtitsé en accentuant le i), tout près de la ville de Trenčín, relativement loin, en fait, de Budapest.




Trenčín, j’y ai séjourné à plusieurs reprises. C’est une ville très agréable, toute proche des Carpathes, dominée par un immense château médiéval. C’est très gai avec une grande place bordée de façades renaissance sur laquelle débordent des brasseries trépidantes. Je me souviens m’y être soûlée à plusieurs reprises, dans des fêtes nocturnes estivales.

Trenčín, au 16ème siècle, c’était un rempart ultime contre l’envahisseur ottoman. Quand on consulte une carte géographique, on se rend compte que c’était évidemment préoccupant pour l’Europe.


Tout cela, ce récit de l'un de mes voyages, pour vous dire que j’ai beaucoup aimé le dernier film de Julie Delpy, « la Comtesse ».




Julie Delpy, je l’aime bien. Je me souviens d’elle dans le film dérangeant d’Agnieszka Holland : «Europa, Europa ». Et puis aussi dans les films de Kieślowski. J’ai également en mémoire un entretien où elle déclarait avoir été bouleversée par la lecture de Georges Bataille.


Dans son film « la Comtesse », elle évite habilement le folklore gore pour offrir une compréhension contemporaine d’Erzsébet Báthory. Qu’est-ce qui peut bien nous concerner, au fond, dans cette comtesse sadienne ? Pourquoi nous fascine et nous trouble-t-elle encore ?


Moi, je me suis reconnue dans quelques idées fortes :


- l’incapacité à aimer et à être aimée lorsque l’on exerce un pouvoir. Je sais bien que ça ne concerne qu’un petit nombre de gens dans la société mais pour moi, c’est un problème très fort. Le pouvoir se paie d’une tétanie affective et cela vaut pour les femmes comme pour les hommes. Au pouvoir est indissolublement associée la frigidité. A méditer...





- la passion, l’amour, sous leurs formes extrêmes, ne sont en fait qu’une quête narcissique éperdue. La folie de l’amour qui vous torture, vous vampirise, vous conduit à rechercher sans cesse un surcroît de puissance, d’assurance narcissique. C’est aussi ce qui explique la terreur en chaque femme de n’être plus un jour aimée, désirée : la peur frénétique de l’âge, de la beauté qui passe. Cette angoisse affreuse légitime la cruauté la plus extrême. Erzsébet Báthory énonce magistralement, sous une forme démente, cette terreur narcissique. Certes, c’était la Hongrie du 16ème siècle. Pas sûr toutefois que notre époque soit libérée de cette terreur. Le masochisme de l’amour fou, toujours à la mode, est prêt à s’accommoder de la terreur sadienne.
Jusqu'où une femme est-elle aujourd'hui capable d'aller pour être la plus belle et la seule aimée ? Peut-être presque aussi loin que la comtesse de Bàthory.

Oleg Nazarenko - Олег Назаренко

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