dimanche 30 août 2009

« Europa, Europa »



Alors, j’ai encore changé d’avis. J’ai remisé ma voiture à Cracovie (Kraków) et je suis allée franchir la frontière ukrainienne à pied, à Vyšné Nemecké.


Vyšné Nemecké, c’est le bout du monde et puis ça veut dire les cerises allemandes et je trouve ça tellement joli pour un poste frontière que c’est mon point de passage favori. Ca donne surtout ouverture sur les merveilleuses Carpathes ukrainiennes, tellement méconnues et si mystérieuses.


En ce qui me concerne, je n’ai toujours pas intégré la partition de l’Ukraine et de la Russie, même si je reconnais que c’est une très bonne chose ; cependant, je suis perturbée quand je constate que, maintenant, je me fais parfois difficilement comprendre, surtout auprès des jeunes.



























Cela dit, je me sens toujours dopée et boostée quand je retrouve l’Est. On y a un sentiment d’ébullition permanente. Tout bouge et surtout on a beaucoup moins de préjugés et davantage d’audace. Ce qui est sûr, c’est qu’on veut que la vie soit différente et festive.


Et oui !!! La vie peut être aussi très agréable et très gaie en Ukraine et en Russie. J’aime rappeler cela en France, au risque de me faire agresser ; ça tranche avec la tonalité monstrueuse des media occidentaux alimentée par des journalistes d’une compétence et d’une honnêteté douteuses.


Le problème, il est vrai, est que les ukrainiens et les russes commencent à devenir un peu paranoïaques car ils se sentent rejetés par l’Ouest.


Il est en effet consternant de constater que l’appartenance naturelle de l’Ukraine et de la Russie à l’Europe est très largement mise en doute.


Il est ainsi effrayant de lire dans des journaux de qualité (Libération, le Monde) qu’on ne sait pas bien ce qu’est l’Europe et qu’il n’y a pas de critère absolu de définition. Ca ne peut pas être la langue, ni la religion, ni la géographie. Ce qui permet de conclure qu’il n’y a aucun obstacle à une adhésion de la Turquie.

























Et bien moi, je sais très bien ce qu’est l’Europe. Contrairement aux ânes de gauche et de droite, les critères d’européanité ne sont pas ethniques mais culturels. L’Europe, c’est une culture. C’est la littérature ( en particulier l’art du roman), la peinture, la musique. C’est aussi une architecture et certaines institutions, en particulier celle du café, comme l’a si bien souligné Stefan Zweig.


Dans tous ces domaines, je ne ferai l’affront à personne de rappeler les contributions de la Russie et de l’Ukraine.


Pour illustrer mes propos, j’ai choisi quelques tableaux d’Ilya Glazunov ( Илья Глазунов).


Ilya Glazunov, c’est un peu le peintre officiel du régime et c’est souvent un peu kitsch. Cependant, son œuvre est immense et diverse et il sait insister, avec justesse, sur la dimension de la culture en laquelle chaque russe se reconnaît.



dimanche 23 août 2009

Naumburg, Röcken : le retour de Nietzsche


A Naumburg et à Röcken, dans l’ancienne R.D.A., on a réhabilité les lieux et habitations de Nietzsche, délaissés sous l’ère communiste. On a surtout érigé des sculptures commémoratives, de prime abord déconcertantes mais qui correspondent bien en fait à la singularité du penseur et surtout à sa modernité.


Comme toutes les adolescentes, dans l’exaltation de mon unicité, j’ai bien sûr été nietzschéenne. Je suis aujourd’hui beaucoup plus réservée. D’abord parce qu’à l’encontre de nombreux thuriféraires français qui voient en Nietzsche un penseur d’extrême gauche, on ne peut tout de même pas faire complètement abstraction de nombreux textes, sur la démocratie, les juifs, les femmes, qui vous font sauter au plafond.


Et puis les épigones de Nietzsche sont maintenant partout. L’ « homme sans qualités » d’aujourd’hui est sûr de lui, égocentrique, affirmant son individualité et dépourvu de toute compassion. Tellement à l’écoute de ses émotions, à la recherche de son authenticité, fréquentant les psychiatres et spécialistes de l’âme pour faire de sa vie une œuvre d’art.




Hi, Hi !!! Ce qui est sûr, c’est que Nietzsche a terrassé Kant.


En fait, ce que j’aime bien chez Nietzsche, c’est sa philosophie de l’histoire : la culture et la civilisation comme processus cruel de domestication et de dressage. La discipline des corps et des esprits, c’est une réalité de plus en plus forte aujourd’hui qui accompagne la banalisation démocratique.


