samedi 25 avril 2009

Gothic Lolitas


Evidemment, j’adore les Gothic Lolitas japonaises.


Il est de bon ton de les moquer, de les juger névrosées, infantiles, incapables d’assumer leur identité.


















Moi-même, je ne raffole pas des Sweet Lolitas, avec jupes bouffantes, dentelles, couleurs pastel et jouets en peluche.

Je préfère les Elegant Gothic ou les Industrial Gothic, avec des accessoires plus raffinés et plus mystérieux.


















Il ne s’agit pas seulement de se déguiser mais de vivre complètement une culture, une façon de penser. Une référence très forte est faite à « Alice au pays des merveilles ». C’est bien sûr l’élégance, la culture et le romantisme mais c’est aussi le monde souterrain du cauchemar.



















Il y a une espèce de réversibilité générale des choses et des êtres au Japon. Un peu comme dans l’extraordinaire film « Audition » de Miike Takashi 三池 崇史, où une innocente jeune fille renverse tout à coup, dans une vengeance atroce, le rapport de domination entre les sexes.



En ce moment, la grande mode pour les jeunes japonaises, c’est de porter un cache-œil, ce qui est tout à fait troublant.

















Cela fait écho à cette question posée par Keiko Ichiguchi : « Pourquoi les japonais ont les yeux bridés ».

La réponse est simple. Regardez un programme crypté de télévision, un film pornographique par exemple, et étirez-vous très fort les coins des paupières avec les doigts. Vous verrez alors l’émission comme si elle était en clair. Les japonais ont donc les yeux bridés : pour voir le monde autrement qu’avec les grilles du sens commun; pour voir ce qui est interdit, le sexe, la mort.



Masaru Shichinohe, Massayuki Yoshinaga

dimanche 19 avril 2009

Le pays où l’amour n’existe pas



L’intérêt de Claude Levi-Strauss pour le Japon est bien connu. Il s’y est rendu à cinq reprises et a notamment préfacé l’étonnant petit livre (éditions Chandeigne) d’un père jésuite portugais, Luis Frois, qui résida, au 16ème siècle, dans l’archipel nippon et y fit une description comparative des mœurs japonaises et européennes.





















On y lit ceci : « Les femmes du Japon ne font aucun cas de la pureté virginale, et la perdre ne les déshonore ni ne les empêche de se marier….Au Japon, les filles vont seules là où elles le veulent, pour une ou plusieurs journées, sans avoir de comptes à rendre à leurs parents…Les japonaises ont la liberté d’aller où bon leur semble, sans que leur mari n’en sache rien ».




















De même, au 19 ème siècle, les premiers visiteurs, après la réouverture de l’Empire, se déclarèrent impressionnés par la liberté de mœurs des japonaises.


Tout cela demeure bien sûr d’actualité et les japonaises continuent de jouir, contrairement aux idées reçues, d’une indépendance enviable, au sein même d’une société incontestablement machiste. La sexualité n’est certes pas survalorisée, mais elle n’est du moins pas vécue comme un tabou ou une transgression ; elle est en fait un simple élément, parmi d’autres, de la vie émotionnelle.


Il est vrai, cependant, que l’on est frappé par la forte séparation, ségrégation des sexes au Japon. On ne rencontrera jamais un couple se tenant par la main ou s’embrassant dans la rue. Au lieu de cela, des groupes nombreux de jeunes femmes ou de jeunes gens qui remontent bruyamment les avenues ou s’amusent comme des fous dans les restaurants. L’attraction-séduction des deux sexes l’un par l’autre ne fonctionne pas selon les mêmes codes. La sexualité n’est pas une sexualité de conquête, de possession. Elle est plutôt identificatoire, théâtrale, dans le jeu des apparences.



















C’est au Japon que sont montées-exhibées les plus belles « machines désirantes » chères à Gilles Deleuze (qui n’a hélas jamais voyagé), comme en témoignent le spectacle de la rue et le goût effréné pour le cosplay, les kigurumi, le travestissement. Expérimenter une nouvelle identité, être un autre, est probablement plus fascinant, exaltant, que le posséder, l’assujettir.


Du reste, l’amour est, au Japon, un sentiment, si ce n’est inconnu, du moins faiblement valorisé. Ce n’est en tout cas qu’une motivation secondaire de la relation sexuelle ou du mariage. C’est en fait en allant au Japon que l’on comprend à quel point nous sommes façonnés en Europe, à travers la littérature en particulier, par le sentiment de l’amour. C’est une esthétique et une culture magnifiques, sans aucun doute, mais c’est aussi, finalement, un véritable asservissement. A vouloir s’inscrire obligatoirement dans ce cadre, à en faire un impératif et un absolu, on s’expose forcément à la désillusion et on limite surtout le champ de ses expériences.




