jeudi 17 janvier 2008

Le bruissement de la neige

















Andreï Tarkovsky - Stalker

Il a neigé pendant quelques heures sur Bagdad. Ispahan et Kaboul sont prises dans les glaces. A Séoul, il gèle cruellement. A Tokyo, le parc Ueno est recouvert d’une nappe blanche. A Moscou seule, un véritable hiver, comme ceux de mon enfance, peine à s’installer. Enfin à Fort de France, il fait toujours la même température désespérante de 30°.

En français, on ne distingue pas le temps chronologique et le temps météorologique, ce qui passe pour une infirmité. Pourtant, s’il était possible de définir une nouvelle forme du temps, d’inventer un nouveau calendrier, le temps météorologique constituerait un point de passage obligé parce qu’il brasse, jusqu’à les confondre, le temps et l’espace. Comment m’arracher à la pesanteur du temps social, à sa répétition lancinante qui m’anesthésie, m’appauvrit ? Le temps météorologique entrelace les lieux, l’histoire, brise les frontières, ouvre la dimension de l’imaginaire.

Mais oui, il est possible de trouver une nouvelle incarnation, de se soustraire au temps social, d’être heureux et libre, tel le danseur cosmique de Nietzsche "à l'aise au milieu des hasards comme au milieu des flocons de neige".

Des flocons qui recouvrent des villes de rêve : Rothenburg et Bamberg en Bavière, Celle et Lüneburg en Basse-Saxe, Cesky Krumlov en Bohême, Levoca en Slovaquie, Zamosc en Pologne…des villes de contes de fées d’une irréelle beauté, des cristaux de roche miroirs des cristaux de neige… mais des endroits si idylliques, si éthérés, qu’il est presque évident que quelque chose doit venir, un jour, briser brutalement cette apparence parfaite.

Car chacun sait qu’une jeune fille d’une irréelle beauté est inévitablement appelée à périr tragiquement.

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