lundi 1 juin 2009

« A l’Est de moi »



Dans quelques jours, on va voter. Evidemment, je suis internationaliste et mondialiste (y compris en matière financière). C’est une profession de foi qui réclame presque du courage aujourd’hui. Mais j’aime bien aussi l’Europe des nations et tous ces petits pays et régions auxquels personne ne s’intéresse : les trois états baltes, l’enclave de Kaliningrad, le Belarus, la Ruthénie, la Moldavie, la Transnistrie…


J’ai déjà parlé de mon amour pour la Slovaquie. C’est le pays d’Andy Warhol, de Martina Hingis et d’Adriana Sklenaříková (Karembeu).
Pourtant, l’histoire de la Slovaquie est presque effrayante et me déplaît de prime abord. L’Etat slovaque est en effet né d’un ressentiment : celui éprouvé par une population rurale et provinciale à l’encontre d’une classe urbaine et industrieuse, représentée par les tchèques.















A sa création en 1993, le pays était jugé non viable économiquement. Mais rien ne s’est passé comme on l’avait prédit ; on a au contraire assisté à un impressionnant décollage économique qui a permis à la Slovaquie d’accéder, dès cette année, à l’euro. Incroyable revanche : ces ploucs de slovaques vont maintenant faire leurs courses à Prague, à Cracovie et à Budapest.


Mais les slovaques, tellement attachés à la terre, au pays natal, sont aujourd’hui minés par une angoisse intérieure. Cet étrange petit pays de 5 millions d’habitants abrite en effet une forte communauté tsigane d’au moins 500 000 personnes. Compte tenu d’un taux de natalité élevé, les tsiganes peuvent devenir majoritaires dans quelques décennies et la Slovaquie deviendrait ainsi le premier Etat tsigane.


Ils sont concentrés à l’est du pays, tout le long de la frontière ukrainienne. C’est une chose extraordinaire, lorsque l’on se dirige en voiture vers Lvov et Kiev, de basculer tout à coup dans un autre monde ; finis les yeux bleus et les cheveux blonds, ce sont des hommes et des femmes taciturnes, à la peau sombre et aux yeux noirs, que l’on croise désormais dans les rues; leurs ancêtres sont probablement venus d’Inde il y a plusieurs siècles.
Et puis, c’est un environnement lamentable, complètement déglingué ; des villages informes, des bâtiments en ruine, des hôtels sordides, des bars envahis de prostituées et de trafiquants… Je crois vraiment qu’il n’y a pas plus glauque en Europe que cette région.




















Je ne vous étonnerai pas, je pense, en vous disant que j’adore, bien sûr, ce genre d’endroits.


Je pense souvent aux tsiganes. Je les admire et ils m’interpellent. J’admire leur rébellion passive, leur absolu refus de la socialisation. Mais en même temps, comme l’a souligné l’écrivain polonais Andrzej Stasiuk dans un article percutant, « leur vie marginale remet radicalement en question le sérieux de notre européanité ».


Qu’en est-il en effet de notre prétention à l’universalité face aux tsiganes ?



« Voici un peuple analphabète qui parcourt depuis des siècles l’Europe et l’européanité exactement comme s’il traversait des régions peu attrayantes. Tout indique qu’ils n’ont rien appris de nous et qu’aucune de nos gloires ne suscite leur admiration… Ce n’est même pas une haine du sauvage pour le civilisé, une soif de vengeance ou de destruction…Mais non : ce n’est que de l’indifférence, un manque d’intérêt. »



Est-ce que nous n'avons pas tous envie de devenir, un jour, des tsiganes ?


Katarina Vavrová

Aucun commentaire: