dimanche 1 juin 2008

Le despotisme asiatique et la maison vide


















Karl Marx évoquait le despotisme asiatique comme l’un des premiers stades du développement socio-économique. Le 20 ème siècle a illustré ses propos dans des pays qui ont été littéralement écrasés par la guerre. L’horreur y a façonné les mentalités. Point commun entre l’Asie, la Russie, l’Europe Centrale. Dimension psychologique profonde, incompréhensible à l’Ouest où cela est ignoré, refoulé. Quelques jalons au hasard : la révolte des Boxers, la bataille de Port-Arthur, la colonisation de la Corée, la longue épouvante (1931-1945) de la guerre sino-japonaise, le massacre de Nankin, la guerre du Pacifique, la guerre du 38 ème parallèle.















De l’horreur, de la guerre, de la dictature (japonaise puis militaire), la Corée porte la marque dans son architecture urbaine. Presque plus rien ne subsiste du passé. La Corée est presque aussi laide que la Chine avec ses villes affreuses, envahies par le kitsch et la camelote. Il faut le reconnaître : Amélie Nothomb a opposé avec justesse le Japon, pays de la beauté, à la Chine, pays de la laideur, de la « laideur habitable ». Cependant la Corée n’est pas non plus si différente du Japon en ce sens où la beauté réside non dans l’ensemble, la synthèse comme chez nous, mais dans le détail, l’instant, le fragment isolé.

Dans les villes de province que je traverse, je constitue souvent une attraction. Rencontrer des occidentaux n’est pas encore si courant au « pays des ermites » dont la tradition d’isolement, de repli sur soi, a, il est vrai, assuré la survie. L’étonnement suscité, notamment chez les enfants, est troublant : y aurait-il une sorte de racisme instinctif ?














J’ai vécu dans une famille, dans une vraie maison coréenne. Il faut s’habituer à vivre par terre dans des pièces sans meubles. La maison est, en Asie, une illustration de la pensée bouddhiste. Son architecture légère, en bois, souligne son caractère provisoire, éphémère ; elle est vouée à être déplacée du fait des aléas ou d’une catastrophe naturelle. Tout passe, rien n'est acquis, tout s'efface. Ensuite, l’absence de meubles conjure l’instinct de propriété. L’homme ne saurait rien posséder en propre. La liberté, c’est le vide. L’habitat n’existe que pour être partagé.

Voilà qui nous change de nos rêves immobiliers d’occidentaux, de la recherche d’un chez soi. A moi qui vis dans un logement de passage, qui n’ai jamais bien su d’où j’étais et où j’allais, cette pensée apparaît lumineuse.

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