vendredi 8 janvier 2010

ESTHER


Evidemment, je me suis précipitée pour aller voir « Esther ». Ce qui est dommage, c’est qu’on a généralement présenté ce film comme un banal film d’épouvante pour ados. On nous annonce même, sur les affiches de promotion, que « nous allons adorer détester Esther ».

Des propos pareils me terrifient surtout lorsque l’on sait que, dans le film, Esther est russe et juive. Ca en dit long sur les fantasmes en vigueur. Etre russe, ça devient de plus en plus difficile. On est en train de forger dans les media une image absolument monstrueuse de la Russie. Etre juif, je n’ai pas besoin de développer.

Surtout, ça montre qu’on a compris le film complètement de travers en se mettant du côté des bien pensants, des braves gens obsédés par leur sécurité, et non du côté de la petite fille criminelle. Seul le journal « le Monde » a fourni une critique très pertinente d’ « Esther » en montrant qu’il s’agissait d’un film profondément subversif.

Moi, j’adore Esther et je suis Esther. J’espère même être aussi malfaisante qu’elle.

Esther est russe, Esther est juive. Esther a des dispositions artistiques, picturales et musicales, exceptionnelles. Esther lit la Bible quand ses camarades s’abrutissent de jeux vidéos et de musique rock. Esther, c’est le combat de l’art et de la culture contre la barbarie moderne : la médiocrité petite bourgeoise, l’enfer aseptisé de la cellule familiale.

La guerre déclarée à l’horreur du monde, sa banalité, son ennui. Tout plutôt que le torrent des bons sentiments, la mièvrerie et l’obsession sécuritaire. Même si cela passe par la désintégration et le crime.

Esther, c’est l’insurrection de « la grande culture de la Vieille Europe contre l'univers sans mémoire et sans histoire du monde nouveau. »

Pour cela, Esther renouvelle le geste de Raskolnikov dans « Crime et Châtiment » (Преступление и наказание) : la gratuité du crime comme œuvre d’art et la transfiguration par le crime.


Photos Carmilla Le Golem (SIGMA DP1) – Place des Ternes

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