Je terminerai en disant qu’on a, en outre, peut-être mal compris Nietzsche. « Dieu est mort, alors tout est permis », dit on couramment.


Mais non, répond Dostoïevsky !! ! Si Dieu est mort, alors plus rien n’est permis parce qu’il n’y a plus rien à désirer. Plus rien que ce vide effrayant de la présence au monde. Rien, il ne se passe jamais rien, la vie comme non-événement massif, répétition à l’identique que l’ennui infiltre sans cesse.

Archives et photos de Carmilla Le Golem - Sigma DP 2

dimanche 16 août 2009

Chasse en Germanie



Comme c’est étrange ! Je devais m’envoler pour l’Ukraine et les côtes de Crimée et puis j’ai été, tout à coup, saisie de mes pulsions vampiriques irrépressibles.



Alors, j’ai pris mon bolide et je suis partie sillonner l’Europe à toute allure, attendant l’événement qui étancherait ma soif. Une glissade lumineuse qui me conduit d’abord à Genève, où je voulais revisiter la maison de Voltaire à Ferney. Voltaire que j’aime tant, qui incarne magnifiquement cet esprit des Lumières que nous oublions si souvent aujourd’hui. J’ai aussi revu, au bord du lac, la statue de Sissi, hélas noyée au milieu d’immondes baraques de fête foraine.



Et puis, j’ai traversé la Suisse pour me retrouver au bord du Bodensee, à Konstanz. Mais la douceur alpine ne me convenait plus, alors j’ai décidé de remonter vers le Nord.

Des heures passées dans la vitesse où le voyage, empreint d’une attention extrême, se fait, se défait, dans la confusion des lieux, des jours, des moments ; c’est cela, le vol des oiseaux.


D’abord Munich où j’ai été émerveillée par la villa de Franz Von Stuck et où j’ai passé des heures infinies dans les brasseries, emportée par la merveilleuse convivialité allemande.


















Puis la ville du romantisme, Weimar, et celle du « penseur à coups de marteau », Naumburg. Je descendais dans de magnifiques hôtels, aux noms qui m’étaient prédestinés, le « Petershof », le « Russischer Hof », mais toujours rien, toujours pas ce coup d’éclat qui me bouleverserait.




Alors,… je me suis dirigée encore vers le Nord, jusqu’à Stralsund puis l’île de Rügen; les falaises crayeuses, d’une blancheur sépulcrale, en ont inspiré le peintre romantique, Caspar David Friedrich.


Mais rien, déception ! alors, redescente vers le Sud. Enfin, à Lüneburg, dans le silence de la lande et des tourbières, dans l’éclat des bruyères, des grands champs parsemés des squelettes d’arbres morts, elle était là ; elle tenait la réception d’un hôtel noyé dans la verdure.


Elle avait les yeux mauves. Elle est maintenant immortelle comme moi.

























Il ne me reste plus maintenant qu’à me dépêcher, prendre un avion à Berlin, pour rejoindre mes copines à Yalta, via Kiev et Simferopol. Pour y passer enfin des vacances normales.


Je vous laisse quelques images que j’ai faites de ce périple et qui correspondent bien à mon état d’esprit d’alors.


Photos : Carmilla le Golem (Ferney, Konstanz, Munich, Lüneburg). Sigma DP2

samedi 1 août 2009

Dépaysants paysages


C’est l’époque des grands voyages.

Chacun porte en soi, souvent depuis l’enfance, le rêve d’un pays, réel ou imaginaire, dont la seule évocation donne force et énergie.

Pour moi, c’est évidemment le paysage russe qui me hante continuellement ; peut être moins pour sa beauté que pour son immensité.




























On perçoit sans doute mal ici la dimension spirituelle de cet espace gigantesque. Cet appel continu à la découverte et à l’aventure. Le sentiment d’être un explorateur, toujours à la recherche de zones jamais défrichées ; le lien profond avec l’Asie…

Et puis l’espace russe demeure hanté ; hanté par des animaux fabuleux, des lutins et des sorcières, des devins et des prophètes. L’espace magique plutôt que l’espace civilisé.

Moi, j’aime remonter très loin vers le Nord, jusque là bas où la lumière devient très blanche inondant les visages et les lieux d’un éclat dramatique. Les îles Solovki ( Соловецкие острова), le lac Onego (Онежское озеро), voilà où j’aime disparaître, dans la confusion blanche du ciel et de l’eau.





Vasnetsov (Виктор Михайлович Васнецов), Levitan (Исаак Ильич Левитан)