Alors, ouvrez grands vos yeux,déployez votre "corps sans organes" et allez au Japon.


Cartes postales japonaises du musée de Boston-Nakazawa Hiromitsu

lundi 13 avril 2009

Sakura blossom à Shibuya



Mon premier contact avec le Japon, ou plus précisément avec les japonaises, remonte à l’époque où je me rendais à Moscou en empruntant l’Aeroflot. Chaque jour, un avion prolongeait son vol jusqu’à Tokyo et était rempli de jeunes japonaises, pleines de gaieté, qui venaient, me disaient-elles, de « faire l’Europe ».

Ca voulait simplement dire qu’elles avaient arpenté, avec leur yen stratosphérique, le faubourg Saint-Honoré, l’avenue Montaigne, la Galleria Vittorio Emanuele, la via Montenapoleone, Bond street et Oxford street.



















Je trouvais admirable cette extrême futilité et j’ai tout de suite éprouvé des points de contact avec les japonaises. Ces jeunes filles, enjouées et cultivées, étaient sans doute moins aliénées qu’on ne le pensait et incarnaient même une forme d’émancipation sans doute plus subversive que celle des militantes féministes occidentales.

Ca rejoignait d’ailleurs assez largement ma propre philosophie de la vie : les mecs et la famille, on s’en fout ; ce qui compte, c’est de se faire plaisir, de rigoler, de claquer du fric, d’être bien fringuée et de voyager dans le monde entier. La condamnation universelle d’une telle position démontre qu’elle a peut-être une vraie force révolutionnaire.




















Alors, cette année, je me suis trouvé un nouveau point d’ancrage à Tokyo, à Shimbashi exactement, dans un super hôtel avec piscine.

Dès mon arrivée, j’ai dégringolé Omotesando, grimpé quatre à quatre les étages du magasin Laforet (pas pour m’y habiller quand même), remonté sur Harajuku, arpenté le parc Yoyogi et terminé ma soirée à Shibuya.

Shibuya et sa grande place mythique. Lorsque je l’avais découverte pour la première fois, j’avais éprouvé un choc émotionnel qui m’avait confirmé que le Japon était bien le pays de mes rêves. Ce pays d’une énergie folle qui balaie d’un coup toutes les idées reçues. Le pays de la jeunesse et de la féminité où ces catégories reçoivent un sens nouveau.



Masaru Shichinohe, Takato Yamamoto, Fuyuko Matsui

vendredi 3 avril 2009

A l’Est du soleil


Alors voilà, ça y est ! Ce soir, j’embarque sur la JAL. 12 heures de béatitude à essayer d’entr’apercevoir la Sibérie et puis l’arrivée miraculeuse au pays de l’émerveillement.


Quand je dis que je pars à Tokyo pour me reposer, on me considère comme une demeurée. Il est vrai qu’en France on a une image monstrueuse du Japon, façonnée au mieux par Amélie Nothomb (« Stupeur et tremblements ») et Sofia Coppola (« Lost in translation ») dont les visions sont étrangement teintées de racisme. Et puis on vous ramène systématiquement l’anecdote des pousseurs dans le métro (ce que je n’ai personnellement jamais vu).
















Certes, il ne faut pas avoir d’aversion pour le monde urbain mais pour moi, il n’est pas de pays plus facile et plus « cool » que le Japon. Tout est fait, grâce à une extraordinaire organisation, pour vous faciliter la vie et vous éviter de perdre du temps. Pour vous permettre de satisfaire, instantanément et quelle que soit l’heure, l’une de vos fantaisies.

Il y a une culture de la fluidité au Japon, un peu présente également aux Etats-Unis mais totalement inconnue en France où l’on trouve normal d’attendre et que tout dysfonctionne. Dans la foule tokyoïte, personne ne se heurte, ne se bouscule. Tout s’écoule avec une étonnante facilité et rapidité.











Le Japon, c’est un peu le phalanstère fouriériste impeccablement organisé pour la satisfaction de tous les plaisirs.


Et puis, il y a une joie communicative des gens. J’adore croiser ces groupes de jeunes filles merveilleusement habillées, riant aux éclats, ou même, le soir, ces groupes de salarymen qui bambochent ensemble après leur journée de travail.

Floriane de Lassée