dimanche 13 septembre 2009

Le miracle de la Vistule


Depuis Yalta (Ялта), j’ai redégringolé très vite sur Cracovie (Kraków). Autres pays, autres mœurs et surtout autres langues.

Je suis peut-être l’une des seules à me poser cette question mais j’ai vraiment l’impression qu’on a inventé ces foutues langues du russe, du polonais, de l’ukrainien, du slovaque, tellement proches mais néanmoins différentes, rien que pour me torturer.

Les affres du plurilinguisme, on ne sait pas toujours ce que c’est. Cette impression qu’on comprend et parle bien sûr mais jamais complètement, jamais parfaitement ; c’est comme une vieille radio avec plein de parasites, toujours avec des incertitudes et quelquefois même des incompréhensions et des blancs.

C’est sûr que le monde apparaît tout de suite beaucoup moins simple. En écho, j’attrape les premières phrases du remarquable dernier livre de Pascal Quignard : « Qu’est ce qu’un littéraire ? Celui pour qui les mots défaillent, bondissent, fuient, perdent sens. »























Cela dit, la Pologne, ça fait tout de suite beaucoup plus civilisé que la Russie. On ne se fait plus rabrouer à chaque fois qu’on demande quelque chose et on y a le sens de la qualité du service.

Les deux pays se détestent cordialement, c’est bien connu, même s’ils ont aussi beaucoup de points communs. Le comble de la provocation, en Pologne, c’est de se déclarer russophile, comme le fait l’écrivain Mariusz Wilk.

Il est vrai que l’histoire ancienne et récente donne de bonnes raisons aux polonais d’en vouloir aux russes. Mais au-delà d’un nationalisme étriqué, il y a un questionnement culturel réel.

Pour moi, les choses sont claires ; ce que j’aime, c’est la dimension tragique de la culture polonaise qui culmine dans une fascination pour l’horreur et la mort. C’est le fond slave qu’on retrouve aussi en Russie mais sous une forme très atténuée. C’est un aspect très mal compris en France où l’on est modéré en toutes choses et où règne la dictature du bon goût.























Mais il y a aussi, en Pologne, une filiation directe avec l’esprit viennois, le raffinement et la sensualité de l’Autriche-Hongrie. C’est cela le miracle de la Vistule; ce n'est pas seulement une victoire militaire, celle de 1920, c'est surtout la victoire de la culture de l’Europe Centrale sur le totalitarisme. Etrangement, peu de français savent que le général de Gaulle a participé à ce miracle.

Pour illustrer mes propos, j’ai choisi quelques tableaux d’Axentowicz. Je crois que personne ne le connaît en France. Il était recteur de l’Académie des Beaux-Arts à Cracovie.


Teodor Axentowicz

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