dimanche 4 octobre 2009

« Cul de sac »


Polański (prononcer Polagn’ski en accentuant sur le a), évidemment j’adore.

Certes, il me fait d’abord enrager parce qu’il parle bien mieux que moi le polonais, le russe, le français, l’allemand et l’anglais. Son cosmopolitisme est d’abord fascinant, de même que sa connaissance intime du judaïsme et du christianisme.


Et puis, il y a le lien très fort avec la ville médiévale de Cracovie (Kraków), avec ses artistes fous, et les merveilleuses montagnes avoisinantes des Tatras, avec leurs villages de maisons en bois.


On présente souvent Polański comme un réalisateur de films d’horreur. Son cinéma refuse pourtant tous les effets et repose plutôt sur la suggestion.




























Il montre simplement, me semble-t-il, l’affleurement continu du mal dans la vie la plus banale. Et puis, il aborde beaucoup de thèmes « inactuels » : l’effraction de l’autre dans notre intimité, l’ambiguïté du rapport bourreau-victime, la relation maître-esclave, l’absence de héros, les oubliés de l’histoire.


Curieusement, c’est sur « le Bal des vampires », dont je n’ai pas aimé le caractère de comédie, que j’exprimerais le plus de réserves. Mais il faut absolument redécouvrir certaines œuvres anciennes : « le Couteau dans l’eau » (Nóż w wodzie), Deux hommes et une armoire (Dwaj Ludzie z Szafą), Quand les anges tombent (Gdy Spadają Anioły) et puis bien sûr « Cul de sac », « le locataire » et « Tess ».


L’arrestation à Zürich, la semaine dernière, de Roman Polański a soulevé une saine indignation des personnalités politiques et artistiques. Cependant, si on lit quelques commentaires sur Internet, on se rend compte tout de suite que « les braves gens » ne suivent pas : on souhaite vraiment que Polański fasse ses 30 ans de prison.























C’est sûr, la nouvelle morale sexuelle, sous ses masques émancipateurs et hédonistes, est aujourd’hui triomphante. Nous vivons une drôle d’époque obsédée, hantée jusqu’à l’hystérie, par la figure du monstre et du criminel sexuel (même Bernard-Henri Levy, que j’aime pourtant bien, a parlé d’acte criminel concernant Polański !!). Le fantasme d’un monde étrange qui, comme l’a bien montré Marcela Iacub, serait peuplé d’une foule de dangereux pervers, des pédophiles en premier lieu mais aussi des violeurs, des harceleurs, des manipulateurs.


C’est le triomphe de la victime : qu’il est loin le temps des Lumières, quand on considérait l’homme capable d’assumer, par lui-même, son propre destin.



Jan Lenica – Andrzej Pagowski

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