jeudi 27 mars 2008

Bouf-é-Kour La chouette aveugle






































Sadegh Hedayat

Je réapparaissais donc en Iran; exaltation, prostration : apprentissage d'une nouvelle sensibilité et même d'une hypersensibilité, mais horreur et angoisse de ma nouvelle situation; sentir que l'on appartient malgré tout au monde des morts. Seul l'opium, auquel je m'adonnais frénétiquement, me procurait apaisement; un brocanteur lépreux, expert en miniatures, m'approvisionnait en cylindres dorés d'Afghanistan.

Je pris pension à l'hôtel Amir-Kabir, ancien lieu de rendez-vous des routards et hippies. Pendant des semaines, je n'ai pas quitté mon logement crasseux. L'opium faisait sans cesse resurgir les abîmes du passé.

Et puis un soir, de la lucarne de ma chambre, j'aperçus des yeux effrayants et enchanteurs, des yeux bridés comme ceux des turkmènes, animés d'un éclat enivrant...

... et aussi la délicatesse d'une silhouette, l'impassibilté éthérée d'une posture; une attitude mélancolique, une joie navrante, les gestes harmonieux d'une danseuse sacrée de l'Inde; beauté d'une vision d'opium que tout indiquait passagère et fragile.

Je me contemplais dans un miroir...





































Et la résurgence obsédante d'un même motif, répété à d'infimes variations près dans mes rêves :


"Un cyprès au pied duquel est accroupi un vieillard voûté, pareil aux yoguis de l'Inde. Drapé dans un aba, la tête entourée d'un turban, il tient son index gauche sur ses lèvres, figé dans une attitude qui exprime l'étonnement. Face à lui, une jeune fille, drapée de longs vêtements noirs, quelque bayadère peut-être, danse avec des mouvements étranges. Elle tient une fleur de capucine à la main. Un ruisseau sépare les deux personnages."

"Alors je me retournais dans mon lit : mes vêtements étaient déchirés; de la tête aux pieds, j'étais couverte de sang coagulé. Deux hannetons voletaient autour de moi : de minuscules vers blancs se tordaient sur mon corps - et je sentais un cadavre peser de tout son poids sur ma poitrine".


Telles furent mes premières visions vampiriques.

2 commentaires:

Unknown a dit…

C quoi le but de ce livre

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Anonyme,

"La chouette aveugle", c'est le grand roman de la littérature persane contemporaine.
Disons qu'il s'agit du récit d'une fascination magique et mortelle pour une femme. Je vous assure que c'est un livre vraiment envoûtant.

Bien à vous,

Carmilla