dimanche 7 mars 2010

Pensée monde


C’est sûr, je ne parle pas beaucoup de la France dans mon blog. C’est pourtant là que je vis principalement. Mais je me sens personnalité non qualifiée. Le tourisme ? Je connais surtout Paris et un peu les Alpes. Une fois, je suis allée au bord de la Méditerranée mais je me suis tout de suite enfuie. La cuisine ? Je n’y connais rien du tout, pas plus d’ailleurs à la cuisine française qu’à la cuisine russe ou polonaise. La mode ? J’ai tendance à m’habiller « showy », à la slave, donc ce n’est pas toujours l’élégance parisienne. La politique ? Je suis libérale, jusqu’au bout, ce qui n’est pas évident dans un pays étatiste et policé, sinon dans ses mœurs du moins dans ses opinions.




Cela dit, je suis quand même d’assez près l’actualité culturelle parisienne. Récemment, j’ai assisté avec étonnement et inquiétude au lynchage médiatique qui a accompagné la sortie des deux livres de Bernard-Henri Lévy. La violence des textes, dans la presse et sur internet, est vraiment incroyable. Ca me rappelle vraiment les déchaînements des affaires Polanski et Mitterrand, à cette différence que c’était alors surtout les « braves gens » qui s’exprimaient. Aujourd’hui, ce sont des gens qui s’affichent « intellectuels » mais qui donnent surtout l’impression d’avoir un compte à régler avec ceux qui ne partagent pas leur vie médiocre.


Alors, accrochez-vous bien avant de me cracher dessus : moi, j’aime bien Bernard-Henri Lévy (j’ajouterai même que je le trouve très sympathique de même que son épouse, Arielle Dombasle, dont j’apprécie beaucoup l’esprit de dérision) ; j’aime bien aussi Alain Finkielkraut. En littérature, je considère que les trois plus grands écrivains français contemporains sont Philippe Sollers, Michel Houellebecq et Jonathan Littell. A titre plus personnel, j’apprécie aussi beaucoup les deux frères Rolin, mais eux, presque personne ne les connaît. Je terminerai même en disant que j’aime bien Christine Angot, mais, là, je fais quand même un peu de provocation.



Après cette énumération, j’imagine que vous allez me classer tout de suite dans la catégorie des super-nulles ou des midinettes décervelées.


Moi, je m’interroge plutôt sur un pays qui voue une pareille haine à ses écrivains et penseurs. Je suis également consternée quand je vois ce qui « se vend » dans la littérature française : Anne Gavalda, Amélie Nothomb, Eric-Emmanuel Schmitt, Marc Lévy, Bernard Werber, Jean-Christophe Grangé. C’est du divertissement mais évidemment pas de la littérature. J’ai même envie de pleurer quand je constate que je ne trouve que ça dans les librairies de Moscou ou de Varsovie. Quelle drôle d’image ça donne d’un pays qui s’est longtemps voulu flambeau de la culture !




Bernard-Henri Lévy, ça ne veut évidemment pas dire que c’est mon maître à penser. C’est sûr aussi que si on le compare à Deleuze, Foucault, Derrida, Lyotard, ça fait un peu léger. Je pense cependant qu’il n’y a rien de déshonorant à le lire. C’est tellement plus pertinent que les inquiétants staliniens, Bourdieu et Badiou, qui occupent aujourd’hui le devant de la scène.
Pour moi, BHL a su poser les bons problèmes : l’histoire, le totalitarisme, la démocratie, l’éthique, la Shoah. Il a bien montré que le vrai penseur de notre temps n’était pas Marx mais Tocqueville. Surtout BHL a arpenté le monde, voyagé, beaucoup voyagé et a su donner une dimension mondiale à la question politique. Il m’irrite évidemment souvent, en particulier dans sa détestation de la Russie, mais n’est-ce pas cela justement qui est stimulant ?



Il se différencie ainsi complètement des penseurs de l’ancienne génération : Deleuze, Derrida, Foucault. Aussi admirables soient leurs constructions théoriques, il est bien difficile d’en tirer une pensée politique cohérente, réaliste, en phase avec les problèmes actuels du monde. Il est d’ailleurs pour moi frappant de constater que ces grands philosophes n’ont que peu ou pas du tout voyagé. D’où leur enfermement dans une attitude esthétique, certes magnifique et séduisante, mais en décalage complet avec l’irruption du monde tout entier dans nos vies et nos pensées.


Voilà, je termine. J’ai choisi d’illustrer mon post avec une peintre franco-britannique, Monica Fagan. C’est délicieusement anachronique, avec une inspiration surréaliste qui nous rappelle une période d’extraordinaire créativité.




Monica FAGAN

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